Le Parlement européen a adopté par 533 voix pour, 63 contre et 41 abstentions, une résolution portant sur le Rapport annuel 2007 sur les droits de l'homme dans le monde et la politique de l'Union européenne en matière de droits de l'homme.
Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en plénière par M. Marco CAPPATO (ADLE, IT), au nom de la commission des affaires étrangères.
La résolution déplore que l'Union soit encore loin de mettre en œuvre une politique réellement cohérente et performante en matière de promotion des droits de l'homme dans le monde. Le Parlement attend donc des progrès substantiels en la matière ainsi que le renforcement de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) largement influencée par des intérêts nationaux. Il faut en outre accentuer les efforts de l'Union pour la rendre plus apte à réagir rapidement aux violations des droits de l'homme dans les pays tiers et dès lors mieux intégrer la politique des droits de l'homme dans toutes les politiques extérieures de l'UE en examinant systématiquement les questions relevant des droits de l'homme dans le cadre du dialogue politique à tous les niveaux.
Principes généraux: le Parlement réaffirme que les droits de l'homme – tels qu'ils sont définis dans les principaux instruments et conventions internationaux, dont la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne – sont des droits universels et indivisibles, dont le respect est une garantie indispensable pour la mise en œuvre et le respect de la légalité et de l'ordre juridique international, ainsi que pour la promotion de la paix, de la liberté, de la justice et de la démocratie. Il estime qu'un des objectifs majeurs de la politique de l'Union doit être de soutenir les institutions juridictionnelles de toutes les instances, à tous les niveaux, et en particulier les juridictions internationales. C’est la raison pour laquelle ces droits doivent pouvoir être invoqués dans le monde entier auprès de toutes juridictions, y compris des juridictions supranationales. Par conséquent, la Commission et le Conseil doivent conduire, sur le modèle de ce qu'ils ont fait pour la création de la Cour pénale internationale, une action prioritaire de soutien aux tribunaux internationaux œuvrant pour la protection des droits de l'homme. La Plénière soutient également que le droit à la démocratie est un droit universel acquis au cours de l'histoire et qu'à cette fin, il y a lieu de procéder à la création d'un véritable réseau des démocraties à l'échelle du monde par la transformation et le renforcement des organisations en place.
Si le Parlement estime que la « non-violence » est l'instrument le plus approprié pour l'exercice, l'affirmation, la promotion et le respect pleins et entiers des droits fondamentaux de l'homme, il est également d'avis que sa diffusion doit être promue et retenue comme un objectif prioritaire de l'Union. Pour donner plus de poids à cette démarche, le Parlement suggère l'organisation en 2009 d'une conférence européenne sur la non-violence et la proclamation de 2010 comme l'Année européenne de la non-violence. Il demande également que soit proclamée, sous les auspices des Nations unies, une "Décennie de la non-violence 2010-2020".
Activités de l’Union en matière de droits de l’homme en 2007 : le Parlement rappelle tout le prix qu’il attache au Rapport de l’Union sur les droits de l’homme comme instrument fondamental pour brosser un état des lieux des activités de l'Union dans ce domaine. Mais ce rapport devrait fournir plus d’informations et de meilleures qualités sur la situation de certains pays afin de proposer des orientations et d'adapter les priorités pays par pays. Le Parlement invite en outre le Conseil et la Commission à identifier les "pays suscitant des préoccupations particulières", dans lesquels il est particulièrement difficile de promouvoir les droits de l'homme, et de forger des critères permettant de mesurer les pays en fonction de leur bilan en termes de droits de l'homme, en offrant la possibilité d'arrêter des priorités différenciées pour les politiques.
Face à l’incapacité répétée de l'Union à affronter et à résoudre les crises, le Parlement invite le Conseil à transformer progressivement les aspects civils de la politique européenne de sécurité et de défense en un "service pour la paix civile" chargé de gérer les crises civiles de courte durée et d'assurer l'instauration de la paix à plus long terme.
CDHNU : le nouveau Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDHNU) est considéré comme susceptible d'offrir un cadre valable pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde. Toutefois le Parlement observe avec inquiétude le fait qu'au cours de sa dernière année d'activités, ce nouvel organe n'a pas démontré sa crédibilité. Il est toutefois convaincu que la mise en œuvre du mécanisme de l'examen périodique universel permettra d'obtenir les premiers résultats et améliorations concrets. Il invite donc le CDHNU à instaurer le principe de l'examen périodique universel, sur la foi d'informations objectives et fiables, de la manière dont chaque État membre s'acquitte de ses obligations en matière de droits de l'homme
Lutter contre la peine de mort: le Parlement se félicite de l'adoption, le 18 décembre 2007, par l'Assemblée générale des Nations unies de la résolution 62/149 appelant à un moratoire mondial sur l'utilisation de la peine de mort et salue le caractère interrégional de cette initiative. Il considère cette résolution comme un pas de géant dans ce domaine tout en souhaitant la disparition totale de la peine capitale dans le monde. Saluant la décision du 7 décembre 2007 du Conseil "Justice et Affaires intérieures" d’instaurer une Journée européenne contre la peine de mort (le 10 octobre de chaque année), le Parlement se félicite de l'abolition de la peine de mort en Albanie, au Kirghizstan, au Rwanda, dans l'État du New Jersey (USA) et en Ouzbékistan en 2007 et début 2008. Mais il critique une nouvelle fois la Chine qui reste le pays dans lequel la peine de mort est la plus régulièrement appliquée. Il en va de même au Belarus et en Iran. Il s’inquiète également de la possibilité que la peine de mort soit rétablie au Guatemala.
Torture et autres traitements inhumains : le Parlement demande la création en Europe d’une zone sans torture ni autres formes de mauvais traitements et souhaite que la lutte contre la torture et les mauvais traitements deviennent une priorité de la politique des droits de l'homme au niveau de l’Union. De même, des actions plus résolues sont attendues en vue de lutter contre l’enrôlement des enfants dans les conflits armés.
Défenseurs des droits de l’homme : le Parlement demande que des lignes directrices spécifiques soient consacrées à ces personnes, souvent en 1ère ligne en cas de conflits. Il attend en particulier la reconnaissance de ces lignes directrices comme un élément prioritaire dans la politique étrangère de l'Union en matière de droits de l'homme et que leur mise en œuvre soit effective dans les stratégies locales à l'égard de 120 pays. Le Parlement fait remarquer que l'absence de la part de l'Union de démarches à l'appui des défenseurs de droits de l'homme dans certains pays, comme la Chine, la Tunisie, l'Éthiopie, l'Iran ou la Russie, paraît refléter le manque de consensus entre les États membres, chacun d'eux hiérarchisant différemment les intérêts de politique étrangère et rendant donc impossible toute action collective.
Chine, Iran et Russie : si le Parlement revient sur chacun des pays tiers où les droits de l’homme sont bafoués, c’est principalement la Chine, l’Iran et la Russie qui sont épinglés par les parlementaires pour la persistance et l’acuité des violations des droits humains.
Le Parlement s’insurge en outre contre la situation déplorable des droits de l’homme dans le Maghreb, en Syrie ou en Ouzbékistan. Des efforts sont encore attendus en Turquie, pays candidat à l’adhésion. Il épingle également le manque de progrès au Soudan (Darfour), en Birmanie et au Pakistan.
Droits des femmes : le Parlement insiste pour que les droits des femmes soient explicitement traités dans tous les dialogues sur les droits de l'homme et, en particulier, la lutte et l'éradication de toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes, adultes et mineures, y compris, l'avortement en fonction du sexe de l'enfant, la violence domestique et le "gynécide". Il insiste pour qu'il soit interdit aux États d'invoquer quelque coutume, tradition ou considération religieuse que ce soit pour continuer à pratiquer toute pratique qui puisse mettre en danger la vie des femmes. Il invite l’UE et ses États membres à recourir à la clause sur les droits de l'homme afin de faire de la lutte contre toutes les formes de mutilation des organes génitaux féminins une question prioritaire dans leurs relations avec les pays tiers, notamment avec les États qui entretiennent des relations privilégiées avec l'Union dans le cadre de l'accord de Cotonou.
IEDDH : le Parlement revient sur l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) dont il salue l’efficacité. Mais le budget de cet instrument fondamental reste drastiquement en deçà des attentes. C’est la raison pour laquelle il demande une augmentation du budget de l'IEDDH dès 2009 afin de pouvoir gérer des projets dans des régions difficiles directement par les délégations de la Commission dans les pays tiers. La Plénière met également l’accent sur la situation au Kenya et s'inquiète des trucages évidents survenus lors des dernières élections présidentielles. Dans un amendement adopté en Plénière, il demande que les droits de l'homme soient garantis dans ce pays. Il exprime notamment son inquiétude face au versement de fonds de l'Union au Kenya au lendemain de ces élections et demande qu'à l'avenir les fonds ne soient pas versés aux gouvernements dans des délais aussi courts après des élections législatives.
Clauses relatives aux droits de l'homme et autres clauses spécifiques dans les accords avec les pays tiers : le Parlement déplore que la clause relative aux droits de l'homme et à la démocratie, qui est un élément essentiel dans tous les accords de partenariat et de coopération avec des pays tiers, ne soit pas encore mise en œuvre de façon concrète, faute d'un mécanisme qui permettrait de la faire respecter. Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement invite la Commission à garantir que les activités économiques menées par des sociétés privées de l'Union dans des pays tiers respectent les normes internationales en matière de droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles et respectent également les communautés locales et les peuples indigènes affectés. Il faut également veiller à ce que l'application des accords de réadmission respecte intégralement le principe de non-refoulement et garantir l'accès à une procédure d'asile équitable. Dans ce contexte, la Plénière demande un suivi effectif du traitement réservé aux personnes renvoyées en application d'accords de réadmission, en particulier en ce qui concerne de possibles "refoulements en chaîne".
Interventions du Parlement européen : sachant que les droits de l'homme jouent un rôle prééminent dans l'activité du Parlement lui-même, celui-ci rappelle l’impact du rapport élaboré l'an dernier par la commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour procéder à des vols à des fins de "restitutions extraordinaires". Il invite à cet égard la Commission à présenter au Parlement un rapport sur les réponses qu'il a reçues à la lettre du 23 juillet 2007 qu'il avait envoyé aux polonais et aux roumains pour demander des informations détaillées sur le résultat des enquêtes menées dans ces deux pays. Un autre exemple est fourni par la tenue régulière de débats "d'urgence" et par les résolutions sur les droits de l'homme votées en Plénière. Le Parlement invite le Conseil à assister à ces débats et à mieux en tenir compte. Le Parlement s'élève également, dans un amendement adopté en Plénière, contre la violence systématique et les actes répétés de harcèlement dont sont victimes les "Dames en blanc", lauréates du prix Sakharov en 2005, lorsqu'elles manifestent à Cuba. Le Parlement invite son Président à demander une nouvelle fois aux autorités cubaines de permettre à Oswaldo Payá, lauréat du prix Sakharov en 2002, de répondre à l'invitation qui lui a été adressée par les institutions européennes pour brosser personnellement, devant elles, un tableau de la situation politique actuelle à Cuba. Il demande également à son Président de faire part aux autorités cubaines de sa détermination d'accueillir, dans les prochaines semaines, les "Dames en blanc" sur l'un des lieux de travail du Parlement afin de leur remettre officiellement le prix Sakharov.