Systèmes d’indemnisation des investisseurs

2010/0199(COD)

OBJECTIF: à la lumière de la crise financière, modifier la directive 97/9/CE relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (DSII) en vue d’améliorer le fonctionnement du marché unique des services d’investissement et de renforcer la protection des investisseurs et leur confiance dans l’UE.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : la directive 97/9/CE (DSII) prévoit que les clients qui reçoivent des services d’investissement de la part d’entreprises d’investissement (y compris les établissements de crédit) sont indemnisés dans des circonstances précises, lorsque l’entreprise d’investissement concernée n’est pas en mesure de restituer les fonds ou les instruments financiers qu’elle détient pour le compte de son client.

Ces dernières années, la Commission a reçu de multiples plaintes d’investisseurs concernant l’application de la DSII, dans plusieurs affaires importantes où les investisseurs ont subi des pertes élevées. Ces plaintes portent principalement sur la couverture offerte par les systèmes d’indemnisation des investisseurs et leur financement, ainsi que sur les délais d’obtention de l’indemnisation. Les principaux problèmes que pose l’application de la DSII sont liés au large pouvoir d’appréciation que celle-ci laisse aux États membres. D’’autres problèmes, comme le fait que n’ont actuellement droit à aucune indemnisation les investisseurs qui, en raison de la défaillance d’un déposant ou d’un tiers, ne peuvent recouvrer leurs actifs ou subissent une dépréciation des parts ou des actions qu’ils détiennent dans un OPCVM, doivent également être traités au niveau de l’UE.

La présente initiative est le fruit d’une consultation et d’un dialogue avec l’ensemble des principaux intéressés, notamment les régulateurs des marchés des valeurs mobilières, les participants à ces marchés, les systèmes nationaux d’indemnisation des investisseurs et les consommateurs. Elle fait partie d’un « paquet » sur les systèmes d’indemnisation et de garantie, qui comprend également une proposition de modification la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, ainsi qu’un Livre banc sur les régimes de garantie des assurances.

ANALYSE D’IMPACT : la Commission a réalisé une analyse d’impact portant sur les différentes stratégies possibles. Les options envisagées concernaient essentiellement le financement des systèmes d’indemnisation des investisseurs, les délais de remboursement, et l’étendue et le niveau de l’indemnisation.

Chaque option a été évaluée à l’aune des critères suivants: protection et confiance des investisseurs, équité de la protection offerte pour différents types d’investissements ou de services dans l’UE et rapport coût-efficacité, c’est-à-dire la mesure dans laquelle l’option considérée permettrait d’atteindre les objectifs recherchés et favoriserait le fonctionnement efficace et efficient des marchés des valeurs mobilières.

BASE JURIDIQUE : article 53, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : la présente proposition répond à l’objectif, défini au niveau du G20, de combler toute lacune du cadre réglementaire et prudentiel, ainsi qu’à l’objectif de rétablir la confiance des investisseurs dans le système financier. Plus particulièrement, elle vise à : i) améliorer le fonctionnement concret de la DSII et à en préciser le champ d’application à la lumière de la crise financière et des changements récemment intervenus dans le paysage réglementaire de l’UE ; ii) réduire les disparités existant entre la protection accordée aux clients des entreprises d’investissement, d’une part, et aux déposants bancaires.

Étant donné les divergences actuelles de fonctionnement entre les systèmes nationaux d’indemnisation des investisseurs, la proposition prévoit l’instauration de règles communes visant à garantir un certain degré d’harmonisation dans leur financement et leurs pratiques quotidiennes; elle prévoit également, sous réserve d’une analyse rigoureuse de l’Autorité européenne des marchés financiers et d’une obligation de remboursement dans un délai maximal de cinq ans, la création d’un mécanisme d’emprunt en dernier ressort entre systèmes nationaux, qui leur permettrait de faire face à des besoins de financement temporaires.

Les principaux éléments de la proposition sont les suivants :

Alignement sur la directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID) : la modification proposée précise que tous les services et activités d’investissement relevant de la MiFID devraient être soumis aux dispositions de la DSII et que, dès lors que des entreprises détiennent de facto des actifs pour le compte de clients (indépendamment de toute restriction applicable à leur agrément ou de la nature du service d’investissement qu’elles fournissent), ces clients devraient avoir droit à une indemnisation au titre de la DSII.

Une autre modification découlant des dispositions de la MiFID concerne la catégorisation des clients. Actuellement, la législation nationale des États membres peut prévoir que les investisseurs professionnels et institutionnels sont exclus de la couverture en vertu de l’annexe I de la DSII. La DSII étant antérieure à la MiFID, la liste des investisseurs professionnels et institutionnels qu’elle établit ne coïncide cependant pas avec la liste correspondante figurant dans la MiFID. La proposition aligne donc la catégorisation des clients en vertu de la DSII sur la définition des clients à considérer comme des professionnels contenue dans la MiFID. Cette modification permettra une plus grande cohérence et une plus grande clarté et, grâce à cette cohérence entre les deux directives, simplifiera la situation respective des systèmes d’indemnisation et des investisseurs.

Défaillance d’un tiers dépositaire : la DSII protège les investisseurs lorsqu’une entreprise est incapable de restituer les instruments financiers ou les fonds qu’elle détenait pour leur compte en relation avec des services d’investissement. En vertu de la MiFID, un instrument financier peut être détenu de deux manières différentes; i) par l’entreprise d’investissement elle-même, détenant l’instrument financier pour le compte d’un client, ou ii) par un dépositaire (un «tiers dépositaire»), généralement sélectionné par l’entreprise d’investissement.

Or, lorsqu’un tiers dépositaire n’est pas en mesure de restituer ses instruments financiers au client, celui-ci ne peut prétendre à la moindre indemnisation de la part des systèmes institués en vertu de la DSII. En conséquence, la protection offerte par la DSII aux investisseurs qui ont acheté un instrument financier n’est pas de même niveau, selon que c’est l’entreprise d’investissement elle-même ou un tiers dépositaire qui détient leurs actifs.

La proposition étend l’indemnisation des investisseurs aux créances liées à l’incapacité dans laquelle se trouve une entreprise d’investissement de restituer des instruments financiers à la suite de la défaillance d’un tiers dépositaire.

Défaillance d’un dépositaire d’OPCVM : la gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)  n’est pas un service d’investissement au sens de la MiFID. En conséquence, la DSII ne couvre pas les OPCVM et les porteurs de leurs parts en cas de pertes occasionnées par la défaillance d’un dépositaire ou d’un sous-dépositaire d’OPCVM.

La mesure proposée donnera aux porteurs de parts d’OPCVM le droit d’être indemnisés par un système d’indemnisation des investisseurs si l’OPCVM concerné ne peut recouvrer les actifs dus en raison de la défaillance d’un dépositaire ou d’un sous-dépositaire. Le coût de cette extension de couverture devrait être supporté par ces entités plutôt que par les entreprises d’investissement.

Exclusion des créances liées à des pratiques d’abus de marché : la modification proposée vise à exclure désormais toute demande d’indemnisation émanant d’un investisseur impliqué dans une pratique interdite en vertu de la directive 2003/6/CE sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché. Les investisseurs qui ont commis de tels actes ne devraient avoir droit à aucune indemnisation.

Niveau d’indemnisation : la DSII harmonise à 20.000 EUR le niveau minimal d’indemnisation par investisseur. La Commission propose d’élever le niveau d’indemnisation à un montant fixe de 50.000 EUR. Ce niveau a été établi de façon à tenir compte des effets de l’inflation dans l’UE et à mieux aligner le montant de l’indemnisation sur la valeur moyenne des investissements détenus par les clients de détail dans l’UE. Pour les États membres dans lesquels le niveau d’indemnisation est actuellement plus élevé, une clause d’antériorité de trois ans est prévue, afin de leur laisser le temps de s’adapter et de passer au niveau de couverture de 50.000 EUR.

Dans le cas des établissements de crédit, la question peut se poser de savoir si les fonds qui y sont déposés dans le cadre d’une prestation de services d’investissement sont couverts au titre de la DSII plutôt qu’à celui de la  directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts (DSGD). Pour lever toute incertitude liée à la nature spécifique des établissements de crédit, qui peuvent à la fois exercer des activités bancaires et fournir des services d’investissement, la DSII est modifié de façon à préciser qu’en cas de doute, l’investisseur doit être indemnisé au titre de la DSGD (laquelle prévoit un plus haut niveau de couverture).

Principes de financement :  le large pouvoir d’appréciation que laisse la DSII quant aux modalités de financement des systèmes d’indemnisation des investisseurs et les différences très importantes qui existent entre les États membres dans la manière d’organiser ce financement posent un certain nombre de problèmes. Un nouvel article est donc introduit, qui énonce les principes fondamentaux devant régir le financement des systèmes d’indemnisation des investisseurs. Il prévoit notamment ce qui suit:

  • en principe, le financement des systèmes d’indemnisation reste à la charge des participants au marché;
  • les systèmes d’indemnisation doivent être adéquatement financés, en proportion de leurs passifs éventuels;
  • afin de garantir un financement suffisant, un niveau cible minimum est fixé pour tous les systèmes. Ce niveau cible doit être atteint par un financement intégralement ex ante. Compte tenu des différences existant actuellement au niveau national, il devra initialement être atteint sur une période de dix ans;
  • lorsque les financements ex ante ne suffisent pas, concrètement, à couvrir les passifs d’un système d’indemnisation, des appels à contributions supplémentaires doivent être lancés auprès des entités qui en relèvent. Ces appels à contributions supplémentaires ne doivent toutefois pas mettre en péril la stabilité du système financier de l’État membre concerné;
  • une fois ces sources de financement épuisées, le système d’indemnisation peut emprunter auprès d’autres systèmes d’indemnisation ;
  • l’accès à d’autres sources de financement diversifiées, y compris des mécanismes d’emprunt, doit être assuré;
  • les systèmes d’indemnisation doivent publier des informations détaillées sur leur niveau de financement.

Mécanisme d’emprunt de dernier ressort entre les systèmes nationaux d’indemnisation : ce dispositif repose sur le principe d’une solidarité entre les systèmes nationaux d’indemnisation. L’article proposé prévoit ainsi de créer entre eux un mécanisme d’emprunt, qui serait une solution de dernier ressort. Cette mesure devrait permettre aux systèmes nationaux d’indemnisation de disposer d’une source de financement de secours, dans des circonstances spécifiques et sur une base temporaire. Elle favorisera en outre une relation plus étroite et une meilleure coordination au jour le jour entre ces systèmes, de même qu’elle les incitera à harmoniser davantage leurs pratiques et leurs procédures de travail.

Des principes de financement détaillés et l’imposition d’une obligation de remboursement (dans un délai maximal de 5 ans) au système emprunteur, limiteront l’aléa moral entre systèmes sous-dimensionnés et systèmes financièrement mieux dotés.

Plafond d’indemnisation («principe de la coassurance») : la DSII autorise les États membres à plafonner l’indemnisation à un certain pourcentage (égal ou supérieur à 90%) de la créance d’un investisseur. Autrement dit, il peut être demandé au client de supporter une partie de ses pertes (selon le pourcentage d’indemnisation). La suppression de cette faculté devrait renforcer la protection accordée par la DSII aux investisseurs, parce que ceux-ci n’auront plus à supporter une partie de leurs pertes en cas de fraude dans une entreprise d’investissement ou de survenance d’autres problèmes affectant ses systèmes ou contrôles internes.

Toujours afin de mieux protéger les investisseurs, la disposition accordant actuellement aux États membres la possibilité d’exclure de la couverture offerte par les systèmes d’indemnisation les fonds libellés dans une monnaie autre que les leurs est supprimée. Dès lors que leurs fonds seront couverts indépendamment de la monnaie concernée, les investisseurs seront mieux protégés.

Délais de remboursement : la DSII fixe un strict délai de remboursement (dès que possible et au plus tard dans les trois mois). Dans la pratique, il s’écoule toutefois un laps de temps considérable avant que l’investisseur ne reçoive la moindre indemnisation.

La modification proposée impose aux systèmes d’indemnisation l’obligation de verser à titre provisoire une indemnisation partielle, fondée sur une première estimation de la créance, si le délai de remboursement dépasse une certaine durée. L’indemnisation partielle équivaudra à un tiers de cette première estimation de la créance. Le solde sera versé ultérieurement, une fois la créance pleinement établie. Les systèmes d’indemnisation doivent aussi pouvoir recouvrer les montants versés à titre provisoire s’il s’avère par la suite que la créance n’était en réalité pas valable.

La proposition précise en outre que les autorités compétentes ont trois mois pour constater l’incapacité d’une entreprise d’investissement de satisfaire à ses obligations envers les investisseurs. Information des investisseurs : la DSII est modifiée de façon à exiger également des gestionnaires d’OPCVM qu’ils informent les investisseurs, dans des termes clairs et simples, de ce qui est effectivement couvert par le système d’indemnisation dont ils dépendent (par exemple, le risque d’investissement est généralement exclu).

La proposition prévoit de compléter l’obligation faite actuellement aux entreprises d’investissement de fournir à leurs nouveaux clients des informations sur les systèmes d’indemnisation par une obligation de fournir des informations supplémentaires sur ce qui est indemnisé en vertu de la DSII et la façon dont celle-ci s’applique dans les situations transfrontalières, y compris dans le cas des OPCVM. Plus précisément, elle prévoit de leur imposer d’expliquer clairement que certaines pertes (résultant, par exemple, du risque d’investissement) ne donnent pas droit au versement d’une indemnisation au titre de la DSII.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a aucune incidence sur le budget de l’Union.