Rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde 2007 et la politique de l'UE en la matière

2007/2274(INI)

En adoptant le rapport d’initiative de M. Marco CAPPATO (ADLE, IT) sur le rapport annuel 2007 sur les droits de l'homme dans le monde, la commission des affaires étrangères déplore que l'Union européenne soit encore loin de mettre en œuvre une politique réellement cohérente et performante en matière de promotion des droits de l'homme dans le monde. Les députés attendent donc des progrès substantiels en la matière ainsi que le renforcement de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) largement influencée par des intérêts nationaux. Il faut en outre accentuer les efforts de l'Union pour la rendre plus apte à réagir rapidement aux violations des droits de l'homme dans les pays tiers et dès lors mieux intégrer la politique des droits de l'homme dans toutes les politiques extérieures de l'UE.

Principes généraux et propositions en ce qui concerne les droits de l'homme, la démocratie, la paix et la non-violence : les députés réaffirment que les droits de l’homme sont des droits universels acquis au cours de l'histoire et dont le respect concret et effectif est une garantie indispensable pour le respect de la légalité et de l'ordre juridique international et pour la promotion de la paix, de la liberté et de la démocratie dans le monde. C’est la raison pour laquelle ces droits doivent pouvoir être invoqués dans le monde entier auprès de toutes juridictions, y compris des juridictions supranationales. Par conséquent, la Commission et le Conseil doivent conduire, sur le modèle de ce qu'ils ont fait pour la création de la Cour pénale internationale, une action prioritaire de soutien aux tribunaux internationaux œuvrant pour la protection des droits de l'homme.

Si les députés réaffirment le droit à la démocratie dans tous les pays, ils revendiquent également la promotion de la « non-violence gandhienne » comme instrument fondamental du respect des droits fondamentaux de l'homme. Pour donner plus de poids à cette démarche, les députés suggèrent l'organisation en 2009 d'une conférence européenne sur la non-violence et la proclamation de 2010 comme l'Année européenne de la non-violence. Ils demandent également que soit proclamée, sous les auspices des Nations unies, une "Décennie de la non-violence 2010-2020".

Activités de l’Union en matière de droits de l’homme en 2007 : les députés rappellent tout le prix qu’ils attachent au Rapport de l’Union sur les droits de l’homme, comme instrument fondamental pour brosser un état des lieux des activités de l'Union dans ce domaine. Mais ce rapport devrait fournir plus d’informations et de meilleures qualités sur la situation de certains pays. Dans la foulée, les députés réitèrent leur demande d'une évaluation périodique régulière de la mise en œuvre et des résultats des politiques et instruments de l'Union en matière de droits de l'homme.

Face à l’incapacité répétée de l'Union à affronter et à résoudre les crises, les députés invitent le Conseil à transformer progressivement les aspects civils de la politique européenne de sécurité et de défense en un "service pour la paix civile" chargé de gérer les crises civiles de courte durée et d'assurer l'instauration de la paix à plus long terme. Ils demandent une nouvelle fois à la Commission d'inciter les États membres et les pays tiers à ratifier toutes les conventions majeures des Nations unies et du Conseil de l'Europe relatives aux droits de l'homme et à coopérer de manière plus efficace avec le Conseil de l'Europe.

Au chapitre de l'action déployée par les acteurs mondiaux, le nouveau Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDHNU) est considéré par les députés comme susceptible d'offrir un cadre valable pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde. Toutefois, les députés regrettent le bilan en demi-teinte de cette institution internationale au cours de l’année 2007. Ils insistent en priorité sur l'élaboration de critères d'éligibilité au CDHNU. Ils encouragent également tous les États membres à ratifier d’urgence le statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI), notamment la République tchèque qui est le seul État membre de l'UE à n'avoir pas encore ratifié ce texte. La Roumanie est également invitée à dénoncer l'accord bilatéral d'immunité conclu avec les États-Unis au sujet de la CPI.

Lutter contre l’application de la peine de mort: les députés reviennent abondamment sur les actions menées par l’Union au cours de l’année 2007 et demandent une nouvelle fois la création d’un nouveau Service européen d'action extérieure pour harmoniser les démarches entreprises en matière de droits de l'homme par les missions des États membres et de la Commission dans les pays tiers, l’idée étant de créer de véritables "ambassades de l'Union européenne". S’ils considèrent l'adoption d'une résolution des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur le recours à la peine de mort comme un pas de géant en 2007, les députés aspirent toujours à voir totalement disparaître la peine capitale dans le monde. Saluant la décision du 7 décembre 2007 du Conseil "Justice et Affaires intérieures" d’instaurer une Journée européenne contre la peine de mort (le 10 octobre de chaque année), les députés se félicitent de l'abolition de la peine de mort en Albanie, au Kirghizstan, au Rwanda, dans l'État du New Jersey (USA) et en Ouzbékistan en 2007 et début 2008. Mais ils critiquent une nouvelle fois la Chine qui reste le pays dans lequel la peine de mort est la plus régulièrement appliquée. Il en va de même au Belarus et en Iran.

Torture et autres traitements inhumains : les députés s’étonnent que nombre de pays européens n’aient toujours pas ratifié le protocole facultatif à la Convention contre la torture. Ils demandent la création en Europe d’une zone sans torture ni autres formes de mauvais traitements et souhaitent que la lutte contre la torture et les mauvais traitements deviennent une priorité de la politique des droits de l'homme au niveau de l’Union. De même, des actions plus résolues sont attendues en vue de lutter contre l’enrôlement des enfants dans les conflits armés.

Défenseurs des droits de l’homme : les députés souhaitent mettre l’accent sur les « défenseurs des droits de l'homme », souvent en 1ère ligne lors de conflits. Ces personnes méritent une protection beaucoup plus efficace. C’est pourquoi, les députés demandent que des lignes directrices spécifiques leurs soient consacrées ainsi que la possibilité de leur attribuer d’urgence des visas comme cela existe en Irlande ou en Espagne. Les députés font ensuite une série de recommandations au Conseil sur la manière dont ils envisagent les dialogues et consultations officielles avec les pays tiers. Ils renouvellent en particulier leur appel à ce que les questions relevant des droits de l'homme soient passées en revue au plus haut niveau politique avec les pays tiers, de manière à leur donner plus de poids au plan bilatéral.

Chine, Iran et Russie : si les députés reviennent sur chacun des pays tiers où les droits de l’homme sont bafoués, c’est principalement la Chine, l’Iran et la Russie qui sont épinglés par les parlementaires pour la persistance et l’acuité des violations des droits humains.

  • Chine, dans la perspective des Jeux Olympiques : les députés soulignent tout d’abord qu'au mépris des promesses concédées par le régime chinois dans la perspective des Jeux Olympiques, la situation ne s'est guère améliorée sur le front des droits de l'homme dans ce pays. Or, pour les députés, ces Jeux constituaient une occasion historique de progresser dans ce domaine. Les députés évoquent tout particulièrement l'inscription sur une liste noire de journalistes ou de militants des droits de l'homme, dont le Dalaï Lama en personne ou les adeptes du Falun Gong. Ils redemandent la libération immédiate de l'activiste engagé dans la lutte contre le sida, Hu Jia. Ils exhortent une fois encore l'UE à veiller à ce que ses relations commerciales avec la Chine demeurent subordonnées aux réformes dans le domaine des droits de l'homme et invitent le Conseil à faire une évaluation d'ensemble de la situation des droits de l'homme avant de finaliser tout nouvel accord-cadre de partenariat et de coopération avec ce pays ;
  • Iran : les députés rappellent que le dialogue sur les droits de l'homme est interrompu avec ce pays depuis 2004. Il faut donc renouer le fil du dialogue avec les autorités iraniennes et consolider l'implication de tous les défenseurs des droits de l'homme iraniens et des représentants de la société civile dans l'élaboration des politiques, car la situation s’est fortement détériorée dans ce pays en 2007 avec le recours accru aux exécutions capitales. L'Iran est également condamné par les députés pour l'arrestation de milliers de femmes et d'hommes sous prétexte de "comportements immoraux" ;
  • Russie : les députés déplorent le manque de résultats des consultations UE-Russie sur les droits de l'homme et regrettent que l'UE ait échoué dans sa tentative d'induire un changement de politique en Russie, en particulier en Tchétchénie et dans d'autres républiques du Caucase. Ils s’insurgent contre les arrestations de défenseurs des droits de l'homme et de prisonniers politiques (dont Mikhaïl Khodorkovski), contre le manque d'indépendance dont jouissent les médias, le traitement des minorités ethniques et religieuses, etc. Ils se disent également préoccupés par le harcèlement dont sont victimes de multiples ONG en Russie et critiquent les réticences de ce pays à inviter des observateurs internationaux à l'occasion des élections.

Les députés s’insurgent en outre contre la situation déplorable des droits de l’homme dans le Maghreb, en Syrie ou en Ouzbékistan. Des efforts sont encore attendus en Turquie, pays candidat à l’adhésion. Les députés épinglent également le manque de progrès au Soudan (Darfour), en Birmanie et au Pakistan.

Droits des femmes : les députés souhaitent des actions plus résolues pour lutter contre les mutilations des organes génitaux féminins et autres pratiques traditionnelles dommageables. Ils insistent pour que les droits des femmes soient explicitement traités dans tous les dialogues sur les droits de l'homme et, en particulier, la lutte et l'éradication de toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes, adultes et mineures, y compris, l'avortement en fonction du sexe de l'enfant, la violence domestique et le "gynécide".

Rôle des Présidences du Conseil en 2007 (Allemagne et Portugal) et de l’IEDDH : globalement, ces présidences sont félicitées pour leurs résultats obtenus en 2007, avec, notamment les progrès accomplis dans l'optique de la finalisation des lignes directrices sur les droits de l'enfant. Toutefois, les députés regrettent le manque de visibilité de la politique européenne en matière de défense des droits de l'homme et souhaitent des données quantifiables et des critères comparatifs pour mesurer l’efficacité des actions menées. Les députés reviennent également sur l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) dont ils saluent l’efficacité. Mais le budget de cet instrument fondamental reste drastiquement en deçà des attentes. C’est la raison pour laquelle les députés demandent une augmentation du budget de l'IEDDH dès 2009 afin de pouvoir gérer des projets dans des régions difficiles directement par les délégations de la Commission dans les pays tiers. Les députés constatent en outre qu'une forte proportion des crédits de l'IEDDH est allée à de grands projets thématiques et que seule une faible proportion (24%) l'a été à des formules de soutien conçues par pays (équivalant à des microprojets). Ils constatent aussi que seule une petite part des fonds était destinée à l'Asie. Il faut donc revoir cette répartition géographique.

Interventions du Parlement européen : sachant que les droits de l'homme jouent un rôle prééminent dans l'activité du Parlement lui-même, les députés rappellent l’impact du rapport élaboré l'an dernier par la commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour procéder à des vols à des fins de "restitutions extraordinaires". Un autre exemple est fourni par la tenue régulière de débats "d'urgence" et par les résolutions sur les droits de l'homme votées en Plénière. Les députés invitent le Conseil à assister à ces débats de manière plus régulière et à mieux en tenir compte. Ils demandent également que les résolutions concernant les droits de l'homme soient traduites dans les langues parlées par les pays visés. Enfin, ils demandent que le PE soit associé aux dialogues et consultations de l'UE avec les pays partenaires sur les droits de l'homme.