Résolution sur le rôle des services allemands de l’aide sociale à l’enfance (Jugendamt) dans les litiges familiaux transfrontières  
2018/2856(RSP) - 29/11/2018  

Le Parlement européen a adopté par 580 voix pour, 18 contre et 36 abstentions, une résolution déposée par la commission des pétitions sur le rôle des services allemands de l’aide sociale à l’enfance (Jugendamt) dans les litiges familiaux transfrontières.

Les députés se sont inquiétés du  très grand nombre de pétitions que la commission des pétitions reçoit depuis plus de 10 ans de parents non allemands dénonçant des discriminations systématiques et des mesures arbitraires prises à leur encontre par l’office allemand de l’aide sociale à l’enfance (Jugendamt) dans des litiges familiaux ayant une dimension transfrontière impliquant des enfants, sur des sujets concernant, entre autres, la responsabilité parentale et la garde de l’enfant.

Tout en rappelant que le principe de subsidiarité s’applique en matière de droit matériel de la famille, le Parlement a estimé qu’en vertu de l’article 81 du traité FUE, la Commission peut et doit jouer un rôle actif pour garantir des pratiques non discriminatoires équitables et cohérents envers les parents dans le traitement des affaires de garde d’enfants transfrontières sur tout le territoire de l’Union.

Intérêt supérieur de l’enfant : les pétitionnaires dénoncent le fait que, dans les litiges familiaux ayant une dimension transfrontière, les autorités allemandes compétentes interprètent systématiquement l’impératif de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant comme la nécessité que l’enfant reste sur le territoire allemand, même dans des cas où des abus et des violences domestiques contre le parent non allemand ont été signalés.

Le Parlement a regretté le fait que pendant des années, la Commission n’ait pas assuré des contrôles précis des procédures et des pratiques employées dans le système allemand du droit de la famille, y compris par le Jugendamt, dans le cadre des litiges familiaux ayant une dimension transfrontière, faillant ainsi à l’obligation de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et tous les autres droits connexes.

Courtes dates butoirs: le Parlement a exprimé son inquiétude concernant certains cas soulevés par des pétitionnaires, selon lesquels les autorités allemandes compétentes auraient fixé des dates butoirs très courtes et envoyé des documents qui n’étaient pas dans la langue du pétitionnaire non allemand. Il a demandé à la Commission d’évaluer en détail l’application en Allemagne des dispositions du règlement (CE) nº 1393/2007 sur la signification ou la notification des actes afin d’en résoudre comme il se doit les éventuelles violations, insistant sur le droit des citoyens de refuser d’accepter des documents qui ne sont pas rédigés ou traduits dans une langue que le destinataire comprend.

Reconnaissance mutuelle : le Parlement s’est inquiété du fait que dans les litiges familiaux ayant une dimension transfrontière, les autorités allemandes peuvent, prétendument, systématiquement refuser de reconnaître les décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres dans les cas où les enfants de moins de trois ans n’ont pas été entendus.

Les députés ont souligné que cet aspect nuit au principe de confiance mutuelle entre les États membres lorsque le système juridique d’un État membre fixe un seuil d’âge différent pour l’audition d’un enfant. Ils ont également souligné que les autorités nationales sont tenues, en vertu du règlement Bruxelles II bis, de reconnaître et d’exécuter les décisions rendues dans un autre État membre dans les affaires impliquant des enfants.

Le Parlement a invité la Commission à évaluer dans les pétitions en question si les juridictions allemandes ont dûment respecté les dispositions du règlement Bruxelles II bis lors de la définition de leurs compétences et si elles ont pris en considération les arrêts ou les décisions rendus par les juridictions d’autres États membres.

Résidence habituelle de l’enfant : les députés se sont référés à la notion autonome en droit de l’Union de la «résidence habituelle de l’enfant» et la diversité des critères pouvant être utilisés par les juridictions nationales pour établir cette résidence habituelle. Ils ont invité la Commission à s’assurer que la résidence habituelle de l’enfant a été établie de manière appropriée par les juridictions allemandes dans les affaires visées dans les pétitions reçues par la commission des pétitions.

Langage parental : le Parlement a condamné le fait que, dans le cadre du droit de visite surveillé, lorsque le parent non allemand ne respectait pas la procédure imposée par les fonctionnaires du Jugendamt d’utiliser l’allemand pour communiquer avec ses enfants, ceux-ci interrompaient les conversations et interdisaient tout contact entre le parent non allemand et ses enfants. Cette procédure imposée par les fonctionnaires du Jugendamt constitue clairement une discrimination en raison de l’origine et de la langue à l’encontre du parent non allemand. Les députés ont demandé que des mécanismes soient mis en place afin de garantir que le parent non allemand et ses enfants puissent communiquer dans la langue qui leur est commune.

Données statistiques : le Parlement a critiqué vivement l’absence de données statistiques sur le nombre d’affaires en Allemagne pour lesquelles les arrêts rendus n’étaient pas conformes aux recommandations du Jugendamt ainsi que sur l’issue des litiges familiaux impliquant des enfants de couples binationaux, malgré des demandes répétées sur de nombreuses années pour la collecte et la mise à disposition de telles données. Il a insisté sur l’importance que les États membres collectent des statistiques sur les procédures administratives et judiciaires relatives à la garde des enfants et impliquant des parents étrangers, notamment sur l’issue des procédures, en vue d’une analyse détaillée de l’évolution des tendances au fil du temps et de l’établissement de références.

Soutien pour les parents non allemands : afin d’éviter que les parents ne donnent leur consentement sans en comprendre pleinement les implications, le Parlement a demandé aux États membres de mettre en place des mesures ciblées afin d’améliorer l’assistance, l’aide, le conseil et les informations juridiques pour leurs ressortissants lorsqu’ils dénoncent des procédures judiciaires et administratives discriminatoires ou désavantageuses adoptées à leur encontre par les autorités allemandes dans les litiges familiaux transfrontières impliquant des enfants.

De plus, le Parlement a invité la Commission à :

  • multiplier les formations et les programmes d’échanges internationaux destinés aux fonctionnaires des services sociaux afin de les sensibiliser à la façon de faire de leurs homologues dans d’autres États membres et à échanger les bonnes pratiques ;
  • cofinancer et à promouvoir la création d’une plateforme d’assistance aux citoyens de l’Union non ressortissants du pays où ils vivent sur les questions de procédures familiales.

En dernier lieu, le Parlement a désiré donner une suite cohérente et effective aux recommandations du rapport final du groupe de travail de la commission des pétitions chargé des questions du bien-être des enfants, publié le 3 mai 2017, et notamment à celles liées directement ou indirectement au rôle du Jugendamt et au système allemand du droit de la famille.