Nouvelle approche régionale en mer Noire

2007/2101(INI)

Le Parlement européen a adopté par 581 voix pour, 19 contre et 17 abstentions, une résolution répondant à la communication de la Commission intitulée "La synergie de la mer Noire - une nouvelle initiative de coopération régionale".

En suivant la plupart des recommandations exprimées par le rapport d’initiative de Mme Roberta Alma ANASTASE (PPE-DE, RO), le Parlement européen salue les objectifs définis par ce document qui hisse la coopération avec la région de la mer Noire au rang des priorités majeures de la politique étrangère de l'Union, de la même manière que les questions de sécurité énergétique et les négociations d’adhésion avec la Turquie. La Plénière considère toutefois qu’une stratégie à part entière à long terme pour la mer Noire profiterait largement à son développement futur. Elle demande dès lors une réponse cohérente, durable et stratégique pour la région de la mer Noire aboutissant à la création d’une politique propre pour cette région aux côtés de la dimension septentrionale et du partenariat euro-méditerranéen. La Plénière réitère son appel à des mesures « substantielles » de l’Union pour encourager cette stratégie en s’appuyant sur une véritable évaluation des actions passées et en cours.

Parallèlement, le Parlement souligne que la politique régionale pour la mer Noire « ne doit ni servir d'alternative à l'adhésion à l'UE, ni fixer les frontières de l'UE » mais que ses objectifs doivent constituer une part intégrante de la politique étrangère de l'Union. Pour le Parlement, la coopération régionale doit à la fois impliquer l’Union européenne, les partenaires de la politique de voisinage, la Turquie mais aussi la Russie en tant que « partenaires égaux ». Il estime que seule la création progressive d’un sentiment de « responsabilité partagée » parmi les riverains de la mer Noire à l’égard des défis communs que doit relever la région, permettra d’atteindre tout le potentiel de la présence de l’Europe dans la région.

Cette politique devrait notamment cibler les domaines prioritaires suivants :

Sécurité : rappelant l’instabilité régionale causée par des conflits gelés depuis de nombreuses années, le Parlement demande un engagement ferme de l'Union dans la résolution de ces conflits avec l’aide stratégique de la Russie. Rappelant la présence militaire importante de la Russie dans la région (avec la flotte stationnée à Sébastopol), le Parlement note que l’accord conclu en 1997 par l’Ukraine et la Russie concernant le stationnement de la flotte en mer Noire expire en 2017 et que cette question, non résolue, a déjà provoqué des frictions entre ces pays. Il appelle dès lors l’Union à s’investir plus avant sur cette question avec la coopération de la Russie et de l’Ukraine.

Pour la Plénière, l'Union devrait définir également un ensemble de priorités pour l'Espace de liberté, de sécurité et de justice en mer Noire, de manière à harmoniser et à rendre compatibles entre eux tous les secteurs politiques. Vu les frais élevés pratiqués pour certains pays voisins à la suite de l’élargissement de l’Espace Schengen (fin 2007), le Parlement demande également la révision à la baisse des frais de visa pour les citoyens ordinaires des pays de la région.

Il faut également mieux diffuser les valeurs européennes de démocratie, d'État de droit et de droits de l'homme et conclure rapidement des accords de facilitation des visas et de réadmission avec les pays concernés. La coopération transfrontalière et la coopération dans le domaine de la gestion des frontières doit également être favorisée.

Stabilité politique et démocratie : pour le Parlement, la promotion du respect des droits de l'homme, de la démocratie et des libertés fondamentales est cruciale. Il faut donc que ces questions fassent l’objet d’un dialogue approfondi. Parallèlement, de bonnes relations de voisinage sont essentielles pour assurer le développement de toute la région. C’est la raison pour laquelle, le Parlement réclame des mesures garantissant le respect mutuel, l'intégrité territoriale, la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays voisins et l'interdiction du recours à la force de la part des pays concernés.

Coopération énergétique et environnementale : le Parlement renouvelle son soutien à la création de nouvelles infrastructures et de nouveaux couloirs de transports pour l’énergie en diversifiant tant les fournisseurs que les itinéraires (ex. : nouveau couloir énergétique sur l'axe Caspienne - mer Noire et les pipelines Nabucco, Constanta-Trieste et AMBO ou les projets INOGATE et TRACECA). Il estime notamment que la synergie pour la mer Noire devrait fournir un cadre adéquat pour promouvoir une réforme des marchés dans la région en vue de créer des marchés de l’énergie compétitifs, prévisibles et transparents. Mais il faut également favoriser le Danube qui constitue l'un des axes de transport principaux reliant l'Union à la mer Noire. Pour tirer pleinement parti de l’accès de l’Union à la mer Noire, le Parlement insiste notamment sur le développement des infrastructures portuaires en mer Noire (Burgas, Constanta, Mangalia, Varna) et celles du delta du Danube afin de garantir l’intermodalité des différents modes de transport.

En ce qui concerne la question environnementale de la région, le Parlement se dit très préoccupé par le niveau de pollution en mer Noire, notamment en raison des accidents écologiques fréquents (pollution aux hydrocarbures, notamment). Il réclame dès lors des mesures urgentes pour assurer la sécurité du transport maritime pour les pétroliers qui transitent par cette zone ainsi que des mesures destinées à préserver la faune et la flore dans le delta du Danube.

Coopération économique : bien qu’inégale, la croissance économique de cette région progresse. Mais cette croissance est fragile et nettement plus soutenue dans les pays exportateurs de pétrole et de gaz. C’est pourquoi, il faut créer un espace favorable aux investissements en luttant contre la corruption et la fraude. Le Parlement encourage en particulier la création d'une zone de libre échange conforme aux principes de l'OMC avec les pays de la région.

Compte tenu du rôle de catalyseur que peut jouer le tourisme littoral et maritime pour le développement de la région de la mer Noire, le Parlement insiste pour que l’on soutienne les infrastructures touristiques et pour que l’on améliore la diversification des produits touristiques traditionnels. Parallèlement, le Parlement salue les initiatives interrégionales comme le projet de liaison ferroviaire Bakou-Tbilissi-Kars (Azerbaïdjan, Géorgie, Turquie) dans la mesure où cette initiative ouvre la voie à l’amélioration de l’intégration économique et politique de cette région. La Plénière souligne toutefois que ce projet court-circuite la ligne ferroviaire existante en Arménie. Elle engage dès lors les pays du Caucase du sud et la Turquie à s’ab stenir de mettre en œuvre tout projet à courte vue en matière d’énergie et de transport qui violerait les principes de bon développement de la politique de voisinage.

Aspects institutionnels et financiers : sur le plan institutionnel, le Parlement plaide pour que les États membres de l'Union de cette région jouent un rôle majeur dans l’approfondissement de la coopération avec l’ensemble de la zone (Roumanie, Bulgarie et Grèce, en tête). Il rappelle qu'un certain nombre de mécanismes de coopération régionale existent déjà et qu'il faut donc éviter les doubles emplois. Il insiste notamment sur le rôle capital de la Turquie et de la Russie pour faciliter la coopération régionale ainsi que sur le rôle primordial de la société civile pour cimenter les relations.

Sur le plan financier, le Parlement demande un usage rationnel des moyens financiers existants comme l'Instrument européen de voisinage, les Fonds structurels et les fonds préadhésion. Ces moyens devraient être mobilisés de manière cohérente, raison pour laquelle le Parlement invite la Commission à instituer un système général de rapports avant la mise en œuvre des fonds afin d’examiner le caractère durable, l'efficacité et la conformité des mesures à prendre. Le Parlement approuve pleinement le doublement des moyens disponibles de l’Instrument de voisinage pour le financement de projets transfrontaliers et demande que la mise en œuvre de moyens financiers soit soumise aux mêmes critères que ceux applicables aux Fonds structurels. Enfin, pour parvenir à financer certains petits projets, le Parlement suggère à la Commission de mettre à disposition l’instrument de financement décentralisé des Fonds (notamment pour les projets de personne à personne réalisés dans le cadre de la coopération transfrontalière) et d’encourager l’utilisation plus régulière de cet instrument.