Le Parlement européen a adopté par 643 voix pour, 10 voix contre et 14 abstentions, une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes, abrogeant la décision-cadre 2002/629/JAI.
Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire (l’ex-procédure de codécision). Les amendements adoptés en plénière sont le résultat d’un compromis négocié entre le Parlement européen et le Conseil. Ils modifient la proposition de la Commission comme suit :
Remplacement de la décision-cadre de base : les modifications et extension des dispositions de la décision-cadre 2002/629/JHA relative à la lutte contre la traite des êtres humains étant significatives par leur nombre et leur nature, il est prévu non pas de modifier la décision-cadre mais de la remplacer entièrement.
Dimension de genre : la traite des êtres humains comprenant une dimension de genre (les femmes et les hommes n’étant pas victimes de la traite pour les mêmes raisons), il est prévu que les mesures d'aide et d'assistance soient adaptées à cette dimension de genre. La directive modifiée souligne ainsi que les facteurs qui incitent les personnes à quitter leur pays d'origine et qui les attirent vers leur lieu de destination peuvent varier selon le secteur concerné (aboutissant au trafic des êtres humains pour l'industrie du sexe, l'exploitation de la main-d'œuvre pour la construction, l'agriculture ou l'esclavage domestique).
Sanctions plus lourdes et circonstances aggravantes : parmi les peines passibles de peines de prison ne pouvant être inférieure à 10 ans, le compromis confirme les infractions commises à l'encontre de victimes particulièrement vulnérables dont les enfants, et parmi les circonstances aggravantes, le compromis ajoute le cas où l’infraction a été commise par un agent de la fonction publique dans l'exercice de ses fonctions.
Saisie et confiscation : il est précisé que les États membres pourront procéder à la saisie et à la confiscation des instruments et produits des infractions commises.
Absence de poursuites ou non-application de sanctions à l'encontre des victimes : dans le respect des principes fondamentaux des États membres, des mesures pourront être prévues de sorte que les autorités nationales aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains et de ne pas leur infliger de sanctions pour avoir pris part à des activités criminelles auxquelles elles ont été contraintes de participer.
Assistance et aide aux victimes de la traite des êtres humains : il est également prévu que les États membres prennent les mesures pour que l'octroi d'une assistance et d'une aide à une victime ne soit pas subordonné à sa volonté de coopérer à l'enquête ou aux poursuites. Les États membres sont toutefois tenus d’informer les victimes des mesures d’aide qui peuvent être mises à leur disposition. Ces mesures d'assistance ne devraient être apportées aux victimes qu’avec leur consentement, et le refus, par la victime, du bénéfice des mesures en question, ne devrait pas entraîner d'obligation pour les autorités compétentes de proposer à la victime des mesures de remplacement. Les États membres devraient également tenir compte des besoins spécifiques éventuels des victimes, du fait notamment d'une grossesse, de leur état de santé, d'un handicap, de troubles mentaux ou psychologiques ou de formes graves de violences psychologiques, physiques ou sexuelles.
Attention particulière apportée aux enfants victimes : dans le cadre de la mise en œuvre de la directive, une attention particulière devrait être accordée aux enfants victimes de la traite des êtres humains, l’objectif étant de trouver pour eux une solution durable. En tout état de cause, l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours être une considération primordiale dans l'application de la directive. Dans un délai raisonnable, les États membres devraient notamment donner aux enfants victimes et aux enfants de victimes qui bénéficient d'une assistance et d'une aide en vertu de la directive, un accès au système éducatif. Ils devraient en outre désigner un tuteur ou un représentant pour l'enfant victime dès que celui-ci est identifié comme tel par les autorités (notamment lorsque, en vertu de la législation nationale, un conflit d'intérêts avec l'enfant victime empêche les titulaires de l'autorité parentale de défendre les intérêts supérieurs de l'enfant et/ou de le représenter).
Assistance spécifique aux mineurs non accompagnés : une attention particulière devrait également être accordée aux mineurs non accompagnés, ces enfants ayant besoin d'une assistance et d'une aide spécifiques en raison de leur situation de personnes particulièrement vulnérables. Dès qu'un enfant non accompagné qui est victime de la traite des êtres humains est identifié, les États membres devraient appliquer des mesures d'accueil adaptées à ses besoins et veiller à l'application des garanties de procédure. Des mesures devraient notamment être envisagées pour garantir qu'un tuteur et/ou un représentant soit désigné afin de veiller à l'intérêt supérieur du mineur. L'avenir de chaque enfant victime qui n'est pas accompagné devrait faire l'objet d'une décision, prise dans les meilleurs délais, visant à trouver des solutions durables fondées sur une appréciation individuelle de l'intérêt supérieur de l'enfant. Une solution durable pourrait consister dans le retour et la réintégration dans le pays d'origine ou le pays de retour, l'intégration au sein de la société d'accueil, l'octroi d'un statut de protection international ou l'octroi d'un autre statut conformément au droit national des États membres. Le tuteur pourrait être selon le cas une personne physique, morale, une institution ou une autorité.
Indemnisation des victimes : des dispositions nouvelles sont introduites de sorte que les victimes de la traite des êtres humains aient accès aux régimes existants en matière d'indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente.
Rapporteurs nationaux ou mécanismes équivalents : des dispositions sont en outre prévues pour que chaque État membre désigne un rapporteur national ou un mécanisme équivalent afin de déterminer les tendances en matière de traite des êtres humains, évalue les résultats des actions engagées pour lutter contre ce phénomène, y compris la collecte de statistiques en étroite collaboration avec les organisations pertinentes de la société civile qui sont actives dans ce domaine, et établisse des rapports. Le Parlement européen devrait avoir la possibilité de participer aux activités communes des rapporteurs nationaux ou des mécanismes équivalents.
Soutien de la société civile : pour leur part, les organisations de la société civile et notamment les ONG reconnues et actives dans le domaine concerné devraient pouvoir venir en aide aux victimes de la traite, et travailler en étroite collaboration avec les États membres, en particulier dans le cadre des actions destinées à orienter les politiques, des campagnes d'information et de sensibilisation, des programmes de recherche et d'éducation, et des actions de formation, ainsi qu'aux fins du suivi et de l'évaluation des effets des mesures de lutte contre la traite.
Coordination de la stratégie de l'Union en matière de lutte contre la traite des êtres humains : dans le but de contribuer à une stratégie coordonnée et consolidée de l'Union européenne en la matière, les États membres devraient faciliter la tâche du coordinateur européen de la lutte contre la traite des êtres humains. Un coordinateur européen de la lutte contre la traite des êtres humains devrait notamment prendre part aux travaux du réseau de rapporteurs nationaux ou mécanismes équivalents déjà constitués sur la base des conclusions du Conseil du 4 juin 2009. Le coordinateur devrait fournir à l'Union et à ses États membres des informations stratégiques objectives, fiables, comparables et actualisées dans le domaine de la traite des êtres humains et contribuer à l'échange d'expériences et de bonnes pratiques en la matière à l'échelon européen. Les États membres devraient notamment communiquer au coordinateur les informations nécessaires à l’élaboration d’un rapport bisannuel sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains.
Coordination des enquêtes : il est précisé que les services répressifs des États membres devraient poursuivre leur collaboration dans le but de renforcer l'efficacité de la lutte contre la traite des êtres humains. Une étroite collaboration transfrontalière englobant notamment l'échange d'informations et de bonnes pratiques, ainsi que le maintien d'un dialogue ouvert entre les autorités policières, judiciaires et financières des États membres, pourraient s’avérer essentiels à cet égard. C’est pourquoi, il est demandé de favoriser la coordination des enquêtes et des poursuites dans les affaires de traite des êtres humains par une coopération renforcée avec Europol et Eurojust, la mise en place d'équipes communes d'enquête et la mise en œuvre de la décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales.
Rapports : il est enfin prévu que la Commission présente au Parlement européen et au Conseil :