La clause sur les droits de l'homme et la démocratie dans les accords de l'Union européenne  
2005/2057(INI) - 14/02/2006  

En adoptant le rapport d’initiative de M. Vittorio AGNOLETTO (GUE/NGL, IT), le Parlement européen se rallie dans les grandes lignes à la position de sa commission au fond et menace de rejeter les accords internationaux qui lui seront proposés qui ne contiendraient pas de clause des droits de l'homme. Pour rappel, cette clause, aux termes de laquelle "le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme (...) constitue un élément essentiel des accords conclus entre l'UE et les pays tiers ", prévoit la possibilité de prendre des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension pure et simple de l’accord en cas de violation constatée et répétée desdits principes. Elle a désormais été introduite dans plus de cinquante accords internationaux de l'UE et son insertion est devenue plus ou moins systématique depuis le début des années 1990.

Soucieux d'obtenir un renforcement de la politique des droits de l'Homme de l'Union européenne, le Parlement demande maintenant que cette clause, qui ne figure toujours pas dans nombre d'accords avec des pays développés et des accords sectoriels, tels que ceux conclus sur les textiles, l'agriculture et la pêche ou l’assistance technique, soit aussi systématisée dans ce type d’accords. Il indique dans la foulée qu’il ne sera plus disposé à donner son avis conforme à de nouveaux accords internationaux qui ne contiendraient pas cette clause.

Á plusieurs reprises, le Parlement a fait valoir que l'Union n'avait pas été capable de réagir de manière appropriée aux violations graves et répétées des droits de l'homme et des principes démocratiques. Il faut donc que l'UE élabore de nouvelles procédures et de nouveaux critères concernant l'application de la clause dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie afin d’être appliquée sans discrimination entre les États ou entre leurs niveaux de développement. Ce faisant, le Parlement demande plus de transparence au moment de la mise en œuvre de la clause et rappelle que les sanctions prévues ne peuvent être infligées en fonction des pays en question mais en fonction de la violation proprement dite.

Le Parlement demande également la mise en place de sous-commissions des droits de l'homme au sein des Conseil d’association liant l’UE à un pays tiers dans le cadre d’un accord. Il propose que ces sous-commissions soient chargées de vérifier le respect, l'application et la mise en œuvre de cette clause, proposent des actions positives pour renforcer la démocratie et la protection des droits de l'homme et évaluent la mise en œuvre de la clause. Il estime par ailleurs qu’il doit être beaucoup mieux associé à la définition du mandat de négociation des accords à conclure et qu’il faut améliorer la transparence interinstitutionnelle dans cette matière. Le Parlement devrait également jouer un rôle accru au sein des Conseils d’association avec les pays tiers.

Par ailleurs, le Parlement estime que cette clause souffre d’une formulation relativement vague, ce qui a compromis sa bonne application. Aussi, pour garantir une approche plus cohérente, efficace et transparente de la politique européenne des droits de l'homme, une révision de son libellé actuel s'impose. Le  Parlement souligne que cette clause révisée devrait :

  • prévoir la suppression de l’unanimité au Conseil pour engager une procédure de consultation en cas de constatation de mauvaise application de la clause et la révision de l’article 300, par. 2 du traité qui limite les pouvoirs du PE, dans ce contexte ;
  • promouvoir la démocratie, les droits de l’homme, les droits des minorités, l’État de droit et la bonne gouvernance, tant dans les accords avec des pays en développement qu’avec les pays industrialisés ;
  • prévoir que les pays concernés se conforment à ces normes, en tant qu’ »élément essentiel » de l’accord (avec une définition précise des textes internationaux qui reprennent les droits fondamentaux auxquels les pays tiers doivent se conformer, y compris les normes OIT) ;
  • (à la faveur d’un amendement oral du rapporteur approuvé en Plénière) prévoir que les populations des pays concernés ne se livrent pas à des arrestations arbitraires, ne pratiquent pas la torture, permettent à leurs ressortissants d’avoir accès à des tribunaux impartiaux, et prêtent une attention particulière aux droits de la femme, en rejetant toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ;
  • comporter une procédure de consultation entre toutes les parties concernées ainsi qu'une définition claire des mesures politiques et juridiques à prendre en cas de violation de la clause, comprenant un mécanisme d’alerte permettant de suspendre à titre temporaire l’accord de coopération visé (la suspension totale constituant une solution extrême dans les relations de l’UE avec les pays tiers). En tout état de cause, aucune mesure ne devrait pouvoir être levée tant que subsistent des raisons de croire que les droits de l’homme sont encore bafoués ;
  • se baser sur la réciprocité, en prenant en compte tant le territoire de l'UE que celui des autres pays concernés et (à la faveur d’un amendement Verts/ALE adopté en Plénière par 325 pour, 301 contre et 10 abstentions) en rendant l’UE et les pays tiers responsables l’un devant l’autre de leurs politiques liées aux valeurs fondamentales.

Le Parlement se félicite de l’expérience acquise avec la clause « droits de l’homme » de l’accord de Cotonou qui a conduit à la suspension temporaire de la coopération économique avec certains États ACP, renforçant la crédibilité de l’UE. Il se dit donc favorable à la généralisation de cette expérience dans les accords entre l’Union et les pays tiers, sachant que le contenu politique et juridique et les sanctions applicables sont beaucoup mieux précisés dans l’accord de Cotonou. Il propose à cet effet un mécanisme efficace de contrôle du respect de la clause comprenant :

  • l’inclusion de la thématique des droits de l’homme dans les ordres du jour des Conseils d’association liant un pays tiers à l’UE dans le cadre d’un dialogue structuré;
  • le renforcement du rôle des délégations de la Commission dans les pays tiers et la prise en compte d’une variable « droits fondamentaux » dans les documents de stratégies par pays,
  • la mobilisation du Conseil d’association concerné en cas de demande de sanctions à l’égard d’un pays tiers qui aurait ignoré ses engagements ;
  • la mise en place d’un dialogue structuré avec la commission « droits de l’homme » du Conseil d’association, le Parlement et d’autres partenaires (ONG, Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE) dans les débats portant sur la violation de la clause « droits de l’homme » ;
  • l’implication plus nette du PE lors de la prise de décision d’une mesure de suspension éventuelle d’un accord ;
  • la rédaction d’un rapport annuel par la Commission reprenant tous les cas de mauvaises application de la clause « droits de l’homme » par un pays tiers et sur les mesures à prendre dans ce contexte.

Le Parlement demande également l’extension de la dimension positive de la clause « droits de l’homme », ce qui implique un suivi des progrès effectués par les pays concernés dans ce domaine. Il faut en outre mieux faire connaître l’existence de la clause « droits de l’homme » auprès de l’opinion publique européenne.

Le Parlement ajoute encore que dans le cadre des accords liant l’Union à ses partenaires de la « politique de voisinage », il serait opportun d’aller plus loin encore et de proposer la mise en commun d’institutions de promotion des principes démocratiques (sur l’exemple du Conseil de l’Europe, notamment) et que les pays partenaires s’accordent sur une base mutuelle le droit d’observer leurs élections dans un souci de transparence.

Enfin, suivant un amendement Verts/ALE (adopté en Plénière par 357 voix pour, 251 voix contre et 18 abstentions), le Parlement souligne également que pour que des élections soient considérées comme "démocratiques, libres et équitables", certaines conditions devraient être remplies au préalable comme le respect des droits civiques et politiques, la liberté d'expression et le respect du pluralisme politique.