Directive sur les conditions d’accueil  
2016/0222(COD) - 10/05/2017  

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport de Sophia in ‘t VELD (ADLE, NL) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte).

La commission parlementaire a recommandé que la position du Parlement européen arrête sa position en première lecture en tenant compte des recommandations du groupe consultatif des services juridiques du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Elle a toutefois soumis des amendements à la proposition de refonte :

Restriction aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile en cas de mouvements secondaires dans l’UE : les députés ne souscrivent pas à la position de la Commission qui, dans sa proposition, envisage une attitude répressive à l’égard des demandeurs d’asile qui tenteraient de se rendre illégalement dans un autre État membre. Ils proposent donc au contraire que l’on renforce les mesures d’information en direction des demandeurs d’asile notamment sur les circonstances dans lesquelles les conditions matérielles d’accueil pourraient être restreintes et les garanties qu’ils pourraient perdre en pareils cas.

Ils définissent notamment plus précisément les cas où les demandeurs d’asile pourraient se rendre dans un autre État membre de manière légale, par exemple pour des raisons médicales ou familiales. Dans ce cas, les États membres devraient fournir aux demandeurs concernés la faculté de se rendre dans un autre État membre grâce à un document de voyage dont la durée serait limitée à l’objet et à la durée de la situation justifiant sa délivrance.

En tout état de cause, toute restriction de la liberté de mouvement d’un demandeur ne devrait être adoptée qu’en dernier recours et être fondée sur une décision des autorités judiciaires qui devrait tenir compte du comportement individuel et de la situation particulière de la personne concernée, y compris de tout besoin spécifique du demandeur en matière d’accueil et des principes de nécessité et de proportionnalité.

Le demandeur devrait en outre être dûment informé de la possibilité de présenter un recours contre ces décisions restrictives.

Conditions spécifiques d’accueil : les députés rappellent que l’objectif global de la directive est de fixer des normes communes pour les conditions d’accueil de sorte à clairement décourager les mouvements secondaires au sein de l’Union. Ils mettent ainsi en évidence la nécessité de garantir aux demandeurs d’asile, en toutes circonstances, l’accès aux soins médicaux et un niveau de vie adéquat. Les besoins spécifiques de certains d’entre eux devraient également être pris en considération comme les besoins des enfants ou des personnes ayant subi des violences sexuelles ou sexistes, dont les femmes (y compris un soutien post-traumatique et une prise en charge psychosociale adaptés).

Les députés modifient également la terminologie employée pour définir l’allocation journalière qui doit garantir un niveau de vie adéquat aux demandeurs (et non «digne» comme prévu à la proposition) leur garantissant alimentation, habillement, logement, traitements médicaux et services sociaux nécessaires pour garantir leur bien-être et celui de leur famille.

Conditions d’emploi – accès à l’emploi : les députés demandent des règles claires concernant l’accès des demandeurs au marché du travail de sorte que cet accès soit effectif, en n’imposant pas de conditions, y compris des restrictions sectorielles, des restrictions du temps de travail ou des formalités administratives déraisonnables, empêchant, en réalité, leur accès à l’emploi.

Il est précisé que les conditions d’accès à l’emploi ne doivent pas être telles qu’elles conduisent à des pratiques de dumping salarial avec les travailleurs des États membres. Ils proposent en particulier que les demandeurs d’asile puissent accéder au marché du travail au plus tard dans les 2 mois qui suivent le dépôt de la demande de protection internationale.

A noter toutefois que les demandeurs d’asile pourraient, pour des motifs liés à la politique du marché du travail des États membres, se voir refuser un emploi au profit de ressortissants d’un État membre, notamment en cas de taux de chômage élevé des jeunes.

Les demandeurs qui se sont vu accorder l’accès au marché du travail devraient en outre avoir la possibilité de demander une carte bleue européenne en vertu de la législation de l’Union et avoir la possibilité de demander un permis de séjour à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, en vertu de la législation de l’Union.

Contraintes en cas de risque de fuite : les députés définissent et encadrent mieux les situations de fuite potentielle des demandeurs d’asile. Ainsi, lorsqu’il existe des raisons de croire à un risque de fuite du demandeur, les États membres pourront proposer de manière proportionnée, une obligation de se manifester auprès des autorités compétentes ou de se présenter en personne, soit immédiatement soit à une date précise, aussi fréquemment que nécessaire, mais dans la limite d’une fois par jour ouvrable, pour prévenir efficacement sa fuite. Une telle décision pourra faire l’objet d’un recours ou de réexamen devant une autorité judiciaire compétente.

Rétention : toute décision imposant la rétention ne devrait être prise qu’en dernier ressort et devrait envisagée toutes solutions alternatives dans chaque cas. Lorsqu’un demandeur est placé finalement en rétention, il devrait bénéficier des garanties procédurales nécessaires, telles qu’un droit de recours et le droit de bénéficier d’une assistance juridique et d’une représentation gratuites. Cette rétention ne devrait pas avoir un caractère répressif.

Lorsque, à la suite du contrôle juridictionnel, le placement en rétention est jugé illégal, le demandeur devrait être immédiatement libéré.

En outre, si la rétention présente un risque pour l’intégrité physique et psychologique, les demandeurs ayant des besoins spécifiques en matière d’accueil ne devraient pas être placés en rétention.

Dans le même ordre d’idées, toute rétention ou isolement d’enfants, qu’ils soient accompagnés de leur famille ou non accompagnés, devrait être interdit car contrevenant à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mesures d’intégration : les députés rappellent que les connaissances linguistiques sont indispensables pour assurer le niveau de vie adéquat des demandeurs. L’apprentissage de la langue officielle ou de l’une des langues officielles de l’État membre concerné accroîtrait l'autonomie et les chances d’intégration dans la société d’accueil et constitue également un facteur dissuasif face aux mouvements secondaires. Un accès effectif à des cours de langue devrait donc être accordé à tous les demandeurs à compter de la date à laquelle leur demande de protection internationale est déposée.

Les États membres doivent en outre s’efforcer de proposer aux demandeurs et aux autorités une formation adéquate sur la législation du travail et la non-discrimination (éducation civique) afin d’éviter l’exploitation sur le lieu de travail dans le cadre de pratiques de travail non déclaré et d’autres formes de grave exploitation de la main-d’œuvre.

Les députés prévoient en outre l’accès des demandeurs d’asile à la formation professionnelle.

Garanties procédurales : les députés renforcent les garanties procédurales offertes aux demandeurs d’asile. Entre autres choses, ils proposent que l’assistance juridique et la représentation gratuites soient fournies par des conseillers juridiques ou d'autres personnes dûment qualifiées, reconnues ou habilitées par le droit national à assister ou à représenter le demandeur et dont les intérêts n’entrent pas en conflit avec ceux du demandeur. Il peut notamment s’agir d’organisations non gouvernementales agréées en vertu du droit national.

En cas d’afflux massif de demandeurs d’asile, les États membres devraient établir un plan d’urgence exposant les mesures planifiées à prendre pour garantir un accueil adapté des demandeurs de protection internationale.

Ils proposent qu’un financement adéquat du Fonds AMI soit prévu pour la formation du personnel chargé de l’accueil, des autorités locales et régionales, des organisations internationales et des organisations de la société civile. Cette formation devrait accorder une attention particulière à l’identification active des besoins spéciaux en matière d’accueil (approche en matière d’âge, de genre et de diversité) et des mesures appropriées de prévention et de réponse à la violence sexuelle, fondée sur le genre ou sur les préjugés.

Charte des droits fondamentaux : les députés ont plus strictement lié le texte de la proposition de directive à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, les États membres devraient appliquer la définition de «membre de la famille» conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et tenir compte des différentes circonstances de dépendance et de l’attention toute particulière à accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Evaluation et rapports : enfin, les députés prévoient une plus grande régularité des rapports de mise en œuvre à remettre au Parlement et au Conseil (rapport annuel et non tous les 3 ans).