Règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur  
2016/0011(CNS) - 28/01/2016  

OBJECTIF : établir des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Conseil adopte l’acte après consultation du Parlement européen mais sans être tenu de suivre l'avis de celui-ci.

CONTEXTE : le Conseil européen, dans ses conclusions du 18 décembre 2014, estime qu'il est «urgent de redoubler d'efforts dans la lutte contre l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive, à la fois au niveau mondial et au niveau de l'Union européenne».

La présente proposition de directive est l'un des éléments constitutifs du paquet de mesures de la Commission visant à lutter contre l'évasion fiscale. Elle se fonde sur le plan d’action pour une fiscalité des entreprises juste et efficace, présenté par la Commission le 17 juin 2015 et intervient à la suite de la finalisation par le G20 et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Elle répond aux demandes formulées par le Parlement européen, par plusieurs États membres, par des entreprises et la société civile en faveur de l'adoption d'une approche plus ferme et plus cohérente au niveau de l'Union pour lutter contre les pratiques fiscales abusives auxquelles se livrent les entreprises.

Les priorités politiques actuelles dans le domaine de la fiscalité internationale mettent en lumière la nécessité de veiller à ce que l'impôt soit payé là où les bénéfices et la valeur sont générés. Les régimes visés par la proposition concernent des situations dans lesquelles les agissements des contribuables, profitant des disparités entre les systèmes fiscaux nationaux pour réduire leur contribution fiscale, vont à l'encontre du véritable objectif de la législation.

Les contribuables peuvent bénéficier de taux d'imposition faibles ou de doubles déductions ou faire en sorte que leurs revenus ne soient jamais taxés en les rendant déductibles dans une juridiction sans pour autant les inclure dans la base d'imposition de l'autre côté de la frontière. Ces situations ont pour effet de fausser les décisions des entreprises au sein du marché intérieur, ce qui pourrait créer un environnement de concurrence fiscale déloyale.

ANALYSE D’MPACT : aucune analyse d'impact n'a été effectuée dès lors que la proposition est conforme aux évolutions internationales intervenues au niveau de l’OCDE et de ses travaux relatifs à l'érosion de la base d'imposition et au transfert de bénéfices (BEPS) auxquels la plupart des États membres de l'Union participent.

Afin de fournir une analyse et des éléments probants à jour, un document de travail des services de la Commission distinct accompagnant la proposition donne un large aperçu des travaux de recherche et des données économiques existants dans le domaine de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices.

CONTENU : la directive proposée est de large portée et vise à inclure tous les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés dans un État membre. Son champ d'application englobe également les établissements stables, situés dans l'Union, des entreprises contribuables qui ne relèvent pas elles-mêmes de la directive.

L’objectif étant de lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, la proposition établit des règles pour lutter contre l'évasion fiscale dans six domaines spécifiques:

1.      La déductibilité des intérêts: les groupes multinationaux financent souvent leurs entités dans des juridictions à forte imposition par des titres de dette et font en sorte que ces entreprises remboursent des intérêts «gonflés» à des filiales résidant dans des juridictions à faible imposition. L'objectif de la règle proposée est de dissuader les entreprises de recourir à cette pratique en limitant le montant des intérêts que le contribuable a le droit de déduire au cours d'un exercice fiscal. La proposition envisage de fixer le taux de déductibilité au niveau maximal recommandé par l'OCDE, à savoir entre 10 et 30%. Les États membres auraient ensuite la possibilité d'instaurer des règles plus strictes.

2.      L'imposition à la sortie: les contribuables peuvent essayer de réduire leur contribution fiscale en transférant leur résidence fiscale et/ou leurs actifs vers une juridiction à faible imposition. L'imposition à la sortie a pour objectif d'empêcher l'érosion de la base d'imposition dans l'État d'origine lorsque des actifs comprenant des plus-values latentes sont transférés, sans changement de propriété, hors de la juridiction fiscale dudit État. La proposition traite les aspects juridiques au niveau de l'Union de l'imposition à la sortie en offrant la possibilité aux contribuables d'étaler le paiement du montant de l'impôt sur plusieurs années et de verser le solde par paiements échelonnés.

3.      Une clause de «switch-over» (passage de l'exonération au crédit d'impôt): compte tenu des difficultés inhérentes à l'octroi d'un crédit fiscal pour les impôts payés à l'étranger, les États ont de plus en plus tendance à exonérer les revenus étrangers. Les clauses de «switch-over» sont couramment utilisées pour lutter contre ces pratiques. Dans les faits, le contribuable serait soumis à l'impôt (au lieu d'être exonéré) et bénéficierait d'un crédit pour les impôts payés à l'étranger afin d'éviter la double imposition. Ainsi, les entreprises seraient dissuadées de transférer leurs bénéfices hors des juridictions à forte imposition vers des territoires à faible imposition, à moins que des motifs commerciaux suffisants justifient ces transferts.

4.      Une clause anti-abus générale: une telle clause serait conçue pour combler les lacunes que peuvent présenter les clauses anti-abus spécifiques adoptées par un pays pour lutter contre l'évasion fiscale. Les autorités seraient ainsi habilitées à refuser aux contribuables le bénéfice de dispositifs fiscaux abusifs. Au sein de l'Union, l'application des clauses anti-abus générales serait limitée aux montages «entièrement artificiels» (non authentiques); dans le cas contraire, le contribuable aurait le droit de choisir la structure la plus avantageuse sur le plan fiscal pour ses affaires commerciales.

5.      Des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC): les contribuables détenant des filiales contrôlées dans des juridictions à faible imposition peuvent se livrer à des pratiques de planification fiscale leur permettant de transférer une grande partie des bénéfices de la société mère (fortement taxée) vers des filiales soumises à une faible imposition. Il s'ensuit une diminution de la charge fiscale globale du groupe. Les règles relatives aux SEC réaffectent les revenus d'une filiale étrangère contrôlée soumise à une faible imposition à sa société mère. En conséquence, la société mère serait redevable de l'impôt sur ces revenus dans son État de résidence; il s'agit habituellement d'un État à forte imposition.

6.      Un cadre pour lutter contre les dispositifs hybrides: ces dispositifs sont la conséquence de différences dans la qualification juridique des paiements (instruments financiers) ou des entités lorsque deux systèmes juridiques interagissent. Ces dispositifs peuvent souvent entraîner des doubles déductions (une déduction des deux côtés de la frontière, par exemple) ou une déduction des revenus d'un côté de la frontière sans que ceux-ci soient pris en compte de l'autre côté. Afin de lutter contre ces dispositifs, la proposition prévoit que la qualification juridique d'un instrument ou d'une entité hybride donnée par l'État membre d'origine d'un paiement, des charges ou des pertes, selon le cas, est appliquée par l'autre État membre concerné par le dispositif.