Autorité bancaire européenne (ABE): institution

2009/0142(COD)

Le Parlement européen a modifié, par 611 voix pour, 38 voix contre et 40 abstentions, suivant la procédure législative ordinaire (l’ex-procédure de codécision), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité bancaire européenne (ABE).

Le vote sur la résolution législative a été reporté à une session ultérieure.

Les principaux amendements apportés à la proposition de la Commission sont les suivants:

Établissement et champ d’application : les députés souhaitent préciser que le règlement institue une Autorité européenne de surveillance (banques) (AESB). L'Autorité devrait protéger des valeurs publiques telles que la stabilité du système financier, la transparence des marchés et des produits financiers et la protection des déposants et des investisseurs. Elle devrait : i) éviter les arbitrages réglementaires et favoriser des conditions de concurrence égales ; ii) veiller à ce que la prise de risques de crédit ou autres soit correctement réglementée et surveillée ; iii) contribuer à renforcer la protection des consommateurs.

Sa mission devrait aussi consister à favoriser la convergence en matière de surveillance et à fournir des conseils aux institutions de l'Union européennes dans les domaines de la réglementation et de la surveillance des activités bancaires, des paiements et de la monnaie électronique, ainsi qu'en ce qui concerne les questions connexes liées à la gouvernance d'entreprise, au contrôle des comptes et à l'information financière. L'Autorité devrait également se voir confier une responsabilité globale en matière de surveillance des produits financiers/types de transactions existants et nouveaux.

Dans l'exécution de ses tâches, l'Autorité devra : i) prêter particulièrement attention à tout risque systémique présenté par des établissements financiers dont la défaillance risque d'entraver le fonctionnement du système financier ou de l'économie réelle ; ii) agir de manière indépendante et objective dans le seul intérêt de l'Union.

Siège : l'Autorité aura son siège à Francfort. Elle pourra avoir des représentations dans les centres financiers les plus importants de l'Union européenne.

Système européen de surveillance financière : une nouvelle disposition stipule que l'Autorité fait partie d'un système européen de surveillance financière (SESF) dont l'objectif premier consiste à veiller à ce que les règles applicables au secteur financier soient mises en œuvre de façon adéquate afin de préserver la stabilité financière et par là même de garantir la confiance dans le système financier en dans son ensemble et la protection suffisante des consommateurs de services financiers.

Les députés précisent que le SESF se compose: i) du Conseil européen des risques systémiques (CERS); ii) de l’Autorité européenne de surveillance (banques) (AESB) ; iii) de l'Autorité européenne de surveillance (marchés financiers) (AESMF); iv) de l'Autorité européenne de surveillance (assurances et pensions professionnelles) (AESAPP); v) de l'Autorité européenne de surveillance (comité mixte) prévue par les règlements AESB, AESMF et AESAPP; vi) des autorités des États membres visées aux règlements AESB, AESMF et AESAPP; vii) de la Commission aux fins des tâches visées au règlement.

Les autorités qui font partie du SESF, y compris les autorités compétentes des États membres, doivent être responsables devant le Parlement européen.

Tâches : le Parlement a étendu la liste des tâches de l’Autorité. Celle-ci devrait entre autres :

  • procéder à des analyses économiques des marchés ;
  • surveiller les établissements financiers qui ne sont pas soumis à la surveillance des autorités compétentes ;
  • contribuer à la gestion des crises des établissements transfrontaliers susceptibles de présenter un risque systémique, en conduisant et en exécutant toutes les interventions précoces, les procédures de résolution de défaillance ou d'insolvabilité pour ces établissements par l'intermédiaire de son unité de résolution des défaillances bancaires;
  • publier sur son site internet, et mettre à jour régulièrement, toutes les informations relevant de son domaine d'activité, en particulier les informations sur les établissements financiers enregistrés, dans le but de rendre ces informations facilement accessibles au public.
  • élaborer une norme de réglementation précisant les informations minimales à fournir à l'Autorité sur les transactions et les acteurs du marché.

Protection des consommateurs et activités financières : afin d'encourager la protection des déposants et des investisseurs, le texte amendé stipule que l'Autorité assume un rôle prépondérant dans la promotion de la transparence, de la simplicité et de l'équité sur le marché des produits ou des services financiers, dans l'ensemble du marché unique, notamment:  i) en analysant les tendances de consommation, ii) en coordonnant des initiatives d'éducation et d'initiation financières,  iii) en élaborant des normes de formation pour les professionnels du secteur,  iv) en contribuant au développement de règles communes en matière d'information et v) en évaluant l'accessibilité, la disponibilité et le coût des crédits pour les ménages et pour les entreprises, en particulier les PME.

L'Autorité devra instaurer un comité de l'innovation financière rassemblant toutes les autorités nationales de surveillance compétentes en la matière en vue de parvenir à une approche coordonnée du traitement applicable aux activités financières nouvelles ou innovantes en matière de réglementation et de surveillance et d'émettre des avis à l'intention du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

L’Autorité pourra également : i) émettre des avertissements lorsqu'une activité financière constitue une menace grave pour les objectifs visés au règlement ;  ii) interdire ou restreindre temporairement certains types d'activités financières qui menacent le bon fonctionnement et l'intégrité des marchés financiers dans l'Union si la situation l'exige d'urgence.

Normes techniques de réglementation : le Parlement européen et le Conseil pourront déléguer des pouvoirs à la Commission afin qu'elle adopte des normes techniques de réglementation conformément à l'article 290 du TFUE en vue d'assurer une harmonisation cohérente dans les domaines expressément prévus par les actes législatifs visés au règlement. Il s'agit dans cette réglementation de normes techniques qui n'impliquent aucune décision stratégique ni choix politiques.

Les projets de normes techniques de réglementation seront élaborés par l'Autorité et soumis à l'approbation de la Commission. L'Autorité devra en principe procéder à des consultations publiques ouvertes sur ces normes et analyser les coûts et avantages potentiels qu'elles impliquent, avant de les soumettre à la Commission. Elle devra solliciter également l'avis ou les conseils du groupe des parties concernées du secteur bancaire.

Dès réception du projet de norme technique de réglementation, la Commission devra le transmettre immédiatement au Parlement européen et au Conseil. Elle devra statuer sur l'adoption du projet de norme dans les trois mois suivant leur soumission. Si elle n'envisage pas d'adopter la norme, la Commission devra en informer le Parlement et le Conseil en indiquant les motifs de sa décision.

L’Autorité pourra également élaborer des projets de normes d’exécution pour mettre en œuvre les actes juridiquement contraignants de l'Union dans les domaines expressément prévus par le règlement et soumettra ses projets de normes d'exécution à la Commission pour approbation.

Orientations et recommandations : les autorités compétentes et les établissements financiers devront mettre tout en œuvre pour respecter les orientations et recommandations émises par l’Autorité. Dans un délai de deux mois suivant l'émission d'une orientation ou d'une recommandation, chaque autorité compétente devra confirmer son intention de respecter cette orientation ou cette recommandation. Si une autorité compétente n'entend pas les respecter, elle devra en informer l'Autorité en motivant sa décision. L'Autorité publiera les motifs de cette décision.

Situation d’urgence : lorsque des circonstances défavorables risquent de compromettre gravement le bon fonctionnement et l'intégrité des marchés financiers ou la stabilité globale ou partielle du système financier dans l'Union, l'Autorité devra faciliter et, au besoin, coordonner toute action entreprise par les autorités nationales de surveillance compétentes concernées.

La Commission doit pouvoir, de sa propre initiative ou à la demande du Parlement européen, du Conseil, du CERS ou de l'Autorité, adopter une décision destinée à l'Autorité constatant l'existence d'une situation d'urgence aux fins du règlement. La Commission devra réexaminer cette décision mensuellement et déclarer que la situation d'urgence a pris fin dès que cela est approprié. Lorsqu'elle constate l'existence d'une situation d'urgence, la Commission devra en informer le Parlement européen et le Conseil.

Collèges d'autorités de surveillance et gouvernance : l'Autorité contribuera à surveiller le fonctionnement des collèges d'autorités de surveillance et dirigera leurs travaux quand elle le juge utile. Elle devra s'acquitter de tâches telles que : i) rassembler et partager toutes les informations pertinentes dans la marche normale des affaires et en situation d'urgence et mettre en place un système central pour donner accès à ces informations aux autorités compétentes; ii) lancer et coordonner des simulations de crise à l'échelle de l'Union européenne afin d'évaluer la résilience des établissements financiers ; iii) planifier et diriger des activités de surveillance tant dans la marche normale des affaires que dans des situations de crise ; iv) superviser les tâches réalisées par les autorités compétentes.

Un rôle de médiation à caractère juridiquement contraignant devrait permettre à l'Autorité de résoudre les différends entre les autorités compétentes. Si aucun accord ne peut être trouvé au sein du collège d'autorités de surveillance concerné, l'Autorité pourra arrêter des décisions en matière de surveillance qui soient directement applicables à l'établissement concerné.

Tableau de bord du risque : l'Autorité devrait accorder une attention particulière et faire face aux risques d'une perturbation des services financiers causée par la détérioration de l'ensemble ou d'une partie du système financier et susceptible d'avoir des répercussions négatives graves sur le marché intérieur et l'économie réelle. En collaboration avec le Comité européen du risque systémique (CERS), elle devrait élaborer un ensemble commun d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs (tableau de bord du risque), qui seront utilisés pour attribuer une note prudentielle aux établissements transfrontaliers susceptibles de présenter un risque systémique. Cette note devrait être réexaminée régulièrement au vu des modifications significatives du profil de risque de l'établissement.

Unité de résolution des défaillances : celle-ci devrait préserver la stabilité financière et réduire au minimum l'effet de contagion au reste du système et de l'économie en général par les établissements fragilisés, et elle devrait limiter les coûts pour les contribuables, dans le respect du principe de proportionnalité, de la hiérarchie des créanciers et de l'égalité de traitement transfrontalière. L'unité de résolution de défaillance bancaire doit comprendre des experts nommés par le Conseil des autorités de surveillance de l'Autorité, disposant de connaissances et d'une expertise en matière de restructuration, de redressement et de liquidation des établissements financiers.

Systèmes européens de garantie des dépôts : le texte amendé stipule que l'Autorité doit contribuer au renforcement du mécanisme européen des systèmes nationaux de garantie des dépôts en agissant pour garantir la bonne application de la directive 94/19/CE, en s'efforçant de veiller à ce que les systèmes nationaux de garantie des dépôts : i) soient correctement alimentés par des contributions d'établissements financiers, y compris ceux installés dans l'Union, y acceptant des dépôts, mais ayant leur siège dans un pays tiers, ii) et qu'ils offrent un niveau élevé de protection à tous les déposants dans un cadre harmonisé dans l'ensemble de l'Union.

Fonds européen de stabilité : un Fonds européen de stabilité bancaire devrait être institué afin de renforcer l'internalisation des coûts du système financier et de contribuer à la résolution des crises en cas de défaillance d'établissements financiers transfrontaliers. Les établissements financiers qui n'opèrent que dans un seul État membre auraient la faculté d'adhérer au Fonds. Le Fonds serait financé par des contributions directes de tous les établissements financiers identifiés comme susceptibles de présenter un risque. Le Fonds serait administré par un conseil d'administration nommé par l'Autorité pour une période de cinq ans.

Mesures de sauvegarde : le texte amendé stipule que lorsqu'un État membre estime qu'une décision prise en vertu de l'article 10, paragraphe 2 (mesures d’urgence) ou de l'article 11 (règlement des différends entre autorités nationales de surveillance) empiète directement et de façon notable sur ses compétences budgétaires, il informe l'Autorité, la Commission et le Parlement européen dans les dix jours ouvrables suivant la notification de la décision de l'Autorité à l'autorité compétente s'il entend ou non se conformer à cette décision. Dans sa notification, l'État membre devrait exposer les raisons pour lesquelles la décision empiète sur ses compétences budgétaires et présenter une étude d'impact déterminant l'étendue de cet empiètement.

Si l'Autorité maintient ou modifie sa décision, le Conseil décide de maintenir ou d'annuler la décision de l'Autorité. La décision de maintenir la décision de l'Autorité est prise à la majorité simple des membres. La décision d'annuler la décision de l'Autorité est prise à la majorité qualifiée des membres.

Conseil des autorités de surveillance : les députés ont introduit des amendements en ce qui concerne l’organisation et la composition du conseil des autorités de surveillance. Dans l'exécution des tâches qui sont conférées au conseil des autorités de surveillance par le règlement, son président et ses membres votants doivent agir en toute indépendance et objectivité dans le seul intérêt de l'ensemble de l'Union. Il est précisé que les États membres, les institutions de l'Union et les entités publiques ou privées quelles qu'elles soient ne cherchent pas à influencer les membres du conseil des autorités de surveillance dans l'accomplissement de leurs missions relatives à l'Autorité.

Comité mixte des autorités européennes de surveillance : le texte amendé prévoit d’instituer une Autorité européenne de surveillance (comité mixte) ». Les députés précisent que le comité mixte constitue une enceinte au sein de laquelle l’Autorité coopère régulièrement et étroitement et assure la cohérence transsectorielle des activités les autres AES, en particulier en ce qui concerne: i) les conglomérats financiers; ii) la comptabilité et les audits; iii) les analyses microprudentielles des évolutions, des vulnérabilités et des risques transsectoriels pour préserver la stabilité financière; iv) les produits d'investissement de détail;  v) les mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux.

Clause de révision: au plus tard six mois après la date d'entrée en vigueur du règlement, la Commission devra présenter les propositions nécessaires pour renforcer la surveillance des établissements susceptibles de présenter un risque systémique et pour créer un nouvelle structure de gestion des crises financières comportant des dispositions de financement.

Au plus tard trois ans après la date d'application du règlement, et tous les trois ans par la suite, la Commission devra publier un rapport général sur l'expérience tirée du fonctionnement de l'Autorité et des procédures fixées dans le règlement. Ce rapport évaluera notamment : a) le degré de convergence des pratiques en matière de surveillance atteint par les autorités compétentes ; b) le fonctionnement des collèges d'autorités de surveillance;  c) les avancées réalisées en matière de convergence dans les domaines de la prévention, de la gestion et de la résolution des crises, y compris des mécanismes de financement européens;  d) s’il convient de renforcer le rôle de l'Autorité en matière de surveillance des établissements financiers qui présentent un risque systémique potentiel et si celle-ci doit exercer des pouvoirs de surveillance renforcés sur ces établissements.

Le rapport examinera également :

  • s'il est opportun de poursuivre la surveillance distincte des secteurs bancaire, des assurances, des pensions professionnelles et des marchés financiers;
  • s'il est opportun de faire procéder à la surveillance prudentielle et à la surveillance de l'exercice des activités séparément ou par une même autorité de surveillance;
  • s'il est opportun de simplifier et de renforcer l'architecture du SESF pour accroître la cohérence entre les niveaux "macro" et "micro" et entre les Autorités européennes de surveillance;
  • si l'évolution du SESF est compatible avec l'évolution globale;
  • si le SESF présente une diversité et un degré d'excellence suffisants;
  • si la responsabilité et la transparence sont au niveau adéquat en ce qui concerne les obligations de publication;
  • s'il convient de maintenir le siège de l'Autorité à Francfort.