La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport d’initiative d’Othmar KARAS (PPE, AT) sur Bâle II et la révision des directives sur les exigences de fonds propres (CRD 4).
Le rapport se félicite des engagements pris par le G20 d'accroître la qualité et le volume des fonds propres, ainsi que des efforts déployés par le comité de Bâle et la Commission. Il souligne toutefois que les nouvelles dispositions en matière de fonds propres doivent être élaborées et appliquées avec soin, leur incidence devant être analysée dans le cadre plus large de la révision réglementaire.
Dans ce contexte, les députés sont préoccupés par les déficits et les déséquilibres structurels qui marquent la proposition actuelle, ainsi que par le risque que la relance et la croissance économiques soient affectées.
Le rapport rappelle les particularités notables du secteur bancaire européen, telles que la diversité des modèles économiques opérant sous différents régimes juridiques et le fait que le secteur des entreprises européen est principalement financé au moyen de prêts bancaires. Les députés invitent le comité de Bâle et la Commission à tenir compte de ces particularités et des différents types de risques auxquels le secteur bancaire est confronté. Ils soulignent la nécessité d'établir une distinction claire entre les services d'investissement et les services de banque de détail traditionnels, ainsi que les services de transaction, dans les règles de Bâle II révisées.
Les députés jugent nécessaire d'étendre la panoplie d'intervention minimale de gestion de crise dont disposent les autorités de surveillance en prévoyant un certain nombre de compétences parmi lesquelles : i) exiger des ajustements des fonds propres et des liquidités; ii) recommander ou imposer des changements parmi les dirigeants ; iii) créer une banque relais ou une structure séparant actifs sains et toxiques ; iv) imposer des exigences en matière de rétention des bénéfices et des dividendes afin de consolider les exigences de fonds propres et de garantir que les actionnaires paient avant les contribuables; v) fixer des critères d'évaluation des actifs compromis.
La Commission est invitée à créer des incitations financières encourageant le secteur bancaire à gérer les risques et les profits dans une perspective à long terme et à inciter les banques à conserver activement et durablement les prêts dans leurs portefeuilles sans recours excessif à la titrisation ou aux structures hors bilan.
La Commission est également priée d’intensifier son dialogue transatlantique avec les États-Unis en matière de réglementation financière.
Les parlementaires demandent à la Commission de participer plus activement à la réforme des règles de Bâle II, de promouvoir et de sauvegarder les intérêts européens, et de coordonner les approches des États membres. Ils estiment nécessaire que le Parlement européen participe aux négociations, et pressent la Commission et le comité de Bâle de prendre les mesures qui s'imposent afin de l'y associer sur une base permanente.
Les principaux points abordés dans le rapport sont les suivants :
Qualité des fonds propres : le rapport soutient l'initiative visant à accroître la qualité et le volume des fonds propres en réponse à la crise. Toutefois, pour garantir des conditions de concurrence équitables et ne désavantager aucun modèle économique de sociétés, les députés invitent le comité de Bâle et la Commission, lorsqu'ils définissent les instruments de fonds propres éligibles, à tenir compte des besoins et des spécificités des sociétés autres que les sociétés par actions (coopératives, mutuelles et banques d'épargne), qui représentent une grande partie du secteur bancaire européen.
Les députés demandent également que les risques et les fonds propres soient pris en compte de manière équilibrée (intérêts minoritaires) dans les calculs des fonds propres consolidés et que les capitaux reçus de minorités contribuant directement au capital des établissements de crédit du même groupe bancaire soient dûment reconnus, et que les holdings de coopératives régionales et de banques d'épargne dans l'établissement-mère ne soient pas soumis à restrictions (pas de déduction des fonds propres).
Normes en matière de liquidités : les députés estiment que l'élaboration de normes de grande qualité en matière de liquidités constitue un élément clé pour lutter contre la crise. Ces normes devraient être suffisamment différentiées pour tenir compte des particularités des modèles économiques des banques et de leurs profils de risque.
Les députés prient le comité de Bâle et la Commission de revoir l'étalonnage des ratios de financement et de liquidités. Ils sont d'avis qu'un « ratio de solvabilité » doit davantage tenir compte du risque de concentration d'actifs éligibles dans toutes les liquidités tampons et doit encourager la diversification et décourager la concentration excessive dans une catégorie d'actifs spécifique, y compris la dette publique.
La Commission est invitée à :
Soulignant qu'il est possible que des actifs liquides de grande qualité deviennent rapidement illiquides en période de forte tension, les députés demandent aux établissements de crédit de procéder à des tests de résistance allant au delà du ratio de solvabilité et du ratio net de stabilité des financements.
Mesures anticycliques : les députés se félicitent des efforts déployés pour limiter la croissance excessive du crédit et les risques d'apparition de bulles de crédit. Ils craignent toutefois qu'un mécanisme de mise en réserve de fonds propres, pour un montant fixe, qui s'appliquerait aux banques, comme cela est proposé actuellement, puisse avoir un effet procyclique. Ils estiment que les mécanismes de mise en réserve de fonds propres et les mécanismes anticycliques devraient être capables d'absorber les pertes en période de crise. Pour garantir l'efficacité de ces mécanismes, ils devraient être conçus et développés en parallèle.
Le rapport reconnaît les avantages que présente un provisionnement tourné vers l'avenir (approche fondée sur les pertes escomptées) en tant que mesure complémentaire susceptible de réduire la procyclicité et, s'agissant du cycle économique, encourage la reconnaissance des créances irrécouvrables escomptées. Il demande une convergence internationale entre les rapports comptables et les rapports réglementaires, notamment dans l'optique d'une approche fondée sur les pertes escomptées dans les profits communiqués. Il insiste à cet égard sur la nécessité de réduire au minimum les doublons en matière de rapports
Les députés soulignent que la règlementation anticyclique exige des critères harmonisés pour assurer une surveillance globale des marchés financiers et de l'environnement des marchés par les autorités de surveillance, y compris, entre autres, l'échange de toutes les informations, la synchronisation des mesures de réglementation ainsi que le suivi en temps réel des expositions et des risques.
Ratio d'effet de levier : le rapport insiste sur le fait que, pour être efficace, un ratio d'effet de levier forfaitaire unique devrait permettre de tenir compte des différences entre les modèles économiques et les profils de risque des établissements de crédit. Un tel ratio devrait en outre inclure tous les éléments et les produits dérivés hors bilan, être clairement défini, simple et comparable à l'échelle internationale.
Les députés sont préoccupés par la possibilité qu'à lui seul, un ratio brut d'effet de levier ne puisse tenir suffisamment compte des risques et qu'il pénalise les entités proposant des services bancaires traditionnels à faible risque (comme le détail, le financement des entreprises et le financement immobilier, ainsi que les services bancaires de transaction) ou les économies dans lesquelles le secteur des entreprises est essentiellement financé par l'emprunt. Ils s’inquiètent en outre du fait qu'à lui seul, un ratio « brut » (indifférencié) d'effet de levier risque d'avoir pour conséquence préjudiciable de placer les actifs financiers dans des positions plus exposées aux risques.
La commission parlementaire se déclare favorable à ce que le ratio d'effet de levier soit intégré au pilier 1 du cadre du comité de Bâle et demande que soit poursuivi l'examen des formes alternatives de ratio d'effet de levier dans le pilier 2.
La Commission est invitée à veiller à ce qu'un ratio d'effet de levier n'aboutisse pas à une titrisation inadéquate analogue à celle mise au jour par la crise financière, qu'il ne remplace pas les crédits ou n'entraîne pas leur réduction, s'agissant en particulier des prêts à l'économie réelle.
Risque de crédit de la contrepartie (CCR) : le rapport demande des normes renforcées en matière de simulation de crise, de contrôle ex post et de gestion du risque de corrélation ainsi qu'une évaluation des risques sociaux et environnementaux à long terme liés aux entreprises et aux projets bénéficiant de prêts bancaires.
Le comité de Bâle et la Commission sont invités à explorer d'autres voies pour une meilleure approche en matière de risques liés à l'ajustement de l'évaluation de crédit découlant de la détérioration de la qualité du crédit des contreparties des banques.
Les contrats d'échange sur défaut ne devraient pas être utilisés pour contourner les exigences de fonds propres.
Les députés demandent que le traitement du risque de crédit de contrepartie soit proportionné au risque et que les exigences de fonds propres soient plus élevées pour les transactions ne faisant pas l'objet d'une compensation centrale que pour les transactions effectuées via une contrepartie centrale, dès lors que cette dernière satisfait à des exigences élevées qui devront être définies par la législation européenne eu égard aux normes adoptées au niveau international.
Enfin, ils estiment que les exigences de fonds propres pour le CCR devraient être plus strictes pour les engagements des établissements financiers vis-à-vis d'autres établissements financiers et qu'elles devraient tenir compte de la nature dynamique de ce risque dans le temps.