Asile: système Eurodac de comparaison des empreintes digitales des démandeurs des pays tiers ou apartrides; demandes de comparaison avec les données d'Eurodac. Refonte

2008/0242(COD)

AVIS DU CONTRÔLEUR EUROPÉEN DE LA PROTECTION DES DONNÉES

sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) n° (…/…) (établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride) et la proposition de décision du Conseil relative aux demandes de comparaison avec les données EURODAC présentées par les services répressifs des États membres et EUROPOL à des fins répressives.

Le 10 septembre 2009, la Commission a présenté les deux propositions en objet et les a transmises au CEPD le 15 septembre 2009 pour consultation.

Ces propositions revêtent un intérêt particulier pour le CEPD, compte tenu notamment de la mission de contrôle qu'il exerce sur la base de données de l'Unité centrale d'EURODAC. La question de l'accès à des systèmes d'information à grande échelle développés à des fins répressives a déjà été traitée par le CEPD dans le cadre de l'accès au système d'information sur les visas par les services répressifs et par EUROPOL. Le sujet des propositions est aussi étroitement lié à la refonte générale du règlement EURODAC et du règlement de Dublin, sur lesquels le CEPD a émis des avis le 18 février 2009.

Globalement, le CEPD exprime de sérieux doutes quant à la légitimité des propositions et quant à l'opportunité d'adopter des instruments législatifs sur leur base.

Ces doutes reposent sur les éléments suivants :

  • nécessité et proportionnalité : le CEPD souligne que l'amélioration de l'échange d'informations est un but politique essentiel de l'Union européenne. Les gouvernements ont besoin d'instruments appropriés pour assurer la sécurité de tous les citoyens, mais ils sont également tenus, au sein de la société européenne, de respecter pleinement les droits fondamentaux des citoyens. C'est au législateur communautaire qu'il appartient d'assurer cet équilibre. Adopter des mesures permettant de lutter contre les infractions terroristes et autres infractions graves peut être un motif légitime justifiant le traitement de données à caractère personnel, à condition que la nécessité de l'ingérence s'appuie sur des éléments clairs et indéniables et que le caractère proportionné du traitement soit démontré. Cette exigence s'impose d'autant plus que les propositions concernent un groupe vulnérable –les demandeurs d’asile-, qui a besoin d'une plus grande protection dans la mesure où il fuit des persécutions. La situation précaire de ces personnes doit être prise en compte pour évaluer le caractère nécessaire et proportionné de la mesure proposée. Le CEPD fait aussi valoir le risque de stigmatisation dudit groupe.
  • légitimité : le CEPD recommande d'évaluer la légitimité des propositions dans un contexte élargi, à savoir:

§         la tendance visant à accorder aux services répressifs l'accès à des données à caractère personnel relatives à des personnes qui ne sont soupçonnés d'aucune infraction, les données en question ayant été collectées à d'autres fins;

§         la nécessité d'évaluer au cas par cas toute proposition de cette nature et d'aborder la question de manière cohérente, globale et tournée vers l'avenir, en se plaçant de préférence dans la perspective du programme de Stockholm;

§         la nécessité de commencer par mettre en œuvre les nouveaux instruments communautaires qui permettent la consultation par un État membre des empreintes digitales et autres données détenues par les services répressifs d'un autre État membre, puis d'en évaluer l'application;

§         le caractère urgent de la proposition, compte tenu de l'évolution du cadre juridique et politique.

  • respect de la CEDH : pour ce qui est de la compatibilité des propositions avec l'article 8 de la CEDH, le CEPD met en cause le changement de finalité du système et fait valoir que se contenter de déclarer dans la proposition législative que la finalité a été modifiée ne constitue pas ledit changement. De surcroît, une modification législative n'implique pas d'office une évaluation différente de la nécessité et de la proportionnalité des propositions dans une société démocratique ni de leur respect d'autres dispositions, notamment des règles sur la limitation de la finalité figurant dans la directive 95/46/CE.

Le CEPD insiste sur le fait que le caractère nécessaire devrait être démontré en apportant des preuves convaincantes d'un lien entre les demandeurs d'asile et le terrorisme ou la grande criminalité, ce que les propositions n'établissent nullement.

Enfin, le CEPD se félicite d'avoir été consulté et recommande que cette consultation soit mentionnée dans les considérants de la proposition, comme cela a été le cas pour plusieurs autres textes législatifs sur lesquels il a été consulté conformément au règlement (CE) n° 45/2001. Il émet aussi quelques observations sur le fond des propositions.