Lutte contre et prévention de la traite des êtres humains et protection des victimes

2010/0065(COD)

OBJECTIF : prévenir la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes et refondre la décision-cadre 2002/629/JAI portant sur le même sujet.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : la traite des êtres humains est considérée comme l'une des infractions pénales les plus graves au niveau mondial. Elle constitue une violation flagrante des droits de l'homme, une forme moderne d'esclavage et une activité extrêmement rentable pour les organisations criminelles. Il ressort des données chiffrées disponibles que plusieurs centaines de milliers de personnes seraient chaque année victimes de la traite des êtres humains, de pays tiers vers l'UE ou sur le territoire même de l'UE.

Le Conseil de l’Europe a adopté une convention en 2005 sur la lutte contre la traite des êtres humains qui constitue à l’heure actuelle un cadre global et cohérent, couvrant la prévention, la coopération entre les différents acteurs, la protection et l'assistance apportées aux victimes, ainsi que l'obligation d'ériger la traite des êtres humains en infraction pénale. La mise en œuvre de ces mesures permettrait de réaliser des avancées significatives (actuellement, 16 États membres ont ratifié cette convention et 10 autres doivent encore le faire).

Pour lutter contre ce type de criminalité, l’Union européenne s’est dotée d’un dispositif en 2002 : la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil relative à la lutte contre la traite des êtres humains qui vise à répondre à la nécessité d’harmoniser la législation et les sanctions pénales des États membres en la matière. Toutefois, bien que les États membres aient généralement respecté les obligations essentielles définies par ce texte, la mise en œuvre d’une politique de lutte contre la traite des êtres humains efficace et globale exige des efforts supplémentaires. Il convient dès lors de refondre le texte de 2002.

Á noter que la présente proposition s’inspire très largement de la proposition de la Commission du 25/03/2009 visant à refondre la décision-cadre de 2002, devenue caduque en raison de l’entrée en vigueur du TFUE.

ANALYSE D’IMPACT : dans le cadre de la proposition de décision-cadre de 2009 ci-avant évoquée, plusieurs options politiques avaient été examinées en vue d'atteindre l'objectif poursuivi :

  • Option 1: aucune action nouvelle de l’UE ;
  • Option 2: mesures autres que législatives : la décision cadre 2002/629/JAI ne serait pas modifiée mais des mesures telles que l'aide aux victimes, le contrôle, des mesures de prévention dans les pays de destination, des mesures de prévention dans les pays d'origine, la formation, et la coopération entre services répressifs seraient proposées sous la forme d’un soutien à la législation existante ;
  • Option 3: proposer une nouvelle législation en matière de poursuites, d’aide aux victimes, de prévention et de contrôle intégrant certaines dispositions de la convention du Conseil de l'Europe de 2005 : la nouvelle directive contiendrait des dispositions en matière de droit pénal matériel, de compétence et poursuites, de droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale, d'assistance aux victimes, de mesures de protection particulières pour les enfants, de prévention, et de contrôle;
  • Option 4: proposer une nouvelle législation (comme dans l'option 3) reprenant la décision-cadre existante et intégrant de nouvelles dispositions, accompagnée de mesures non législatives (notamment, celles prévues dans l'option 2).

Au regard de l’analyse de l’impact socio-économique et de l’impact sur les droits fondamentaux, l’option privilégiée a été l’option 4.

BASE JURIDIQUE : article 82, par. 2, et article 83, par. 1 du TFUE. La lutte contre la traite des êtres humains exige une coordination des efforts déployés par les États membres ainsi qu'une coopération au niveau international pour atteindre ces objectifs. Or, les différences entre les législations des États membres entravent la coordination des efforts ainsi que la coopération policière et judiciaire internationale. Les objectifs de la proposition peuvent donc être mieux réalisés au niveau de l'Union car celle-ci rapprochera le droit pénal matériel et les règles de procédure des États membres, ce qui aura un impact positif sur la coopération policière et judiciaire internationale ainsi que sur la protection et l'assistance apportées aux victimes.

CONTENU : la proposition abrogera et intégrera la décision-cadre 2002/629/JAI, en incluant les nouveaux éléments suivants:

  • des dispositions de droit pénal matériel incluant une définition claire des infractions liées à la traite des êtres humains (seraient ainsi passibles de sanctions pénales le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, y compris l'échange ou le transfert de l'autorité sur ces personnes, par le recours ou la menace de recours à la force ou d’autres formes de contrainte, l’enlèvement, la fraude, la tromperie ou l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou l’offre de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne à des fins d’exploitation), des circonstances aggravantes et des sanctions selon la gravité des infractions commises. Les États membres devront ainsi prendre les mesures pour que les infractions soient passibles de peines maximales ne pouvant être inférieures à 5 ans et, pour les cas les plus graves, de peines maximales ne pouvant être inférieure à 10 ans. Le dispositif prévoit expressément la non-application de sanctions à l'encontre des victimes ;
  • des dispositions en matière de compétences et de poursuites : la proposition prévoit une clause d'extraterritorialité plus large et plus contraignante (donc la poursuite, selon certaines dispositions spécifiques, en dehors du territoire d'un État membre) ainsi que la coordination des poursuites et des outils d’investigation (ex. : le recours à des outils d’investigation tels que ceux qui sont utilisés dans les affaires de criminalité organisée ou d'autres formes graves de criminalité) ;
  • assistance et aide aux victimes: la nouvelle directive intègrerait des dispositions particulières telles que la mise en place de mécanismes d'identification précoce des victimes et d'assistance à celles-ci, les normes applicables en matière d'assistance, y compris l'accès aux soins médicaux nécessaires, les services de conseil et l'assistance psychologique, ou encore des mesures particulières pour les enfants ;
  • protection des victimes dans le cadre des procédures pénales : des dispositions seraient prévues pour offrir : i) un traitement particulier destiné à prévenir la victimisation secondaire (éviter que la victime ne rencontre son agresseur, notamment); ii) une protection sur la base d'une analyse des risques; iii) des conseils juridiques et une représentation juridique, y compris aux fins d'une demande d'indemnisation ;
  • des mesures de prévention : des dispositions nouvelles seraient adoptées pour décourager la demande de services sexuels et la main-d'œuvre bon marché. Les États membres seraient également conviés à adopter des mesures de formation de leurs fonctionnaires susceptibles d'entrer en contact avec des victimes. La directive intègrerait également l’engagement de la responsabilité pénale pour les utilisateurs recourant, en connaissance de cause, aux services fournis par une personne faisant l'objet de la traite des êtres humains ;
  • des dispositions en matière de contrôle : il est prévu que chaque État membre mette en place des rapporteurs nationaux ou des mécanismes équivalents pour contrôler la mise en œuvre des mesures prévues à la directive ;
  • dispositions allant au-delà de la Convention du Conseil de l’Europe : la proposition comprend des éléments absents de la convention du Conseil de l’Europe, notamment : i) un niveau précis de sanctions adapté à la gravité des infractions; ii) une clause d'extraterritorialité plus large et plus contraignante imposant aux États membres l'obligation de poursuivre leurs ressortissants et les personnes ayant leur résidence habituelle sur leur territoire qui se sont rendus coupables de la traite des êtres humains en dehors de leur territoire; iii) l’extension de la disposition relative à la non-application de sanctions aux victimes pour avoir participé à des activités criminelles, quels que soient les moyens illicites utilisés par les passeurs; iv) une norme plus élevée en matière d'assistance aux victimes, notamment en ce qui concerne les soins médicaux; v) des mesures de protection particulières en faveur des enfants victimes de la traite des êtres humains. Enfin, l'incorporation de dispositions analogues à la convention dans l'acquis de l'UE permettra une entrée en vigueur immédiate et un contrôle effectif de leur mise en œuvre.

Dispositions territoriales : les États membres seront destinataires de la proposition. L’application de la future directive au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark sera décidée conformément aux dispositions des protocoles (n° 21 et 22) annexés au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

IMPLICATIONS BUDGÉTAIRES : la proposition n'a pas d'incidence sur le budget communautaire.