Semestre européen  

La crise financière et les turbulences récentes sur les marchés de la dette souveraine ont clairement souligné les défis que l'Union européenne doit relever en matière de gouvernance économique. Il y a lieu de renforcer la gouvernance économique et la coordination au niveau de l'UE.


Le semestre européen est l'une des premières initiatives clés issue d'un groupe de travail sur la gouvernance économique mis en place à la demande du Conseil européen de mars 2010 et présidé par le Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Il s'agit d'un cycle de six mois de coordination des politiques économiques qui couvre l'ensemble des 27 États membres de l'UE. Ce cycle est lié à une procédure d'évaluation ex ante des réformes structurelles, des plans budgétaires et des déséquilibres macroéconomiques des États membres. La principale innovation introduite par le semestre européen consiste en l'extension de l'application de la coordination des politiques économiques à l'ensemble du processus budgétaire de tous les États membres.

Les outils du semestre européen trouvent leur origine dans la Stratégie Europe 2020 et le Pacte de stabilité et de croissance.

HISTORIQUE :

1997 : réuni à Amsterdam, le Conseil européen convient d'un Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce cadre réglementaire est conçu pour assurer la discipline budgétaire après la création de l'euro et celle d'un nouveau mécanisme de change. Il est mis en place pour assurer la stabilité à la fois de l'euro et des monnaies nationales des pays ne faisant pas encore partie de la zone euro. Le PSC est régi par le règlement 1466/97 portant sur le renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que la surveillance et la coordination des politiques économiques (volet préventif), le règlement 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure de déficit excessif (le volet dissuasif), ainsi que par une résolution du Conseil européen. Le règlement du Conseil 1466/97 prévoit à la fois des programmes de stabilité (pour les membres de la zone euro) et des programmes de convergence (pour les États membres hors zone euro) que les États membres sont tenus de soumettre chaque année à la Commission.

Les critères à respecter par les États membres sont les suivants :

  • un déficit budgétaire annuel ne dépassant pas 3% du PIB (comprenant la somme de tous les budgets publics, y compris les municipalités, régions, etc.)
  • une dette nationale inférieure à 60% du PIB ou proche de cette valeur.

1999 : le 1er janvier 1999 voit le début de la troisième phase de l'UEM, lorsque l'euro devient une monnaie à part entière et qu'une politique monétaire unique est introduite sous l'autorité de la Banque centrale européenne. Plusieurs textes législatifs sont adoptés pour ouvrir la voie à cette troisième étape de l'UEM.

2005 : le Conseil européen de mars 2005 convient que les règlements du Conseil 1466/97 et 1467/97 doivent être modifiés afin de renforcer et de clarifier la mise en œuvre du PSC, à la suite de quoi les règlements (CE) 2005/1055 et 2005/1056 sont adoptés en juin 2005. Les deux critères d'origine sont maintenus, mais d'autres aspects sont introduits, notamment la viabilité à long terme des finances publiques dans l'évaluation des programmes de stabilité et de convergence.

Mars 2010 : l'une des premières recommandations du groupe de travail visant à renforcer la coordination des politiques, à savoir l'instauration d'un "semestre européen", est adoptée.

Mai et juin 2010 : la Commission présente deux communications sur la gouvernance économique: une communication sur le renforcement de la coordination des politiques économiques (mai 2010) et une communication sur l'amélioration de la coordination des politiques économiques pour la stabilité, la croissance et l'emploi - Outils pour renforcer la gouvernance économique de l'UE (juin 2010). Elle y propose un ensemble d'outils destinés à renforcer efficacement les volets préventifs et correctifs du Pacte de stabilité et de croissance, à étendre la surveillance aux déséquilibres macro-économiques et à appliquer efficacement la surveillance économique au moyen de sanctions et d'incitations appropriées. La mise en place d'un «semestre européen» à compter de janvier 2011 deviendra la pierre angulaire de la coordination des politiques économiques. L'objectif de ces propositions, fondées sur les articles 121 et 136 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), est d'améliorer la gouvernance économique de l'UE.

La mise en place d'un semestre européen conférant une dimension européenne aux décisions politiques nationales, et conduisant à une coordination plus efficace des politiques ex ante est au cœur de ces propositions. Le semestre européen s'appliquera également aux réformes structurelles ainsi qu'aux éléments générateurs de croissance de la stratégie Europe 2020.

Suite aux propositions de la Commission européenne et à l'accord politique de l'Union européenne du 7 septembre (Ecofin), la Commission présentera sa proposition de modification du règlement 1466/1497 dès le 29 Septembre 2010.

Septembre 2010 : la Commission présente un ensemble de six mesures en matière de gouvernance économique ("Le Paquet de six") qui se compose de cinq règlements et d'une directive. Ces propositions prévoient le plus important renforcement de la gouvernance économique dans l'UE et la zone euro depuis le lancement de l'Union économique et monétaire il y a près de 20 ans. Ce train de mesures représente déjà une étape concrète et décisive vers une discipline budgétaire accrue, dans le but de stabiliser l'économie de l'UE et de prévenir une nouvelle crise dans l'UE.

12 Janvier 2011 : la Commission adopte le 1er examen annuel de la croissance, marquant le début d'un nouveau cycle de gouvernance économique dans l'UE et du premier semestre européen de coordination ex-ante et intégrée des politiques, ancré dans la stratégie Europe 2020.

Mars 2011 : le pacte euro plus est conclu fin mars par les 17 pays de la zone euro, avec la participation de six des dix autres États membres (Bulgarie, Danemark, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie) dans le but d'améliorer plus encore la solidité budgétaire et la compétitivité des États membres. Le Conseil européen a invité les États membres participant au pacte euro plus à présenter leurs engagements en temps voulu afin que ceux-ci puissent être inclus dans leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes nationaux de réforme.

25 Mars 2011: adoption de la décision 2001/199/UE du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.

Septembre 2011 : adoption du «Paquet de six» basé sur la base d'un compromis conclu avec le Conseil.

CONTENU : le semestre européen est la première étape d'une série de réformes qui va considérablement modifier les contours de la politique économique européenne. Compte tenu de l'interdépendance des États membres, en particulier dans la zone euro, la coordination ex-ante au Conseil constitue la clé de voûte du semestre européen.

Le premier cycle du semestre européen a débuté en 2011 et se déroulera durant la période comprise entre janvier et juillet de chaque année.

Le cycle du semestre européen est le suivant:

  • En janvier, la Commission publie l'examen annuel de la croissance. Ce rapport est ensuite discuté dans les différentes formations du Conseil et au Parlement européen avant la réunion de printemps du Conseil européen.
  • Lors du Conseil de printemps, les États membres - essentiellement sur la base de l'examen annuel de la croissance - identifient les principaux défis auxquels l'UE est confrontée et délivrent des conseils stratégiques sur les politiques.
  • Tenant compte de cette orientation, les États membres doivent présenter et discuter les stratégies budgétaires à moyen terme de leurs programmes de stabilité et de convergence et, dans le même temps, élaborer des programmes nationaux de réforme exposant les actions qu'ils vont entreprendre dans des domaines tels que l'emploi, la recherche, l'innovation, l'énergie ou l'inclusion sociale. Ces deux documents sont ensuite envoyés en avril à la Commission européenne pour évaluation.
  • Sur la base de l'évaluation de la Commission, le Conseil publie des orientations spécifiques par pays pour juin et juillet et éventuellement des orientations spécifiques pour les pays dont les politiques et les budgets sont inappropriés (par exemple, si leurs plans ne sont pas réalistes en termes d'hypothèses macro-économiques ou s'ils ne traitent pas les principaux défis en termes de consolidation budgétaire, de compétitivité, de déséquilibres, etc.)
  • Chaque année en juillet, le Conseil européen et le Conseil des ministres conseille les États membres avant que ceux-ci ne parachèvent leur projet de budget pour l'année suivante. Les projets de budget sont alors envoyés par les gouvernements aux parlements nationaux, qui continuent à exercer pleinement leur pouvoir décisionnel sur le budget.

Examen annuel de la croissance (EAC) : la Commission a publié en janvier 2011 son examen annuel de la croissance 2011, première étape du premier exercice du Semestre européen qui modifie la façon dont les gouvernements façonnent leurs politiques économiques et fiscales. Cet examen annuel de la croissance regroupe les différentes actions essentielles pour renforcer la reprise à court terme, faire en sorte que l'UE ne se laisse pas distancer par ses principaux concurrents et progresser vers les objectifs fixés par la stratégie Europe 2020. La Commission poursuivra ses travaux dans plusieurs autres domaines d'action, y compris les échanges commerciaux et toute une série de politiques internes.

Étant donné l'urgence, la Commission a choisi de présenter 10 actions prioritaires pouvant être regroupées sous trois grands domaines :

(1) Créer les conditions fondamentales nécessaires à la croissance :

  • mettre en œuvre un assainissement  budgétaire rigoureux ;
  • corriger les déséquilibres macroéconomiques ;
  • assurer la stabilité du secteur financier.

(2) Mobiliser les marchés du travail, créer des opportunités d'emplois :

  • rendre le travail plus attractif ;
  • réformer les systèmes de retraite ;
  • réinsérer les chômeurs sur le marché du travail ;
  • concilier sécurité et flexibilité.

(3) Donner la priorité à la croissance :

  • exploiter le potentiel du marché unique ;
  • attirer des capitaux privés pour financer la croissance ;
  • permettre l'accès à l'énergie à un coût abordable.

La Commission propose que le Conseil européen adopte un accord reprenant ces actions, par lequel les États membres s'engageraient à les mettre en œuvre.

Programmes nationaux de réforme : sur la base des orientations du Conseil européen, les États membres ont présenté leurs engagements nationaux dans leurs stratégies budgétaires à moyen terme dans le cadre des programmes de stabilité ou de convergence et énoncé, dans leurs programmes nationaux de réforme, les mesures nécessaires afin de refléter la réponse globale à la crise formulée dans la stratégie Europe 2020.

Au début du mois de juin 2011, la Commission a adopté une série de recommandations spécifiques par pays pour chacun des 27 États membres de l'UE et une pour la zone euro dans son ensemble afin de les aider à renforcer leurs politiques économiques et sociales, de manière à atteindre les objectifs souhaités en matière de croissance, d'emploi et de finances publiques. Elles devraient permettre à chacun de se concentrer sur les leviers stratégiques au cours des 12 à 18 prochains mois, et stimuler ainsi l'économie de toute l'UE.

Pour formuler ces recommandations, la Commission s'est fondée sur l'analyse des programmes nationaux - programmes de stabilité ou de convergence et programmes nationaux de réforme - présentés par les États membres. Une évaluation des progrès réalisés au niveau de l'UE sera incluse dans son prochain examen annuel de la croissance. Elle examinera les progrès accomplis par chacun des États membres, dans ses prochaines recommandations spécifiques par pays devant être publiées en juin 2012.

POSITION ET IMPACT DU PARLEMENT EUROPÉEN : la commission des affaires économiques et monétaires a désigné Pervenche Berès (S&D, FR) comme rapporteur sur l'Examen annuel de la croissance 2011.

Dans sa résolution adoptée le 1er décembre 2011, le Parlement a exprimé sa préoccupation quant au manque de légitimité démocratique de l'introduction du semestre européen. Il estime que le Parlement devrait être reconnu comme le forum démocratique européen approprié pour fournir une évaluation globale à la fin du semestre européen et qu'il devrait organiser chaque année, dès 2013, avant le Conseil européen de printemps, un forum interparlementaire réunissant au Parlement européen des membres des commissions compétentes des parlements nationaux. Il estime en outre que son président devrait participer aux réunions du Conseil européen sur le semestre européen.

Le Parlement invite la Commission à mieux prendre en compte l'approche multidimensionnelle (intelligente, durable et inclusive) de la Stratégie Europe 2020 dans les référentiels utilisés pour évaluer les progrès accomplis par les États membres et à émettre en conséquence des recommandations spécifiques par pays. Il demande que l'examen annuel de la croissance soit transformé en «lignes directrices annuelles pour la croissance durable» régies par la procédure de codécision. Les recommandations par pays devraient, elles aussi, être fondées sur des procédures démocratiques.

Bien que le Parlement considère le semestre européen comme étant le cadre valable pour la mise en œuvre de la stratégie de l'UE et pour un gouvernement économique efficace, il a exprimé sa déception quant aux programmes nationaux de réforme des États membres, et a appelé à leur amélioration dans le prochain cycle. Il a également invité la Commission à s'assurer que les politiques nationales et les objectifs annoncés dans les programmes nationaux de réforme cumulent leurs effets jusqu'à un niveau suffisant pour atteindre les objectifs généraux de la stratégie Europe 2020.

Les leçons tirées du 1er semestre européen : 2011 a été la première année du semestre européen. Le Parlement européen a fait part de quelques inquiétudes, en particulier en ce qui concerne les divergences entre les programmes nationaux de réforme en termes d'exactitude, de transparence et de faisabilité. Les États membres sont fermement invités à améliorer la qualité de leurs rapports. Le Parlement invite également la Commission à s'assurer que les programmes suffiront pour atteindre les grands objectifs de la stratégie 2020, ce qui n'a apparemment pas été le cas lors du premier semestre européen.

Prochaines étapes :

L'exercice du semestre européen 2012 : l'exercice 2012 a débuté le 23 novembre 2011 avec la publication par la Commission de l'examen annuel de la croissance 2012. Le message clé de l'examen annuel de la croissance 2012 est que, face à une détérioration de la situation économique et sociale, davantage d'efforts doivent être entrepris pour remettre l'Europe sur la bonne voie et soutenir la croissance et l'emploi.

L'examen annuel de la croissance requiert que l'UE et les États membres se concentrent sur cinq priorités :

  • assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance ;
  • revenir à des pratiques normales en matière de prêt à l'économie ;
  • promouvoir la croissance et la compétitivité;
  • lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise ;
  • moderniser l'administration publique.

Dans les semaines et les mois à venir, les différentes formations du Conseil discuteront de l'examen annuel de la croissance et feront rapport au Conseil européen de mars afin qu'il puisse adopter des lignes directrices appropriées pour les États membres. Ces orientations devraient être incorporées dans les programmes nationaux de réforme des États membres (en ce qui concerne les réformes économiques) et les programmes de stabilité ou de convergence (pour ce qui est des finances publiques) présentés en avril/mai.

Après avoir analysé ces programmes, la Commission publiera ses recommandations spécifiques par pays selon un calendrier permettant leur approbation par le Conseil européen de juin 2012. Les États membres devraient alors intégrer ces orientations politiques dans leurs décisions économiques et budgétaires nationales.

En novembre 2011, la Commission a également présenté une nouvelle proposition établissant des dispositions communes pour la surveillance et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour assurer la correction du déficit excessif des États membres dans la zone euro. Cette proposition établit des dispositions pour la surveillance renforcée des politiques budgétaires dans la zone euro :

  • en complétant le semestre européen par un calendrier budgétaire commun,
  • en complétant le système de surveillance multilatérale des politiques budgétaires par des exigences de surveillance supplémentaires afin de garantir que les recommandations formulées par l'Union dans le domaine budgétaire sont dûment prises en compte dans la préparation des budgets nationaux et
  • en complétant la procédure de correction du déficit excessif d'un État membre par une surveillance plus étroite des politiques budgétaires des États membres faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif afin de garantir une correction durable et rapide des déficits excessifs.

11/01/2012