Accord commercial UE - Etats-Unis  

Introduction : le "partenariat transatlantique de commerce et d'investissement" est le nom de l’accord de commerce actuellement en phase de négociation entre l’Union et les États-Unis. Il cherchera à aller au-delà de l'approche classique consistant à supprimer les droits de douane et à ouvrir les marchés à l'investissement, aux services et aux marchés publics.

 

La décision de négocier un accord global sur le commerce et les investissements résulte des recommandations du Groupe de travail à haut niveau sur l'emploi et la croissance, mis en place à la suite d'un sommet UE/États-Unis qui s'est tenu à Washington DC en novembre 2011. Coprésidé par le représentant américain au Commerce extérieur, Ron Kirk, et par le Commissaire au commerce, Karel de Gucht, le groupe a publié son rapport final en février 2013. Le rapport conclut qu’un accord global couvrant tous les secteurs serait largement positif, en ouvrant les échanges et en donnant ainsi un coup d’accélérateur à la croissance économique et à la création d'emplois des deux côtés de l'Atlantique.

 

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, le Parlement européen joue un rôle de premier plan dans la définition de la politique commerciale de l'Union européenne, qui porte sur les questions liées au commerce international des biens et des services, ainsi que sur les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et les investissements étrangers directs.

 

Conformément au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 207, paragraphe 3 et 218 du TFUE), l'accord final ne sera conclu par le Conseil et les États membres, que si le Parlement européen a donné son approbation. La Commission négociera au nom de l'UE et de ses États membres, en veillant à informer régulièrement le Parlement européen sur l'état d'avancement des négociations.

 

Dans ce contexte, il faut rappeler que le Parlement a, par sa résolution législative du 4 juillet 2012, refusé de donner son approbation à la conclusion de l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) entre l'Union européenne et ses États membres, l'Australie, le Canada, la République de Corée, les États-Unis, le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse. Pour la première fois, le Parlement a ainsi exercé son pouvoir, conféré par le traité de Lisbonne, de rejeter un accord international sur le commerce.

 

Importance de l’accord UE/USA :

 

1) Échanges commerciaux entre l’UE et les États-Unis : les États-Unis et l’UE représentent ensemble la moitié environ du PIB mondial. Chaque jour, les Parties échangent des biens et services pour un montant total de quelque 2 milliards EUR.

Pour leur part, les États-Unis représentent le plus grand marché d’exportation de l’UE: en 2012, ce pays a acheté pour 264 milliards EUR de produits européens, représentant 17% du total des exportations de l’UE. De plus, le commerce transatlantique des services s’élève à environ 260 milliards EUR par an. L'investissement américain total dans l'UE est trois fois plus élevé que celui réalisé dans toute l’Asie et l’investissement de l’UE aux États-Unis représente environ huit fois le montant de l'investissement cumulé de l’UE en Inde et en Chine. Au total, les échanges économiques transatlantiques assurent quelque 15 millions d’emplois dans l’UE et aux États-Unis.

 

2) Bénéfices escomptés de l’accord pour chacune des Parties : une étude d’impact diligentée par la Commission avant le lancement des négociations indique qu’un accord global ambitieux entre les États-Unis et l’UE pourrait assurer un gain annuel de 0,5 à 1% du PIB pour l’UE. Cela équivaudrait à au moins 86 milliards EUR de revenu national brut annuel supplémentaire pour l’économie de l’UE. Cette même étude indique que l’accord pourrait augmenter le PIB européen de quelque 0,27% à 0,48%.

En d’autres termes, grâce à la réduction des formalités administratives et à la diminution des prix à la consommation, un futur accord commercial avec les États-Unis rapporterait, en moyenne, presque 545 EUR de plus par an à chaque foyer européen (soit 199 milliards EUR par an pour l’ensemble de l’Union européenne).

Cette étude indique par ailleurs que l’économie américaine pourrait bénéficier d’un gain de 95 milliards EUR par an, soit 655 EUR par foyer américain.

L’accord TTIP devrait enfin permettre d’augmenter le revenu mondial de 238 millions EUR, dont 86 millions EUR pour les pays tiers.

 

Au regard des bénéfices escomptés, les avantages seraient extrêmement importants dans la mesure où ils seraient le résultat de l’élimination de droits de douane et de la suppression de règles inutiles ou d’obstacles administratifs qui font qu'il est difficile d'acheter et de vendre à travers l'Atlantique.

 

Au total, l’accord visera à stimuler le commerce en créant une demande accrue sans avoir à augmenter les dépenses publiques ou l'emprunt.

 

Domaines clés couverts par les négociations en cours : la Commission a préparé une série de documents de base initiaux portant sur les domaines clés de négociations :

 

  1. Dispositions transversales et institutionnelles sur les questions réglementaires : cette partie couvre 2 aspects majeurs :

·         Les disciplines transversales portant sur la cohérence règlementaire et la transparence pour le développement et la mise en œuvre efficiente, au meilleur coût-efficacité et avec la plus grande compatibilité possible en termes règlementaires sur les biens et les services, incluant des consultations exploratoires sur des réglementations d’importance majeure, l’utilisation de fiches d’impact, le principe de révisions périodiques des mesures réglementaires existantes, et l’application de bonnes pratiques ; et

·         un cadre pour identifier les possibilités de coopération réglementaire et orienter le cadre règlementaire futur, y compris les dispositions qui prévoient une base institutionnelle pour les progrès à venir.

  1. Barrières techniques au commerce (TBT) : les objectifs de ce chapitre (TBT-plus) consistent en la prévision d’une plus grande ouverture, transparence et convergence des approches règlementaires et des processus d’élaboration des normes connexes, et la réduction des tests de certification redondants et fastidieux ainsi que certaines exigences de certification, la promotion de la confiance mutuelle entre les Parties en leur organisme respectif d'évaluation de la conformité et le renforcement de la coopération en matière d’évaluation de la conformité et les questions de normalisation au sens large.
  2. Mesures sanitaires et phytosanitaires (en particulier, barrières au commerce alimentaire et des produits agricoles) : ce chapitre s’appuiera sur les principes clés de l’accord SPS de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et inclura les exigences que les mesures SPS imposent à chaque Parties en se fondant sur les données scientifiques et ​​les normes internationales applicables, lorsqu'elles existent, tout en reconnaissant le droit de chacune d’entre elles à évaluer et à gérer les risques en conformité avec le niveau de protection qu'elle juge approprié, en particulier lorsque les preuves scientifiques pertinentes sont insuffisantes, et dans l'objectif de minimiser les effets négatifs pour le commerce.
  3. Marchés publics (PP) : cette partie de la négociation pourrait offrir une importante opportunité de développer les relations bilatérales actuellement en vigueur dans ce domaine, dont le Agreement on government procurement ou GPA, en vue d’un « GPA-Plus » très utile pour compléter les disciplines du GPA actuel.
  4. Matières premières et énergie : les matières premières et l’énergie et leur consécutif commerce transfrontalier n’ont pas été pleinement couverts par le commerce international et les règles d’investissement. L’UE estime que le système commercial international profiterait d’un ensemble plus solide de règles dans ce secteur. L’accord transatlantique pourrait dès lors apporter une importante contribution au développement de ce processus, dans le cadre strict fixé par les Parties. Il pourrait offrir une base pour faire progresser ces questions d’une manière plus globale en proposant un cadre ouvert, stable, prévisible, soutenable, transparent et non-discriminatoire pour les fournisseurs et les investisseurs en matières premières et en énergie.
  5. Commerce et développement durable : le développement durable constitue un objectif global de la communauté internationale et vise à générer une forme de prospérité économique au travers et grâce à un haut niveau de protection environnementale et de cohésion et d’équité sociales. Outre la reconnaissance du développement durable comme principe qui sous-tendrait tous les secteurs abordés par le TTIP, il est envisagé de prévoir un chapitre intégré, entièrement dédié aux aspects particulièrement importants du développement durable dans un contexte commercial et, touchant plus spécifiquement, aux aspects du travail et de l’environnement, incluant le changement climatique ainsi que les interconnexions de ces domaines.

 

Processus de négociation – état des lieux : en juin 2013, le Conseil a approuvé un mandat de négociation du TTIP fondé sur 3 grands domaines de libéralisation : i) l’accès au marché ; ii) l’élimination des barrières non-tarifaires et les questions règlementaires qui bloquent le développement du commerce ; iii) les règles (droits de propriété intellectuelle, normes sociales et environnementales).

 

L’un des principaux enjeux des négociations fut le sort réservé aux services audiovisuels. La France, rejointe par la Belgique, la Hongrie et la Grèce, et soutenue par le Parlement européen, insistait pour que le secteur audiovisuel soit exclu du mandat de négociation et du futur accord de libre-échange. Les Etats-Unis souhaitaient de leur côté inclure l'audiovisuel, de même que la Commission européenne.

 

Finalement, le Conseil a spécifiquement exclu les services audiovisuels du mandat. La Commission aura toutefois la possibilité de revenir ultérieurement vers le Conseil pour demander de nouvelles directives de négociations, y compris dans ce domaine. Toute évolution du mandat de négociation exigera un accord unanime des États membres de l'Union européenne.

Sont également exclus du mandat les marchés publics de défense.

 

Un premier round de négociations a eu lieu du 8 au 12 juillet 2013 à Washington. Les premières discussions exploratoires portaient sur :

-          l’accès au marché pour l’agriculture et les biens industriels ;

-          les marchés publics ;

-          les investissements ;

-          les matières premières ;

-          les questions règlementaires ;

-          les mesures sanitaires et phytosanitaires ;

-          les services ;

-          les droits de propriété intellectuelle ;

-          le développement durable ;

-          les PME ;

-          le règlement des différends ;

-          la politique de concurrence ;

-          la simplification des règles douanières et commerciales ;

-          les entreprises publiques.

 

La Commission considère que les négociateurs ont identifié un certain nombre de convergence de vues dans les domaines couverts par le mandat de négociation et – pour ce qui est des domaines où la convergence du vues n’a pu être obtenue – ont commencé à explorer les moyens de faire coïncider les points de vues.

 

Les discussions se fondaient sur un intense travail en amont de la part des parties concernées. Les négociateurs ont en effet rencontré plus de 350 intervenants académiques, syndicats, le secteur privé, les organisations non-gouvernementales afin d’entendre la présentation formelle de leurs positions et de répondre aux questions en lien avec l’accord proposé.

Un nouveau round de négociations est prévu pour la semaine du 7 octobre 2013, à Bruxelles.

 

En ce qui concerne le processus de négociations lui-même, le Conseil et le Parlement européen seront tenus informés simultanément de l’état d’avancement des discussions, à différents moments-clés. Des réunions de travail se tiennent régulièrement avec le Conseil et avec le Parlement européen mais pourront également prendre la forme de débats en Plénière ou au niveau ministériel.

 

Parmi les principaux points sensibles figurent :

  • l’agriculture et la question de l’interdiction d’importer des produits agricoles comportant des OGM ;
  • l'ouverture à la concurrence des marchés publics dans les États fédérés américains ; l'Union, tentera en particulier  d’obtenir des exemptions aux règles du "Buy American Act".

 

D’autres thèmes risquent également de ralentir les négociations telles que la santé et la sécurité des consommateurs dans le secteur alimentaire, la protection de l’environnement, les droits de propriété intellectuelle et la concurrence.

 

Rôle du Parlement :

 

Soutien du Parlement européen à l’accord commercial transatlantique :

 

1) le PE avait déjà encouragé le développement de l'initiative transatlantique pour la croissance et l'emploi dans sa résolution du 27 septembre 2011 sur une nouvelle politique commerciale pour l'Europe dans le cadre de la stratégie Europe 2020.

 

2) Sur la base du rapport d’initiative de Vital MOREIRA (S&D, PT) élaboré par la commission du commerce international, le Parlement européen a adopté le 23 octobre 2012 à une large majorité - 586 voix pour, 94 contre et 7 abstentions - une résolution non législative demandant que les négociations vue d'un accord global visant à stimuler la croissance et l'emploi grâce à un partenariat commercial UE-États-Unis débutent lors du premier semestre de 2013.

Tout en soulignant l'importance de renforcer les relations économiques transatlantiques, le Parlement insistait sur la nécessité de protéger de manière équilibrée les intérêts et secteurs sensibles de chacune des deux parties et de promouvoir les intérêts de l'Union dans des domaines tels que les normes en matière d'environnement, de santé et de protection des animaux, la sécurité alimentaire, la diversité culturelle, les droits en matière d'emploi, les droits des consommateurs, les services financiers, les services publics ou les indications de provenance, entre autres.

 

3) Dans sa résolution non législative du 23 mai 2013, déposée à l’initiative de sa commission du commerce international, le Parlement européen s’est majoritairement prononcé - 460 voix pour, 105 contre et 28 abstentions) en faveur de l'ouverture des négociations en vue de conclure un accord de partenariat transatlantique de commerce et d'investissement avec les États-Unis. Cette résolution constitue la contribution du Parlement au mandat de négociation de l'UE.

 

Contribution du Parlement au mandat de négociation : le Parlement se dit convaincu qu'un accord de commerce et d'investissement global entre l'Union européenne et les États-Unis ainsi qu'une intégration renforcée permettraient d'accroître considérablement les profits pour les deux économies.

Les députés souhaitent que l'accord conduise à une ouverture durable et réelle des marchés sur une base réciproque en vue : i) de favoriser la création d'emplois de qualité pour les travailleurs européens ; ii) d’ouvrir de nouvelles opportunités aux entreprises de l'UE, en particulier aux PME ; iii) de garantir l'accès complet aux marchés publics aux États-Unis et d’améliorer les possibilités d'investissement de l'Union aux États-Unis.

 

Vu les droits de douane existants, en moyenne peu élevés, la résolution souligne que le démantèlement des barrières non tarifaires (ex : procédures douanières, normes techniques et restrictions réglementaires internes), est l'élément essentiel qui permettra d'optimiser le potentiel de la relation transatlantique.

Le Parlement insiste toutefois pour que l'accord garantisse le respect des normes et valeurs de l'Union européenne. C’est pourquoi les négociations devraient :

  • comprendre le principe de précaution dans le secteur agricole, pour lequel les perceptions des organismes génétiquement modifiés (OGM), du clonage et de la santé des consommateurs ont tendance à diverger entre les États-Unis et l'Union européenne ;
  • prévoir une protection solide des droits de propriété intellectuelle, dont les indications géographiques ;
  • garantir une protection élevée des données à caractère personnel ;
  • prévoir des mesures  pour faire face aux restrictions actuellement appliquées aux services de transport maritime et aérien fournis par les entreprises européennes ;
  • renforcer le développement et l'application de la législation et des politiques en matière de travail et d'environnement, l'objectif commun devant être de garantir qu'il n'y ait pas de réduction des ambitions dans le domaine de l'environnement ;
  • couvrir les services financiers en vue de la mise en place d'un cadre financier commun en accordant une attention particulière à l'équivalence, à la reconnaissance mutuelle, à la convergence et à l'extraterritorialité.

 

Dans un vote séparé, le Parlement a décidé d'exclure les services culturels et audiovisuels du mandat de négociation, dont les services en ligne, afin de protéger la diversité culturelle et linguistique des pays de l'UE. (381 voix pour, 191 contre et 17 abstentions).

 

Á la lumière des révélations récentes selon lesquelles les autorités américaines avaient la possibilité d'accéder à large échelle, par le biais de programmes tels que Prism, aux données à caractère personnel de citoyens de l'Union lorsqu'ils ont recours à des prestataires américains de services en ligne,  le Parlement a adopté le 4 juillet 2013, une résolution qui invite la Commission à garantir que les normes de l'Union en matière de protection des données ne seront pas mises à mal par le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement qui sera conclu avec les États-Unis.

 

Implication du Parlement européen: conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), aucun accord ne pourra prendre effet sans l'approbation du Parlement. Dans ce contexte, le Parlement rappelle à la Commission son l'obligation de tenir le Parlement immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes des négociations (avant et après les cycles de négociation). Il demande également que la position du Parlement soit dûment prise en compte à chacune de ces étapes.

 

Le Parlement s'engage également à :

  • examiner les questions législatives et réglementaires qui peuvent émerger dans le contexte des négociations et du futur accord ;
  • travailler en étroite collaboration avec le Conseil, la Commission, le Congrès et le gouvernement des États-Unis ainsi que les parties intéressées afin de tirer parti de tout le potentiel économique, social et environnemental de la relation transatlantique.

 

Associer les parties prenantes  : la Commission est invitée à informer et à consulter régulièrement et en toute transparence, pendant les négociations, toute une série d'acteurs, notamment dans les domaines de l'entreprise, de l'environnement, de l'agriculture, de la consommation et du travail, pour permettre à diverses parties d'y contribuer et pour encourager l'adhésion de l'opinion publique en tenant compte des préoccupations des parties intéressées.

06/09/2013

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