Application et examen du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I)

2009/2140(INI)

Le présent livre vert accompagne un rapport de la Commission sur l'application du règlement (CE) n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Il a pour objet d'engager une large consultation des parties intéressées sur les possibilités d'améliorer le fonctionnement du règlement en ce qui concerne les points soulevés dans ce rapport, à savoir :

1°) Suppression de toutes les mesures intermédiaires nécessaires à la reconnaissance et à l'exécution des décisions rendues à l'étranger («exequatur») : l'actuelle procédure d'exequatur du règlement a simplifié la reconnaissance et l'exécution des décisions par rapport au système antérieurement prévu par la convention de Bruxelles de 1968. Il est néanmoins difficile de justifier, dans un marché intérieur sans frontières, que les citoyens et les entreprises aient à supporter des frais et une perte de temps pour exercer leurs droits à l'étranger.

Si les demandes de déclaration constatant la force exécutoire aboutissent presque toujours et que la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères ne sont que très rarement refusées, il devrait être réaliste de tendre vers l'objectif de supprimer la procédure d'exequatur dans toute matière civile et commerciale. Dans la pratique, cela s'appliquerait principalement aux créances contestées. La suppression de l'exequatur devrait, cependant, s'accompagner des garanties nécessaires.

Le Livre vert pose dès lors les questions suivantes :

  • Dans le marché intérieur, toutes les décisions en matière civile et commerciale devraient-elles circuler librement, sans procédure intermédiaire (suppression de l'exequatur)?
  • Dans l'affirmative, certaines garanties devraient-elles être maintenues pour permettre cette suppression de l'exequatur? Si oui, lesquelles?

2°) Le fonctionnement du règlement dans l'ordre juridique international : le bon fonctionnement du marché intérieur et la politique commerciale de la Communauté, tant au niveau interne qu'au niveau international, requièrent que l'égal accès à la justice sur la base de règles claires et précises en matière de compétence internationale soit assuré non seulement pour les défendeurs, mais aussi pour les demandeurs domiciliés dans la Communauté.

Les citoyens de la Communauté ont tous les mêmes besoins juridictionnels dans leurs relations avec les ressortissants de pays tiers. La réponse à ces besoins ne devrait pas varier d'un État membre à l'autre, d'autant que des règles de compétence subsidiaire n'existent pas dans tous les États membres. Une approche commune renforcerait la protection juridique des citoyens et des opérateurs économiques de la Communauté et garantirait l'application de la législation communautaire contraignante.

  • Pour étendre aux défendeurs domiciliés dans des pays tiers le champ d'application personnel des règles de compétence, il y a lieu d'examiner dans quelle mesure les règles de compétence spéciales du règlement, avec les critères de rattachement actuels, pourraient être appliquées aux défendeurs de pays tiers.
  • Il conviendrait en outre d'examiner dans quelle mesure il est nécessaire et opportun de créer des motifs de compétence supplémentaires pour les litiges impliquant un défendeur de pays tiers («compétence subsidiaire»).
  • Les règles existant au niveau national visent un objectif important qui est de garantir l'accès à la justice; il conviendrait de réfléchir aux règles uniformes qui pourraient convenir.
  • Enfin, il conviendrait de se demander dans quelle mesure une extension du champ d'application des règles de compétence devrait s'accompagner de règles communes sur l'effet des décisions rendues dans des pays tiers. Un régime commun de reconnaissance et d'exécution des décisions rendues dans les pays tiers leur permettrait de prévoir dans quelles circonstances une telle décision pourrait être exécutée dans un État membre de la Communauté, notamment lorsque cette décision enfreint la législation communautaire contraignante ou que la législation communautaire prévoit une compétence exclusive des juridictions des États membres.

3°) Élection de for : il conviendrait de donner le plus large effet possible aux accords d'élection de for conclus par les parties, notamment en raison de leur pertinence pratique dans le commerce international. Il y aurait donc lieu d'examiner dans quelle mesure et de quelle manière l'effet de ces accords pourrait être renforcé dans le cadre du règlement, en particulier en cas de procédures parallèles.

Le Livre vert envisage les avantages et inconvénients de plusieurs solutions aptes à renforcer l'efficacité des accords d'élection de for dans la Communauté, telles que :

  • libérer la juridiction désignée dans un accord exclusif d'élection de for de son obligation de surseoir à statuer conformément à la règle de litispendance ;
  • inverser la règle de priorité dans le cas des accords exclusifs d'élection de for ;
  • maintenir la règle de litispendance existante, mais en envisageant une communication et coopération directes entre les deux juridictions, associées, par exemple, à un délai pour que le tribunal premier saisi statue sur la question de la compétence et à l'obligation qui lui incomberait d'informer régulièrement la juridiction saisie en second lieu du déroulement de la procédure ;
  • exclure l'application de la règle de litispendance dans les cas où les procédures parallèles consistent, d'une part, en une procédure au fond et, d'autre part, en une procédure tendant à obtenir une décision déclaratoire (négative) ou du moins à assurer une suspension des délais de prescription pour la demande au fond en cas d'échec de la demande de décision déclaratoire ;
  • remédier à l'insécurité entourant la validité de l'accord d'élection de for, par exemple, en prescrivant une clause d'élection de for type, qui pourrait en même temps permettre d'accélérer la décision sur la question de la compétence.

4°) Propriété industrielle : la possibilité de faire respecter ou de contester effectivement des droits de propriété industrielle dans la Communauté est d'une importance capitale pour le bon fonctionnement du marché intérieur.

La Commission a proposé la création d'une structure juridictionnelle intégrée, par la mise en place d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets européens, qui serait habilitée à statuer sur la validité et la contrefaçon des brevets européens et des futurs brevets communautaires sur l'ensemble du territoire du marché intérieur. En outre, elle a adopté en mars 2009 une recommandation au Conseil concernant les directives de négociation aux fins de la conclusion d'un accord international entre la Communauté, ses États membres et les autres États contractants de la convention sur le brevet européen.

En attendant la création du système unifié de règlement des litiges en matière de brevets, il est possible d'épingler certaines lacunes du système actuel et d'y remédier dans le cadre du règlement (CE) n° 44/2001.

  • En ce qui concerne la coordination des procédures parallèles en contrefaçon, il pourrait être envisagé de renforcer la communication et l'interaction entre les juridictions saisies parallèlement et/ou d'exclure l'application de cette règle en cas de décision déclaratoire négative.
  • Pour ce qui est de la coordination des procédures en contrefaçon et en nullité, plusieurs solutions destinées à contrer les pratiques de «torpillage» ont été proposées dans l'étude générale. Cependant, la création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets pourrait remédier aux problèmes, sans qu'il soit nécessaire de modifier le règlement.
  • S'il est jugé opportun de joindre les procédures engagées contre plusieurs contrefacteurs de brevet européen lorsque ceux ci appartiennent à un groupe d'entreprises agissant d'une manière coordonnée, une solution pourrait consister à établir une règle spécifique permettant de porter les procédures en contrefaçon concernant certains droits de propriété industrielle qui sont engagées contre plusieurs défendeurs devant les juridictions de l'État membre où est domicilié le défendeur coordonnant les activités ou ayant le rapport le plus étroit avec la contrefaçon.

Le Livre vert pose dès lors la question de savoir quelles sont les insuffisances du système actuel de règlement des litiges en matière de brevets auxquelles il conviendrait de remédier en premier lieu dans le cadre du règlement n° 44/2001 et quelles sont parmi les solutions précitées celles qui permettraient de mieux faire respecter les droits de propriété industrielle.

5°) Litispendance et connexité : en ce qui concerne le fonctionnement général de la règle de litispendance, il conviendrait d'examiner si le renforcement de la communication et de l'interaction entre les juridictions saisies de procédures parallèles et/ou l'exclusion de l'application de cette règle en cas de décision déclarative négative pourraient remédier aux problèmes actuels.

Le Livre vert demande : i) comment la coordination de procédures parallèles (litispendance) devant des juridictions d'États membres différents pourrait-elle être améliorée? ii) Si une jonction des actions formées par plusieurs parties et/ou contre plusieurs parties devrait être prévue au niveau communautaire sur la base de règles uniformes?

6°) Mesures provisoires : le rapport met en évidence plusieurs difficultés liées à la libre circulation des mesures provisoires.

  • En ce qui concerne les mesures adoptées sans que le défendeur soit entendu, il pourrait être opportun de préciser que ces mesures peuvent être reconnues et exécutées en vertu du règlement si le défendeur a la possibilité de les contester ultérieurement, notamment à la lumière de la directive 2004/48/CE.
  • La question de l'attribution de la compétence pour les mesures provisoires ordonnées par un tribunal qui n'est pas compétent pour connaître du fond pourrait être abordée autrement qu'elle ne l'est aujourd'hui selon la jurisprudence existante de la Cour.
  • En outre, si l'État membre dont les juridictions sont compétentes pour connaître du fond était habilité à abroger, modifier ou adapter une mesure provisoire octroyée par les juridictions d'un État membre ayant compétence en vertu de l'article 31, la condition de l'existence d'un «lien de rattachement réel» pourrait être supprimée
  • Pour ce qui est de l'exigence de la garantie de remboursement d'un paiement intermédiaire, il pourrait être souhaitable de préciser que cette garantie ne doit pas nécessairement consister en une provision ou une garantie bancaire.
  • Enfin, si l'exequatur est supprimé, l'article 47 du règlement doit être adapté.

Le livre vert demande comment la libre circulation des mesures provisoires pourrait être améliorée.

7°) L'interface entre le règlement et l'arbitrage : l'arbitrage est d'une importance capitale pour le commerce international. Il conviendrait donc de conférer le plus large effet possible aux conventions d'arbitrage et d'encourager la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales.

La convention de New York de 1958 est généralement considérée comme fonctionnant de façon satisfaisante et est appréciée des praticiens. Il semble donc opportun de ne rien changer au fonctionnement de cette convention ou, du moins, de s'en servir de base pour d'autres mesures. Cela ne devrait toutefois pas empêcher l'aménagement de certains points du règlement relatifs à l'arbitrage, non pas pour réglementer l'arbitrage, mais avant tout pour assurer une circulation sans heurts des décisions en Europe et pour prévenir les procédures parallèles.

Dans ce contexte, le Livre vert demande quelle action paraît indiquée au niveau communautaire:

  • renforcer l'efficacité des conventions d'arbitrage;
  • assurer une bonne coordination des procédures judiciaires et arbitrales;
  • accroître l'efficacité des sentences arbitrales?

Le Livre vert aborde en suite d’autres questions telles que :

Le champ d'application (les obligations alimentaires devraient être ajoutées à la liste des exclusions, suite à l'adoption du règlement (CE) n° 4/2009 relatif aux obligations alimentaires) ;

La compétence : eu égard à l'importance du domicile en tant que principal critère de rattachement pour établir la compétence, il y a lieu d'examiner la possibilité de définir une notion autonome. En outre, il faudrait apprécier l'opportunité de créer une compétence non exclusive fondée sur la situation des actifs mobiliers en ce qui concerne la possession ou les droits réels relatifs à ces actifs.

En matière maritime, il conviendrait d'examiner l'opportunité d'une jonction des actions visant à obtenir la constitution d'un fonds de responsabilité et des actions individuelles en responsabilité, sur la base du règlement.

S'agissant du crédit aux consommateurs, il conviendrait d'examiner la possibilité d'aligner le libellé de l'article 15, paragraphe 1, points a) et b), du règlement sur la définition du crédit aux consommateurs contenue dans la directive 2008/48. En ce qui concerne les travaux en cours à la Commission en matière de recours collectifs, il y aurait lieu de s'interroger sur la nécessité de règles de compétence spécifiques pour ce type de recours.

La reconnaissance et exécution des décisions : il conviendrait de réfléchir à l'opportunité d'aborder la question de la libre circulation des actes authentiques. En outre, la libre circulation des décisions imposant des paiements à titre de pénalités pourrait être améliorée en faisant en sorte que le montant de la pénalité soit fixé soit par la juridiction d'origine soit par une autorité de l'État membre d'exécution. Il convient également d'examiner dans quelle mesure le règlement devrait permettre non seulement le recouvrement de pénalités par le créancier, mais aussi celles qui sont perçues par le tribunal ou les autorités fiscales.

Enfin, l'accès à la justice au stade de l'exécution pourrait être amélioré en établissant un formulaire uniforme disponible dans toutes les langues de la Communauté et contenant un extrait de la décision.

La Commission invite toutes les personnes intéressées à lui faire parvenir leurs observations sur les points abordés ci après, ainsi que toute autre contribution utile, avant le 30 juin 2009.