Procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Refonte

2009/0165(COD)

OBJECTIF : refondre la directive 2005/85/CE du Conseil relative aux procédures d'asile afin de renforcer l’uniformité de l’application des procédures d’asile dans les États membres.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil

CONTEXTE : les travaux en vue de la création d’un régime d'asile européen commun (RAEC) ont débuté en mai 1999, sur la base du Conseil européen de Tampere. La 1ère phase du RAEC (1999-2005), entendait harmoniser les cadres juridiques des États membres au moyen de normes minimales en matière de procédures d’asile. La directive 2005/85/CE relative aux procédures d'asile était le dernier des 5 instruments législatifs de l’UE en matière d’asile adoptés dans le cadre de cette 1ère phase. Elle visait pour l’essentiel à définir des normes minimales concernant les procédures d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

La présente proposition s’insère dans le cadre du Plan d’action en matière d’asile qui prévoit la seconde phase du RAEC. Globalement, la proposition vise à apporter des solutions aux insuffisances constatées en ce qui concerne les procédures d'octroi et de retrait de la protection internationale en vue de garantir des normes de protection plus strictes et plus harmonisées, et progresser en vue d’une procédure d’asile commune et d’un statut uniforme.

Les modifications proposées s’inspirent des réponses issues de la consultation sur le Livre vert sur le futur régime d'asile européen commun qui ont mis en lumière la prolifération de modalités procédurales disparates au niveau national et d’insuffisances dans l’application des garanties de procédure pour les demandeurs d’asile, susceptibles d'être à l'origine de lacunes en matière de protection et d'entraîner un risque de refoulement.

Sachant que ce manque d'uniformité est source d’incertitude pour les demandeurs d’asile et bloque l’avènement d’un réel régime d'asile commun, la Commission a proposé de reformer l’ensemble du texte de 2005.

ANAYSE D’IMPACT : l'analyse d'impact s’est essentiellement concentrée sur les points qui se sont avérés les plus controversés ainsi que sur ceux qui nécessitent des investissements financiers supplémentaires. Au terme de l’exercice d’analyse, de très nombreuses options sont apparues pour renforcer et uniformiser les procédures d’asile dans l’UE.

L'option privilégiée prévoit finalement l'établissement de garanties, de notions et de principes procéduraux harmonisés essentiels dans le droit communautaire. En harmonisant les modalités de procédure, l'option privilégiée est susceptible de garantir l'accès à une protection dans des conditions équivalentes dans toute l'Union ainsi qu'une meilleure répartition de la «charge» supportée par les États membres. Elle constitue aussi une étape importante en vue d'atteindre l'objectif d’une procédure unique garantissant le respect du droit d'asile, le principe de non-refoulement et, plus généralement, le respect des droits fondamentaux.

CONTENU : les mesures envisagées devraient améliorer la cohérence entre les instruments de l’UE en matière d’asile, simplifier, rationaliser et consolider les modalités procédurales au sein de l'Union, et permettre des déterminations mieux étayées en première instance, et donc empêcher les abus et améliorer l’efficacité de la procédure d’asile.

Principal objectif de la refonte de la directive : la proposition a pour objectif d’assurer des normes plus élevées et plus cohérentes en ce qui concerne les procédures d'octroi et de retrait de la protection internationale. Elle vise également à améliorer l’efficacité et la qualité du processus décisionnel en consentant dès le début («frontloading») un effort soutenu en matière de services, de conseil et d'expertise, et en encourageant les États membres à fournir, dans un délai raisonnable, des déterminations dûment étayées en première instance.

L’amélioration de l’efficacité et de la qualité de la procédure d’asile devrait :

a)      permettre aux États membres de faire plus rapidement la distinction entre les demandeurs d’asile et les autres migrants en cas d'arrivées mixtes, et donc optimiser les ressources professionnelles et administratives pour la mise en œuvre des procédures applicables (retour, asile, statut humanitaire, extradition, etc.);

b)      permettre aux autorités compétentes de prendre des décisions solides, fondées sur les circonstances factuelles complètes et adéquates ;

c)      permettre au personnel des services d’asile de mieux identifier les cas de demande infondée et abusive ;

d)      réduire les frais d’accueil des États membres et soutenir leurs efforts pour faire quitter le territoire aux demandeurs d’asile déboutés, en augmentant le nombre de décisions définitives en première instance.

Les véritables réfugiés et personnes ayant besoin de la protection subsidiaire bénéficieraient ainsi d'un accès plus rapide aux droits prévus par la directive «qualification».

Enfin, la proposition vise également à simplifier et à consolider les notions et les mécanismes procéduraux et à améliorer la cohérence entre les instruments en matière d’asile. Ceci devrait, entre autres, limiter le phénomène des mouvements secondaires de demandeurs d’asile entre les États membres, dans la mesure où ces mouvements sont générés par la divergence des modalités procédurales.

Principales dispositions modifiées : celles-ci peuvent se résumer comme suit :

a) dispositions visant à renforcer la cohérence des instruments de l’asile : la proposition prévoit une procédure unique et établit clairement que les demandes devront être considérées à la lumière des 2 formes de protection internationale (statut de réfugié et protection subsidiaire) prévues par la directive «qualification». Elle précise en outre les règles applicables dans le cadre de la procédure unique, telles que l’examen obligatoire des besoins de protection des réfugiés et étend les règles relatives au retrait du statut de réfugié aux cas de retrait de la protection subsidiaire.

b) renforcement du champ d’application : la proposition établit clairement que les garanties proposées s’appliqueront aux demandeurs soumis aux procédures prévues par le règlement de Dublin, dans le deuxième État membre. Elle souligne que la notion de retrait implicite des demandes ne constituera pour les demandeurs un obstacle à un nouvel accès aux procédures d'asile dans l'État membre responsable.

c) accès aux procédures : la proposition prévoit un certain nombre de garanties visant à améliorer l’accès aux procédures d’asile :

  • elle inclut les eaux territoriales dans le champ d’application de la directive et précise les obligations des garde-frontières, de la police et du personnel des centres de rétention ;
  • elle prévoit le délai dans lequel les formalités d’introduction des demandes devront être accomplies,
  • elle établit des garanties visant à permettre de facto aux demandeurs d’asile de formuler leur demande de protection aux points de passage frontaliers ou dans les centres de rétention, préalablement à l’éloignement.

d) garanties procédurales liées aux procédures en première instance : pour renforcer l’application cohérente des garanties et principes procéduraux, la proposition solidifie les mesures d’évaluation des demandes d’asile par les autorités compétentes. Ces modifications peuvent se résumer comme suit:

  • réduction des exceptions aux garanties et principes procéduraux établis par la directive de base : la proposition supprime en particulier la possibilité de ne pas prévoir d’entretien personnel en cas de procédure accélérée;
  • octroi de garanties supplémentaires telles que le droit à une assistance judiciaire gratuite en première instance;
  • introduction de garanties particulières en faveur des demandeurs d’asile vulnérables (ex. : dispositions en matière de rapports médico-légaux, exemption de certaines catégories de demandeurs des procédures accélérées ou de procédures aux frontières, modalités de procédure visant à établir les éléments de la demande dans les cas de persécution du fait de l’appartenance sexuelle et/ou de l'âge).

e) lutter contre les abus en matière de demandes d’asile : les mesures envisagées contribuent également à empêcher les abus de procédure en améliorant la connaissance qu’ont les demandeurs des exigences en vigueur, avec pour conséquence, un respect accru des obligations procédurales. Elles ont également pour objectif de soutenir les efforts déployés par les autorités compétentes en matière d’asile en faveur de la prise de décisions solides et défendables, en se fondant sur les circonstances factuelles, complètes et dûment établies, de la demande. C’est dans ce contexte que les modifications suivantes sont proposées lesquelles visent toutes à renforcer les mécanismes procéduraux :

  • renforcement des motifs d’irrecevabilité : selon la directive modifiée, le demandeur pourra faire valoir son point de vue concernant l’application des motifs d'irrecevabilité connus des autorités avant qu'une telle décision ne soit prise à l’encontre de sa demande ;
  • notion de pays tiers sûr : la notion de pays tiers européen sûr est supprimée et les motifs de protection subsidiaire dans la liste des exigences matérielles relatives à l’application de la notion de pays tiers sûr est renforcée ;
  • demandes manifestement infondées : la proposition prévoit une liste limitée et exhaustive de motifs permettant un examen accéléré des demandes manifestement infondées. Des modifications spécifient notamment l’obligation pour les demandeurs d’asile de coopérer avec les autorités compétentes afin d’établir leur identité et tout autre élément de la demande. Ces mesures sont encore renforcées par la mise en avant du principe d’une seule et unique autorité responsable de la détermination. Cette modification semble indispensable pour garantir la disponibilité d’une expertise institutionnelle et permettre des déterminations dûment étayées, fondées sur des circonstances factuelles établies de manière complète et exacte ;
  • traitement des demandes en première instance : la proposition introduit un délai pour les procédures en première instance. Le délai général de 6 mois envisagé respecte les amendements législatifs et/ou les pratiques de la majorité des États membres consultés lors de la préparation du projet de modification. Il joue un rôle clef pour améliorer l’efficacité de l’examen des demandes, réduire les frais d’accueil et faciliter l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés, et permet également un accès plus rapide à la protection pour les véritables réfugiés et personnes ayant besoin d’une protection subsidiaire. Les modifications offrent également la possibilité de prolonger ce délai de 6 mois dans certains cas précis ;
  • notion de demande ultérieure : les dispositions dans ce domaine sont revues pour permettre aux États membres de soumettre une demande ultérieure à un test de recevabilité et de déroger au droit du demandeur de rester sur le territoire en cas de demandes ultérieures multiples (et donc d’empêcher les abus de procédure d'asile) ;
  • concept de pays d'origine sûr : la proposition supprime la notion de liste commune minimale de pays d'origine sûrs et consolide les normes objectives communes relatives à la désignation au niveau national de pays tiers comme pays d’origine sûrs

L’ensemble de ces notions et mécanismes sont revus pour prévenir les abus et permettre aux États membres de réagir et traiter rapidement les demandes clairement infondées ou moins complexes. Afin de réduire les causes premières de la répétition des demandes, la proposition établit en outre que le demandeur et l'autorité responsable de la détermination devraient tout mettre en œuvre pour établir et évaluer tous les éléments de la demande initiale conformément à l'exigence de coopération établie à l'article 4, paragraphe 1, de la directive «qualification».

f) accès au recours effectif : la proposition facilite enfin l’accès au recours effectif pour les demandeurs d’asile conformément aux obligations communautaires et internationales en la matière. La proposition prévoit notamment le principe d’un réexamen complet des décisions de première instance par une juridiction, sur la base d’éléments de fait et de droit. De plus, la proposition vise à rendre la procédure de recours conforme au principe de «l’égalité des armes» et prévoit, sous réserve d’un nombre limité d’exceptions, un effet suspensif automatique des recours contre les décisions de première instance relatives à des demandes de protection internationale.