Résolution sur l’interdiction de fait du droit à l’avortement en Pologne  
2020/2876(RSP) - 26/11/2020  

Le Parlement européen a adopté par 455 voix pour, 45 contre et 71 abstentions, une résolution sur l'interdiction de facto du droit à l'avortement en Pologne.

Le texte adopté en plénière a été déposé par les groupes PPE, S&D, Renew, Verts/ALE et GUE/NGL.

La Pologne a l'une des politiques les plus restrictives en matière d'accès aux produits contraceptifs, de planning familial, de conseil et de fourniture d'informations en ligne. C'est l'un des rares pays à exiger une ordonnance pour la contraception d'urgence, qui est souvent refusée par les médecins pour des raisons de convictions personnelles. On estime que jusqu'à 200.000 femmes interrompent leur grossesse chaque année en Pologne et sont forcées de subir des avortements clandestins, en se fiant principalement aux pilules abortives médicales sans la supervision et les conseils médicaux professionnels nécessaires.

Décision du Tribunal constitutionnel

À la suite d'une contestation par des députés du parti au pouvoir, le parti «Droit et Justice», de la loi de 1993 autorisant l'avortement en cas de handicap fœtal grave, le Tribunal constitutionnel polonais a déclaré, en octobre 2020, la loi anticonstitutionnelle. Le Parlement a fermement condamné cette décision et le recul des droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive (SRHR) en Pologne. Il a affirmé que cette décision mettait en danger la santé et la vie des femmes.

Restreindre ou interdire le droit à l'avortement n'élimine en rien l'avortement, mais le pousse simplement à la clandestinité, entraînant une augmentation des avortements illégaux, dangereux, clandestins et mettant la vie en danger. La résolution a insisté sur le fait que la pratique d'un avortement ne devrait pas être incluse dans le code pénal, car cela entraîne un effet dissuasif sur les médecins qui s'abstiennent de fournir des services par crainte de sanctions pénales.

Droits fondamentaux et Convention d'Istanbul

Rappelant que les droits des femmes sont des droits humains fondamentaux, le Parlement et les autorités polonaises ont été priés de s'abstenir de toute nouvelle tentative de restriction des droits sexuels et génésiques, le déni de ces droits étant une forme de violence fondée sur le sexe.

La résolution a également condamné la récente décision du ministre polonais de la justice d'entamer officiellement le retrait de la Pologne de la Convention d'Istanbul. Les autorités polonaises ont été priées de veiller à l'application effective et pratique de cette convention, notamment en fournissant un nombre suffisant d’abris de qualité pour les femmes victimes de violence et leurs enfants, en tenant compte de l'escalade de la violence sexiste pendant la pandémie COVID-19, ainsi que l'accès aux services de soutien et de santé essentiels, y compris les soins de santé sexuelle et reproductive.

Clause de conscience

Le Parlement a déploré l'utilisation accrue de la clause de conscience, qui se traduit par l'absence de mécanismes d'orientation fiables pour les personnes cherchant à obtenir des services d'avortement et par la lenteur des procédures d'appel pour celles qui se voient refuser de tels services.

Les gynécologues invoquent fréquemment la clause de conscience lorsqu'on leur demande de prescrire des contraceptifs, limitant ainsi efficacement l'accès à la contraception en Pologne. L'utilisation de cette clause fait également obstacle à la réussite du traitement d'un enfant pendant la grossesse ou immédiatement après.

La Commission a été invitée à :

- procéder à une évaluation approfondie de la composition du Tribunal constitutionnel, dont l'illégalité constitue un motif de contestation de ses décisions et donc de sa capacité à faire respecter la Constitution polonaise;

- fournir un financement adéquat aux organisations nationales et locales de la société civile afin de favoriser le soutien de terrain à la démocratie, à l'État de droit et aux droits fondamentaux dans les États membres, y compris en Pologne;

- agir avec détermination sur la conditionnalité récemment convenue pour le futur cadre financier pluriannuel 2021-2027;

- aider les États membres à garantir l'accès universel aux services de santé sexuelle et génésique, y compris l'avortement;

- garantir les droits sexuels et génésiques en incluant le droit à l'avortement dans la prochaine stratégie de l'UE en matière de santé;

- soumettre une proposition visant à ajouter la violence fondée sur le sexe à la liste des crimes de l'UE.

Enfin, le Parlement a salué l'accord provisoire du 5 novembre 2020 sur la législation établissant un mécanisme qui permettrait la suspension des paiements budgétaires à un État membre violant l'État de droit.