Dumping social dans l'Union européenne  
2015/2255(INI) - 18/08/2016  

La commission de l'emploi et des affaires sociales a adopté un rapport d’initiative de Guillaume BALAS (S&D, FR) sur le dumping social dans l'Union européenne.

Les députés ont rappelé que la multiplication des pratiques abusives et le recours croissant au dumping social affaiblissent le soutien en faveur du principe du marché intérieur et à la compétitivité des entreprises, en particulier des PME, portent atteinte aux droits des travailleurs européens et ébranlent la confiance dans l'intégration européenne. L'agriculture, la construction, les services de restauration, l'alimentation, ainsi que les transports, la santé, les soins et le travail domestique sont les principaux secteurs concernés.

Renforcer les contrôles et la coordination entre et par les États membres : les députés ont rappelé que malgré l’absence de définition universellement partagée et juridiquement reconnue du dumping social, la notion recouvre un large éventail de pratiques abusives et situations qui peuvent avoir une incidence en ce qui concerne trois aspects essentiels :

  • sur le plan économique, le recours de certains acteurs économiques à des pratiques illégales (travail non déclaré), ou à des pratiques abusives (travail indépendant factice), peut conduire à d'importantes distorsions du marché qui sont préjudiciables aux entreprises de bonne foi;
  • sur le plan social, le dumping social pourrait mener à une situation de discrimination et d'inégalité de traitement parmi les travailleurs de l'Union ;
  • sur le plan financier et budgétaire, le non-paiement des cotisations sociales exigibles et des impôts qui découle du dumping social représente une menace pour la viabilité financière des systèmes de sécurité sociale et des finances publiques des États membres.

Face à cette situation, les députés ont insisté sur la nécessité de garantir des conditions de concurrence équitables et loyales dans l'ensemble de l'Union et de mettre fin au dumping social. Ils ont demandé aux États membres :

  • de renforcer l'efficacité et les effectifs pour leurs organes de contrôle (notamment les inspections du travail et des affaires sociales, les agences et les bureaux de liaison), notamment par le biais de l'échange de bonnes pratiques ;
  • d'améliorer la coopération transfrontalière entre les services d'inspection et de généraliser l'échange électronique d'informations et de données afin de mettre en place des contrôles plus efficaces pour prévenir et lutter contre la fraude sociale, le faux travail indépendant et le travail non déclaré, et en vue de la coopération obligatoire et de l'assistance mutuelle entre les États membres;
  • d’élaborer des programmes de formation continue à l'échelle de l'Union pour les inspecteurs pour déterminer les nouvelles techniques de contournement des règles et organiser des contrôles transfrontaliers ;
  • de créer, le cas échéant, des task forces ad hoc bilatérales et, si nécessaire, une task force multilatérale intégrant les autorités nationales compétentes et les inspecteurs du travail, pour effectuer, avec l'accord de tous les États membres concernés, des contrôles transfrontaliers sur site, dans le cas d'un dumping social présumé ;
  • d'améliorer les échanges d'informations en matière de sécurité sociale concernant les travailleurs détachés, afin d'améliorer la mise en œuvre de la législation existante et de coopérer au niveau transfrontalier en ce qui concerne l'échange d'informations à des fins de répression.

Le rapport a recommandé, dans le cas du détachement, d'imposer l'obligation, dans tous les États membres, de soumettre une déclaration au plus tard lorsque la prestation de services commence, et que ces déclarations soient inscrites dans un registre européen. Il a réclamé l'élaboration d'une liste des entreprises à l'échelle européenne responsables de graves violations de la législation sociale et du travail européenne, consultable uniquement par les autorités d'inspection pertinentes. Il a plaidé pour que l'accès aux marchés publics, aux subventions publiques et aux fonds de l'Union européenne soit refusé à ces entreprises pendant une période fixée légalement.

Combler les lacunes réglementaires : les députés ont demandé à la Commission de surveiller la mise en œuvre de la directive 2014/67/UE et l'efficacité de la plateforme contre le travail non déclaré dans la lutte contre les sociétés «boîte aux lettres» en généralisant le principe selon lequel chaque société doit disposer d'un siège social et de veiller à ce qu'en cas de libre prestation des services utilisant des travailleurs détachés, chaque prestataire de services concerné ait une «véritable activité» dans l'État membre d'établissement.

En ce qui concerne les travailleurs mobiles, le rapport a demandé un renforcement des contrôles du respect des temps de travail, de disponibilité, de conduite et de repos dans tous les secteurs pertinents comme le secteur du bâtiment, de la restauration, de la santé et du transport (routier notamment), ainsi que des sanctions en conséquence pour les infractions graves. Il a invité la Commission :

  • à envisager de créer une agence européenne du transport routier, chargée de faire appliquer correctement la législation de l'Union et de promouvoir la coopération entre tous les États membres sur ces questions ;
  • élaborer, dans tous les États membres, une convention collective nationale, établie avec les acteurs sociaux, afin de garantir l'application de règles claires sur les temps de repos et de la protection sociale adaptée, surtout en cas d'acquisitions par des compagnies aériennes en dehors de l'Union ; les députés ont insisté sur la nécessité de renforcer la dimension sociale de la «Stratégie de l'aviation pour l'Europe».

Les députés ont également rappelé l’importance d'associer le développement de l'économie numérique et collaborative à la protection des travailleurs dans ce nouveau secteur où les formes de travail plus flexible peuvent conduire à des emplois moins réglementés au niveau de la sécurité sociale, du temps de travail, du lieu de travail, de la participation du salarié et de la protection de l'emploi.

Vers la convergence sociale vers le haut : rappelant à la Commission son engagement quant à la mise en place d'un pilier de droits sociaux, les députés ont souligné la nécessité d'une convergence sociale vers le haut afin d'atteindre les objectifs énoncés à l'article 151 du traité FUE. La Commission devrait intégrer, dans ses recommandations spécifiques adressées aux États membres dans le cadre du Semestre européen, des avis sur les questions sociales afin de garantir une plus grande protection des travailleurs par le biais de la convergence.

La Commission devrait aussi envisager la possibilité d'établir un instrument qui ferait peser sur les entreprises un devoir de vigilance accru engageant leur responsabilité, tant à l'égard de leurs filiales que de leurs sous-traitants ayant une activité dans un pays-tiers, pour prévenir les risques d'atteintes aux droits de l'homme, de corruption, de dommages corporels ou environnementaux graves et de violation des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT).