FICHE D'IMPACT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
1-IDENTIFICATION DU PROBLEME : au terme de la deuxième
phase de consultation des partenaires sociaux, la Commission propose de
réexaminer les dispositions de la directive 2003/88/CE relatives,
d'une part, aux dérogations à la période de référence
pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de
travail), et, d'autre part, à la faculté de ne pas appliquer ce
même article si le travailleur donne son accord pour effectuer un tel
travail (option de non participation ou « opt out »).
Elle tient compte de l'interprétation jurisprudentielle de la notion
de "temps de travail", en particulier pour la qualification des
périodes de garde des médecins selon le régime de la
présence physique dans l'établissement de santé
(affaires SIMAP et Jaeger).
Pour connaître le contexte de cette problématique, se
reporter au résumé complémentaire de la proposition de
la Commission COM (2004)0607.
2- OBJECTIFS :
Dans sa communication du 30.12.2003, la Commission considère que l'approche retenue devra : assurer un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en matière de temps de travail; donner aux entreprises et aux États membres une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail; permettre une meilleure compatibilité entre vie professionnelle et vie familiale; éviter d'imposer des contraintes déraisonnables aux entreprises, notamment aux PME.
3- OPTIONS POLITIQUES ET IMPACTS :
Différentes options sont
envisagées ainsi que les impacts correspondants pour 4 questions
spécifiques :
3.1- Question 1: les dérogations aux périodes de
référence : actuellement, pour l'application de la
durée maximale hebdomadaire de travail (48 heures/semaine), la
directive prévoit une période de référence ne
dépassant pas 4 mois. Les États membres peuvent fixer une
période de référence de 6 mois pour certaines
activités (par exemple, les activités de garde, de surveillance
et de permanence). Enfin, les partenaires sociaux nationaux peuvent fixer une
période de référence ne dépassant pas un an.
3.1.1- Option 1 : maintien de la situation actuelle :
si globalement la situation actuelle ne peut être
considérée comme insatisfaisante pour la santé et la
sécurité des travailleurs ainsi que pour la flexibilité
des entreprises, le fait de ne permettre l'établissement d’une
période de référence d’un an que par la
négociation collective place les États membres et les
entreprises dans des situations différentes.
3.1.2- Option 2 : réduction de la période de
référence : cette option pourrait passer par trois
modifications: fixation d'une période plus courte que les 4 mois
actuels; élimination de la possibilité de dérogation
prévue aux différents alinéas de l'article 17
(notamment, suppression de la possibilité de fixer une période
de référence de 6 mois); éventuellement, suppression de
la possibilité de prévoir une période de
référence d'un an par convention collective. Sachant que cette
disposition ne semble avoir aucun impact négatif pour la santé
et la sécurité des travailleurs mais bien sur la
flexibilité réclamée par les entreprises en
matière d'aménagement du temps de travail, la réduction
de la période de référence est une option qui semble
pouvoir être écartée.
3.1.3- Option 3 : extension de la période de
référence : cette option passerait par plusieurs
modifications : fixation d'une période plus longue que les 4 mois
actuels; fixation de périodes plus longues pour les dérogations
admises à l'article 17 (6 et 12 mois); fixation d'une période
plus longue que les 4 mois actuels, mais sans possibilité de
dérogation. Cette extension serait conforme à la tendance
visible vers une annualisation du temps de travail. Elle clarifierait
également la directive.
3.2- Question 2: l'opt-out individuel (article 22, paragraphe 1) : l’"opt-out" est la faculté pour un État membre de prévoir qu’un travailleur choisisse individuellement de travailler, en moyenne, plus de 48 heures/semaine, sous réserve des conditions prévues par l’article 22, par. 1.
3.2.1- Option 1 : maintien
de la situation actuelle : si le statu quo est maintenu, la
Commission serait obligée de tirer les conséquences des
conclusions auxquelles elle est arrivée après
l'évaluation menée sur l’application de cette disposition
au Royaume-Uni : des réserves tant sur les mesures nationales de
transposition de la directive que sur son application pratique. Donc, au
moins en ce qui concerne le Royaume Uni, le statu quo n'est pas possible et
des modifications doivent être introduites.
3.2.2- Option 2 : maintien de l'opt-out en renforçant
les conditions d'application de façon à consolider sa nature
volontaire et à prévenir les abus : cette option
viserait à maintenir la flexibilité offerte par l'opt-out, tout
en éliminant les possibilités d'abus. Elle devrait permettre de
solutionner les problèmes rencontrés et d’utiliser l'opt-out
sur une base réellement volontaire dans le chef du travailleur.
3.2.3- Option 3 : opt-out uniquement par convention collective :
dans le texte actuel de la directive, l'usage de l'opt-out dépend de
l'État membre et de la volonté individuelle du travailleur. La
présente option consisterait à donner à la
négociation collective un rôle plus actif. En
général, cette option n'empêcherait pas les entreprises
qui en ont besoin d'avoir recours à l'opt-out (le dialogue social est
possible dans la majorité des cas), mais elle imposerait le principe
de la négociation collective avec une augmentation inévitable
des coûts pour les entreprises par rapport à la situation
actuelle.
3.2.4- Option 4 : opt-out uniquement par convention collective
lorsque celle-ci existe ou est possible : cette option se
distingue de la précédente parce qu'elle permet l'utilisation
de l'opt-out individuel comme actuellement quand la convention collective
n’est pas envisageable. En revanche, elle ressemble à la solution
précédente en ce que le recours à l'opt-out serait
conditionné à l'accord des partenaires sociaux au niveau
adéquat. L'avantage de cette approche est que le fossé entre
pays à forte culture en termes de dialogue social et les autres
s’amenuiserait. En tout état de cause là où la
négociation collective n’existe pas, l'opt-out individuel
continuerait de s’appliquer. Cette option est donc celle qui permet le
mieux de combiner le besoin de flexibilité des entreprises avec le
respect des traditions nationales en matière de relations
industrielles.
3.2.5- Option 5 : suppression graduelle de l'opt-out :
cette option, défendue par le Parlement européen, instituerait
une période transitoire pendant laquelle l'opt-out individuel pourrait
continuer à être utilisé, avec une limite maximale
hebdomadaire du temps de travail décroissante, jusqu'à arriver
à la règle générale des 48 h/semaine. L'impact de
cette option dépendra fortement de la durée de la
période transitoire pendant laquelle l'opt-out individuel resterait
possible. Plus la période serait longue, plus les entreprises et les
travailleurs auraient le temps de s'adapter aux nouvelles conditions.
3.2.6- Option 6 : suppression de l'opt-out : cette
option consisterait à supprimer purement et simplement
l’opt-out. La question est de savoir si cette suppression serait
dommageable à la compétitivité de l'industrie
communautaire et en particulier, à celle du Royaume Uni qui a
largement utilisé cette disposition, alors qu’il est manifeste
qu’elle serait bénéfique pour la protection de la
santé et de la sécurité des travailleurs.
3.3- Question 3: la définition du temps de
travail : dans la logique de la directive, toute période ne
peut être considérée que comme du temps de travail ou du
temps de repos, il n'existe pas de catégorie intermédiaire.
3.3.1- Option 1 : maintien de la situation actuelle :
la définition du temps de travail, telle qu'interprétée
par la Cour de Justice dans les affaires SIMAP et Jaeger, continuerait
d'être applicable. Au vu des éléments dont la Commission
dispose, cette option n'est donc pas envisageable sous peine d'effets pervers
dans les systèmes publics de santé et, probablement, dans
d'autres secteurs des services.
3.3.2- Option 2 : exclure le temps de garde de la limite des
48 heures hebdomadaires : selon la jurisprudence de la Cour de
justice, le temps de garde doit être considéré
entièrement comme du temps de travail au sens de la directive. La
présente option consisterait à laisser intacte cette
qualification du temps de garde, mais en l'excluant de la comptabilisation de
la durée maximale hebdomadaire du temps de travail. Cette option, qui
peut être attractive parce qu'elle ne met pas en cause (ou dans une
moindre mesure) la jurisprudence SIMAP/Jaeger, serait inévitablement source
de conflits et d'incertitudes.
3.3.3- Option 3 : insérer une nouvelle
définition dans la directive celle de "période inactive du
temps de garde" : cette option consisterait à sortir de
la situation dichotomique "temps de travail/période de
repos" et à introduire une troisième catégorie, la
période inactive du temps de garde. Il est probable que cette option
permette aux États membres qui n'ont pas encore modifié leur
législation, de la maintenir en vigueur.
3.4- Question 4: compatibilité entre vie professionnelle
et vie familiale : la Commission a exprimé son souhait de
profiter de l'exercice de réexamen de la directive pour encourager une
meilleure prise en compte de cet objectif dans la directive.
3.4.1- Option 1 : maintenir la situation actuelle :
une option possible serait de n'ajouter aucune disposition nouvelle, mais de
veiller à ce que cette dimension soit mieux prise en compte dans les
dispositions existantes dans la directive.
3.4.2- Option 2 : insérer un nouvel article :
cette option consisterait à demander aux États membres qu'ils
encouragent les partenaires sociaux à tous les niveaux, à
négocier des mesures allant dans ce sens.
CONCLUSIONS : selon la Commission, la proposition qui pourrait le
mieux remplir ces critères comporteraient les éléments
suivants:
- opt-out : les dérogations à l'article 6.2 (temps
de travail hebdomadaire) ne seraient possibles que par convention collective
ou accord entre les partenaires sociaux chaque fois que cela est
possible ; dans les entreprises n'ayant pas de tels accords ou de représentation
des travailleurs, l'opt-out individuel, avec des conditions
renforcées, continuerait d’être applicable ;
- définition du temps de travail suite aux arrêts
SIMAP/Jaeger : introduction d'une troisième catégorie
de temps de travail couvrant la "période inactive du temps de
garde", qui ne serait pas considérée comme du "temps
de travail" au sens de la directive ;
- dérogations aux périodes de référence :
il serait possible de prévoir l'allongement à un an de la
période de référence pour le calcul de la durée
maximale hebdomadaire du temps de travail par voie législative ou
réglementaire ;
- compatibilité entre vie professionnelle et vie familiale :
insertion d’un nouvel article allant dans ce sens.
Pour la Commission, seule une approche globale intégrant ces quatre
domaines de réexamen serait de nature à permettre de trouver
une solution équilibrée.