Marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité

2007/0280(COD)

Le Parlement européen a adopté par 597 voix pour, 69 voix contre et 33 abstentions, une résolution législative modifiant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité.

Le rapport avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Alexander Graf LAMBSDORFF (ADLE, DE), au nom de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs.

Les amendements – adoptés en 1ère lecture de la procédure de codécision – sont le résultat d’un compromis négocié entre le Parlement et le Conseil. Le compromis rappelle que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre, tant dans le domaine de la sécurité que dans celui de la défense. Ses principaux éléments sont les suivants :

Armement concerné : par « équipements militaires »  au sens de la directive, il faut entendre notamment les types de produits visés par la liste d'armes, de munitions et de matériel de guerre adoptée par la décision du Conseil du 15 avril 1958. Les États membres peuvent se limiter à utiliser cette seule liste pour la transposition de la directive. Néanmoins, la liste est générique et doit être interprétée au sens large à la lumière du caractère évolutif des technologies, des politiques d'acquisition et des besoins militaires conduisant au développement de nouveaux types d'équipements. Le terme « équipement militaire » couvre également les produits qui, bien qu'initialement conçus pour une utilisation civile, ont ensuite été adaptés à des fins militaires pour pouvoir être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre.

Article 296 du traité CE : le compromis rappelle que l'article 296, paragraphe 1, point a), du traité donne aux États membres la possibilité d'exempter des dispositions de la directive des marchés dans les domaines de la défense et de la sécurité si l'application de ces dispositions les obligeait à fournir des renseignements dont ils estimeraient la divulgation contraire aux intérêts essentiels de leur sécurité. Cela peut être notamment le cas lorsque les marchés sont à ce point sensibles que leur existence même doit être tenue secrète.

Champ d’application : sous réserve de l’article 296 du traité CE, la directive s'appliquera aux marchés passés dans les domaines de la défense et de la sécurité ayant pour objet:

a)      la fourniture d'équipements militaires et sensibles, y compris de leurs pièces détachées, composants, et/ou sous-assemblages;

b)      des travaux, fournitures et services directement liés aux équipements militaires et sensibles pour tout ou partie de leur cycle de vie;

c)      des travaux et services destinés à des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services sensibles.

Exclusions spécifiques : la directive établit une liste claire des contrats qui restent en dehors du champ d'application. Ceci limitera le recours abusif à l'article 296 du traité CE. Mais la proposition du Parlement, plus stricte, a été rejetée par le Conseil. Cette liste inclut notamment :  les marchés pour lesquels l'application de la directive obligerait un État membre à fournir des informations dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ; les marchés destinés aux activités de renseignement; les marchés passés dans un pays tiers réalisés lorsque des forces sont déployées hors du territoire de l'Union ; les marchés passés dans le cadre d'un programme de coopération mené conjointement par au moins deux États membres en vue du développement d'un nouveau produit et qui inclut des activités de recherche et développement.

Protection des informations classifiées : les pouvoirs adjudicateurs pourront imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger les informations classifiées qu'ils communiqueront tout au long de la procédure d'appel d'offres et d'adjudication. Ils pourront également demander à ces opérateurs économiques de veiller à ce que leurs sous-traitants respectent ces exigences.

Seuils : le compromis définit des seuils à partir desquels la directive s'applique aux marchés publics : 412.000 EUR, pour les marchés publics de fournitures et de services (la Commission proposait 137.000 EUR ou 211.000 EUR selon les cas) ; 5.150.000 EUR, pour les marchés publics de travaux (la Commission proposait 5.278.000 EUR).

Marchés passés par les centrales d'achat et marchés réservés : les États membres pourront prévoir la possibilité pour les pouvoirs adjudicateur d'acquérir des travaux, des fournitures et/ou des services en recourant à des centrales d'achat. Ils pourront également réserver la participation aux procédures de passation de marchés à des ateliers protégés ou en réserver l'exécution dans le contexte de programmes d'emplois protégés lorsque la majorité des travailleurs concernés sont des personnes handicapées.

Sous-traitance : le Parlement a obtenu une définition plus claire des règles de la sous-traitance. Le compromis prévoit que le soumissionnaire retenu sera libre de choisir ses sous-traitants pour tous les marchés de sous-traitance qui ne sont pas couverts par certaines exigences figurant dans la directive. Il ne pourra pas y avoir de discrimination à l'encontre de sous-traitants potentiels en raison de leur nationalité. L'offset, ou « compensation industrielle », n'est pas légalisé (sans être interdit). Le Parlement a également réussi à introduire dans le projet des éléments permettant de faciliter l'accès des PME aux marchés de la défense.

Sécurité de l'information : le pouvoir adjudicateur pourra exiger que l'offre comporte notamment les éléments suivants: i) l'engagement du soumissionnaire et des sous-traitants à préserver la confidentialité de toutes les informations classifiées en leur possession ou dont ils viendraient à prendre connaissance tout au long de l'exécution du marché et après résiliation ou expiration du contrat;  ii) des informations suffisantes permettant de déterminer que chacun des sous-traitants possède les capacités requises pour préserver la confidentialité des informations classifiées auxquelles il a accès ou qu'il est amené à produire dans le cadre de la réalisation de ses activités de sous-traitance.

Sécurité de l’approvisionnement : le pouvoir adjudicateur pourra exiger que l’offre du soumissionnaire comporte : i) la certification prouvant que le soumissionnaire sera à même de remplir les obligations en matière d'exportation, de transfert et de transit de marchandises liées au contrat ; ii) l'indication de toute restriction pesant sur le pouvoir adjudicateur concernant la divulgation, le transfert ou l'utilisation des produits et services ou de tout résultat de ces produits et services, qui résulterait des régimes de contrôle d'exportations ou de sécurité; iii) l'engagement du soumissionnaire à mettre en place et/ou à maintenir les capacités permettant de faire face à une éventuelle augmentation des besoins du pouvoir adjudicateur par suite d'une situation de crise; iv) l'engagement du soumissionnaire à mettre à la disposition du pouvoir adjudicateur tous les moyens nécessaires pour la production de pièces détachées, de composants, d'outillage et équipements d'essais spéciaux.

Listes officielles d'opérateurs économiques agréés et certification par des organismes de droit public ou privé : les États membres pourront instaurer soit des listes officielles d'entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires de services agréés soit une certification par des organismes de certification publics ou privés. Les opérateurs économiques inscrits sur des listes officielles ou ayant un certificat pourront présenter au pouvoir adjudicateur, à l'occasion de chaque marché, un certificat d'inscription délivré par l'autorité compétente.

Utilisation d'enchères électroniques : un nouvel article introduit la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs d'appliquer des enchères électroniques. Dans les procédures restreintes et les procédures négociées avec publication d'un avis de marché, les pouvoirs adjudicateurs pourront décider que l'attribution d'un marché sera précédée d'une enchère électronique lorsque les spécifications du marché peuvent être établies de manière précise  Les pouvoirs adjudicateurs qui décident de recourir à une enchère électronique en feront mention dans l'avis de marché.

Transparence : le Parlement a obtenu un renforcement des exigences de transparence dans la passation des marchés publics liés aux produits de la défense et de la sécurité. Des règles sont prévues concernant la publication, par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices, des informations appropriées avant ou à la fin de la procédure d'attribution. Des informations spécifiques complémentaires devront être fournies aux candidats et aux soumissionnaires sur les résultats de cette procédure. Toutefois, les pouvoirs adjudicateurs seront autorisés à ne pas divulguer certaines des informations ainsi requises si leur divulgation fait obstacle à l'application des lois, est contraire à l'intérêt public, porte atteinte aux intérêts commerciaux légitimes d'opérateurs économiques ou peut nuire à une concurrence loyale entre ceux-ci. Le compromis a également précisé les cas justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d'un avis de marché.

Procédures de recours : les députés ont introduit des procédures de recours, le but poursuivi étant de garantir une protection juridique efficace pour les soumissionnaires concernés, de promouvoir la transparence et la non-discrimination lors de la passation des marchés sans porter atteinte aux besoins des États membres en matière de protection de la confidentialité. Le système de recours juridique prévu s'inspire fondamentalement des directives classiques en la matière, et notamment de la directive 2007/66/CE, tout en tenant compte des intérêts spécifiques des États membres en relation avec les marchés dans les secteurs de la défense et de la sécurité.

Transposition, réexamen, rapports : la directive devra être transposée au plus tard 2 ans après son entrée en vigueur. La Commission fera rapport sur les mesures arrêtées par les États membres aux fins de la transposition de la directive au plus tard 12  mois après la date de transposition. La Commission réexaminera le fonctionnement de la directive et, pour la première fois, au plus tard 5 ans après la date de transposition, fera rapport au Parlement européen et au Conseil. Elle évaluera en particulier dans quelle mesure les objectifs de la  directive ont été atteints en ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur et le développement d'un marché européen des équipements de défense et d'une base industrielle et technologique de défense en Europe, y compris à l'égard de la situation des PME. Le cas échéant, elle suggèrera de nouveaux amendements législatifs.