En adoptant le rapport de Mme Hiltrud BREYER (Verts/ALE, DE), le Parlement européen a modifié, en 1ère lecture de la procédure de codécision, la proposition de règlement concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Les principaux amendements adoptés en plénière sont les suivants :
Objet et finalité: les députés souhaitent préciser que le règlement se fonde sur le principe de précaution, qu’il vise à assurer à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale, ainsi que de l'environnement et qu’il vise également à harmoniser les règles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin d’harmoniser la disponibilité desdits produits pour les agriculteurs. En conséquence, ils proposent de retenir une double base juridique : les articles 152, paragraphe 4, point b), et 175, paragraphe 1 du Traité CE. Le règlement devrait également préciser que les États membres : i) ne peuvent être empêchés d'appliquer le principe de précaution lorsqu'ils limitent ou interdisent l'utilisation de pesticides ; ii) peuvent déterminer les zones sans pesticides qu'ils estiment nécessaires à la protection des ressources d'eau potable (ces zones pouvant couvrir l'ensemble du territoire de l'État membre); iii) peuvent interdire l'utilisation et la mise sur le marché des pesticides approuvés par l'Union européenne lorsque leur teneur est mesurable à la sortie de la zone radiculaire.
Autorisation par zone : le Parlement s’est opposé à la division de l’Union européenne en zones géographiques (nord, centre et sud) ainsi qu’à l'autorisation par zone des produits qui, comme le proposait la Commission aurait permis à tout pesticide autorisé par un État membre au sein d’une zone d’autorisation d’être réputé approuvé par tous les autres pays de la zone, en vertu du principe de la reconnaissance mutuelle. En lieu et place, les députés proposent de retenir un système européen unique reconnaissance mutuelle des autorisations nationales tout en permettant aux États membres, au nom du principe de subsidiarité, de prévoir des normes nationales ou régionales. Les États membres devraient ainsi être autorisés à confirmer, rejeter ou limiter l'autorisation accordée par un autre État membre sur la base de leurs besoins agricoles particuliers ou à maintenir un niveau de protection plus élevé, conformément à leur plan d'action national concernant les pesticides.
Substances actives à interdire : le Parlement a introduit une définition des « substances actives », à savoir « les substances, y compris tous leurs métabolites présents au stade de l'utilisation, les micro-organismes et les virus exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes ciblés ou sur les végétaux, les parties de végétaux ou les produits de végétaux ». Les députés soutiennent la Commission européenne dans son intention d'imposer une interdiction des substances persistantes ou bioaccumulatives possédant des propriétés carcinogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction ou perturbatrices du système endocrinien. Toutefois, ils ont ajouté à la liste des substances interdites les substances neurotoxiques ou immunotoxiques pour l’homme. Toutes les substances présentant ces propriétés devraient entrer dans la définition des « substances préoccupantes », estiment les députés. Dans le même esprit, la dérogation prévue dans la proposition en ce qui concerne l’utilisation des substances à « faible risque » ne devrait pas s’appliquer aux substances interdites au sens de la directive 67/548/CEE.
Critères d’approbation des substances actives : les députés proposent de prévoir des critères d'exclusion plus rigoureux que ceux proposés par la Commission. Ces critères doivent reposer sur les propriétés des substances afin d'éviter dès le départ des effets potentiels inacceptables sur la santé humaine ou sur l'environnement. Ainsi, les substances ne doivent pas avoir d'effet nocif sur la santé des êtres humains, en particulier sur la santé des utilisateurs qui sont en contact direct avec les produits, des riverains et des passants ainsi que des groupes vulnérables (dont les femmes allaitantes, les embryons et les fœtus). De plus, ils ne doivent pas avoir d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé des résidents, des passants ainsi que des groupes vulnérables, y compris en des lieux éloignés du lieu d'utilisation, à la suite de la propagation à longue distance. Les effets sur le comportement des espèces, sur l’extinction des espèces menacées et sur l’écosystème devraient également être évalués. Les députés estiment en outre que les essais sur les animaux vertébrés ne doivent être effectués qu'en dernier recours. Dans ce contexte, ils proposent que les demandes d’approbation des substances soient accompagnées d’une indication des mesures prises pour éviter les essais sur les animaux.
Principe de substitution et évaluation comparative: les députés souscrivent au « principe de substitution » selon lequel les nouveaux produits ne peuvent être approuvés de facto s'ils contiennent des substances pouvant être remplacées par un produit qui est sensiblement plus sûr pour la santé humaine ou animale ou l'environnement. Les États membres doivent y veiller en procédant à des « évaluations comparatives » des substances, jaugeant les risques et les avantages. Dans ce contexte, une priorité devrait dans tous les cas être donnée aux méthodes de lutte contre les ennemis des cultures qui n'utilisent pas les produits chimiques. Afin de réduire au minimum et d’éviter la répétition des essais sur les vertébrés, les députés insistent également sur la nécessité de promouvoir l'utilisation de méthodes d'essai ne faisant pas appel aux animaux ainsi que des stratégies d'essais intelligents.
Procédure d’approbation : les députés estiment que l'Autorité doit être chargée de coordonner la procédure d'approbation et qu’elle doit pour ce faire s'en remettre aux autorités compétentes des États membres. Ainsi, la demande d'approbation d'une substance active doit être introduite par le producteur de la substance active auprès de l'Autorité (et non auprès d'un « État membre rapporteur» comme proposé par la Commission). L’Autorité informera les États membres des demandes qu’elle a reçues. La décision devra s'appuyer sur des critères objectifs tels que les conditions géographiques, agricoles et climatiques, les performances et l'impartialité de l'autorité compétente et l'absence d'intérêts liés aux sociétés de production. Les députés souhaitent également limiter la durée de la procédure d'approbation des substances actives, des phytoprotecteurs, des synergistes et des coformulants nouveaux en réduisant de 90 à 60 jours le délai pendant lequel l’Autorité pourra autoriser la présentation d’observations écrites. Ils estiment également qu’une une bonne coopération administrative devrait être renforcée entre les États membres à tous les stades de la procédure d'autorisation et facilitée par un centre d'assistance européen.
Renouvellement de l’autorisation : tandis que Commission européenne propose que le renouvellement des autorisations soit valable pour une durée illimitée, les députés demandent que l'approbation puisse être renouvelée une ou plusieurs fois pour une période n'excédant pas 10 ans. Après le premier renouvellement de leur approbation, les substances devront être réexaminées à intervalles réguliers. D’une manière générale, les députés considèrent que la période d'approbation doit être proportionnelle aux éventuels risques inhérents à l'utilisation des substances et qu’elle doit être limitée à un maximum de 15 ans pour les substances à faible risque, à 5 ans pour les substances dont la substitution est envisagée et à 10 ans pour les autres substances. Les députés demandent en outre que les États membres puissent accorder, sous certaines conditions, une préautorisation à un produit phytopharmaceutique évalué par un État membre rapporteur sur la base des critères fixés dans le règlement. Le Parlement souhaite aussi que l'effet combiné de différentes substances dans un produit soit strictement évalué.
Transparence et concurrence: les députés jugent indispensable une transparence maximale, de la procédure d'autorisation à l'application, jusqu'au consommateur. C’est pourquoi, ils préconisent que les États membres rendent accessible, sur un site internet public, dans un délai de 12 semaines à partir de la décision relative à l'autorisation d'un produit phytopharmaceutique, un relevé des décisions administratives prises par l'État membre au sujet de la demande d’autorisation et de la documentation. Les députés suggèrent en outre la mise en place par l’Autorité d’une base de données centralisée : le demandeur devra transmettre immédiatement à l'Autorité le dossier complet de demande d’autorisation et le dossier récapitulatif pour chaque point des exigences en matière de données applicables au produit phytopharmaceutique. L'Autorité devra mettre immédiatement à la disposition du public les dossiers récapitulatifs, à l'exception de toute information confidentielle. Les informations relatives aux produits retirés devront également être accessibles au public par voie électronique. Les députés ont en outre introduit un nouvel article qui traite des conditions d’autorisation du commerce parallèle.
Protection des données : aux termes de la proposition, les rapports d'essais et d'études bénéficient de la protection des données. La période de protection des données est de 10 ans à compter de la date de la première autorisation dans un État membre. Les députés estiment que cette période doit être étendue à 15 ans pour les pesticides à faible risque et à 12 ans pour les pesticides à risque réduit. Les députés précisent en outre que les études présentées pour le réexamen ou le renouvellement d'une autorisation ne sont pas protégées, à moins que les exigences de modification de la législation ne le requièrent. La protection des données doit être également appliquée aux tiers qui présentent des rapports d'essais et d'études en vue d'utilisations mineures.
Le Parlement demande enfin que les producteurs et détenteurs d'autorisation contribuent à un fonds couvrant les coûts inhérents à l'élimination et à la destruction des stocks de pesticides périmés dans les États membres et dans les pays tiers. Pour les députés, les stocks de produits phytopharmaceutiques non autorisés doivent être éliminés de manière sûre et détruits sous la responsabilité de l'ancien détenteur de l'autorisation.