Défis en matière de sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et perspectives de stabilité politique  
2014/2229(INI) - 09/07/2015  

Le Parlement européen a adopté par 400 voix pour, 98 contre et 86 abstentions, une résolution sur les défis en matière de sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les perspectives de stabilité politique.

La résolution a rappelé que les conflits en Syrie, en Iraq, au Yémen et en Libye, ainsi que l'exacerbation des tensions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MOAN), étaient une source importante de déstabilisation pour la région faisant peser des risques graves sur la sécurité, les citoyens et les intérêts de l'Union. La stabilisation de la région est un enjeu non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi en matière d'économie, de politique et de société, qui appelle l'Union à élaborer des politiques stratégiques, globales et multidimensionnelles dans une perspective de moyen et de long terme. De plus, les difficultés à trouver une stratégie cohérente de résolution des conflits et à définir une base légitime et fiable pour un dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés persistent.

Répondre aux menaces et aux problèmes de sécurité : le Parlement a invité l'Union et ses États membres à s'attaquer aux causes profondes de la détérioration rapide de la situation dans la région MOAN par une démarche complète et ambitieuse.

Les députés se sont félicités de la participation de certains États membres de l'Union à la coalition internationale contre le groupe «État islamique», tant sous forme de frappes militaires que de participation logistique, financière et humanitaire. Toutefois, ils ont demandé l'accroissement de la mobilisation dans tous les domaines et souligné la nécessité de mieux coordonner les actions entreprises, si nécessaire dans le cadre d'une opération relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Ils ont demandé à cet effet, de mettre en place des capacités opérationnelles suffisantes et une véritable défense européenne commune. Le Parlement a déploré que les missions et opérations de la PSDC déployées dans la région (EUBAM Libye, EUPOL COPPS et EUBAM Rafah) soient sous-dimensionnées et largement en décalage avec les enjeux de sécurité dans la région, et a souhaité une réévaluation stratégique de ces missions.

Dans le même temps, le Parlement a souligné que la lutte contre Daech, le Front Al-Nosra et les autres groupes terroristes devait trouver une réponse sur mesure, adaptée en fonction des particularités politiques et régionales. Il a invité l'Union à jouer le rôle de médiateur principal dans le dialogue régional et à y associer toutes les parties concernées à ce niveau, y compris la Ligue des Etats arabes (LEA), l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Turquie et l'Iran, tout en répondant aux demandes légitimes des populations locales, notamment exprimées lors du printemps arabe de 2011.

Les députés ont appelé l'Union à se doter d'une véritable politique étrangère commune et ont invité la HR/VP à travailler avec les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union de façon à assurer un dialogue constant et au plus haut niveau avec les pays de la région.

L'importance d'entretenir des dialogues régionaux avec la Turquie et l'Iran a également été soulignée. Le Parlement a salué le récent accord conclu par l'E3+3 et l'Iran sur le programme nucléaire de ce dernier et a invité la HR/VP et les États membres, si un accord final sur la question nucléaire est obtenu, à promouvoir des mesures de confiance entre l'Iran et l'Arabie saoudite.

La Turquie, en tant que membre de l'OTAN, pourrait jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le groupe «État islamique» et pour la stabilisation de l'Iraq et de la Syrie. Les députés ont invité la Turquie à lever certaines ambiguïtés en prenant une part plus active à la lutte contre le groupe «État islamique» en coopération avec l'Union.

La résolution a mis l’accent sur les points suivants :

  • l’UE et le monde arabe devraient évaluer les causes profondes de la radicalisation et les traiter dans une démarche globale fondée sur la sécurité, la capacité à établir une gouvernance démocratique et le développement politique, économique, social et culturel, dont l'inclusivité serait un principe fondateur; en l'absence d'une solution concrète et durable à ces problèmes, toute action visant à neutraliser la menace représentée par le groupe «État islamique» et les autres organisations terroristes rencontrerait des difficultés accrues et persistantes;
  • les efforts visant à adapter l'aide humanitaire de l'Union aux besoins spécifiques au sexe et à l'âge des réfugiés doivent être salués ; les députés ont pris acte de l'attribution d'un milliard EUR prévue dans le cadre de la stratégie de l'Union intitulée «Éléments relatifs à une stratégie régionale de l'UE pour la Syrie et l'Iraq, ainsi que pour la menace que représente Daech», dont 400 millions ont été consacrés à l'aide humanitaire;
  • les États membres de l'Union devraient renforcer leur engagement face à la crise des réfugiés en termes de ressources financières et de réinstallation des réfugiés les plus vulnérables; il conviendrait de prêter une attention particulière à la Jordanie et au Liban, qui absorbent la part la plus importante de réfugiés proportionnellement à leur population;
  • face à l'augmentation de demandes d'asile de Syrie et d'Iraq, les États membres devraient redoubler d'efforts afin d'accueillir les demandeurs d'asile et de traiter sans tarder les dossiers déjà déposés;
  • les États membres de l'Union devraient mettre en commun leurs moyens, renforcer les dispositifs existants (Frontex, Eurosur) et mettre en place un PNR européen afin d'améliorer le contrôle aux frontières extérieures de l'Union;
  • il conviendrait de créer les conditions d'une reprise des négociations de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne en vue d'un règlement définitif du conflit, fondé sur la solution de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité, dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem comme capitale des deux États, conformément au droit international.

Renforcer la stratégie globale pour la démocratie et les droits de l'homme : convaincus que l'absence de démocratie était l'une des cause fondamentales de l'instabilité politique dans la région, les députés ont demandé à l'Union européenne de continuer à soutenir la société civile, notamment grâce à l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) et au mécanisme de voisinage en faveur de la société civile de la PEV, ainsi qu'aux nouveaux instruments de soutien à la démocratie tels que le Fonds européen pour la démocratie (FEDEM). Les États membres ont été invités à doter le budget du Fonds d'un financement suffisant.

Tout en se félicitant du lancement d'une vaste consultation sur la révision de la politique européenne de voisinage (PEV), les députés ont souligné l'importance de préserver l'actuel équilibre de distribution des fonds de la PEV. Ils ont rappelé que les pays qui progressent dans leurs réformes et respectent mieux les mesures européennes, notamment la Tunisie, devraient obtenir un soutien supplémentaire décisif.

L’UE a par ailleurs été invitée à établir un programme spécifique de soutien et de réhabilitation pour les femmes et les jeunes filles victimes de violences sexuelles et d'esclavage dans les zones de conflit du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, en particulier en Syrie et en Iraq.

Le rapport a insisté sur la nécessité de développer un contre-discours européen efficace et commun à tous les États membres face à la propagande djihadiste et à la radicalisation en Europe, grâce aux outils numériques, à l'internet et aux réseaux sociaux. Ce contre-discours devrait reposer sur la mise en avant de valeurs communes fondées sur l'universalité des droits de l'homme et devrait discréditer l'idée d'un conflit entre les religions et les civilisations. Des personnes parlant les langues de la région MOAN devraient être nommées au SEAE afin de renforcer l'efficacité de la communication.

Les députés ont réaffirmé le rôle central de l'Union pour la Méditerranée et rappelé l'importance de redonner un élan et une ambition politique à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne.

Approfondir la coopération pour le développement économique : le dialogue stratégique de l'Union européenne avec les pays MOAN devrait être complété par un nouvel élan pour un développement économique durable, de nature à résorber les inégalités et à offrir, en particulier aux jeunes, des perspectives en matière d'emploi et d'éducation. Le Parlement a souligné l'importance de créer les conditions d'un accès des pays MOAN au marché unique de l'Union, avec toutes les protections qui leur sont nécessaires de même que l'importance de favoriser les investissements européens dans les pays MOAN, notamment en matière d'énergie et d'infrastructures.

Notant que les bouleversements pourraient mettre en péril la sécurité énergétique de l'UE, les députés ont proposé que l'Union européenne se lance plus résolument dans une diplomatie énergétique à l'égard de la région MOAN, soulignant l'importance à la fois stratégique et économique de l'approvisionnement énergétique auprès des pays voisins méridionaux de l'Union européenne.

Le Parlement a regretté qu'un délai minimum d'un an soit nécessaire pour débloquer l'aide macrofinancière à destination de pays dont la situation budgétaire est très précaire. Il a insisté sur la mise en place d'un nouveau volet procédural de l'aide européenne, eu égard à l'assistance fournie par les instruments financiers de l'action extérieure de l'Union européenne et à l'aide macro-financière. En outre, l'Union européenne est invitée à évaluer l'incidence socio-économique et les répercussions sur les droits de l'homme des mesures demandées aux pays bénéficiaires, afin de garantir que cette assistance ne constitue pas un facteur d'instabilité, par exemple en portant atteinte aux services publics.

Enfin, le Parlement a invité les pays MOAN à diversifier leurs économies et leurs importations, vu que la grande majorité des échanges des pays MOAN se font avec des pays n'appartenant pas au même espace régional. Il a déploré l'impasse dans laquelle se trouve l'Union pour le Maghreb arabe (UMA) et a invité l'Union européenne à tout mettre en œuvre pour contribuer à l'intégration régionale des pays du Maghreb.