La commission des libertés
civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport de
Sylvie GUILLAUME (S&D, FR) sur la proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la
procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les
États membres (refonte).
La commission parlementaire
recommande que la position du Parlement européen adoptée en première lecture
suivant la procédure législative ordinaire modifie la proposition de la
Commission comme suit :
Définitions :les
députés apportent des précisions au concept de « demandeur ayant des
besoins particuliers » (notamment du fait de son âge, de son sexe,
de son orientation sexuelle, de son identité de genre, d'un handicap, de
maladies physiques ou mentales, etc.). Ils ajoutent en outre une nouvelle
définition portant sur les "membres de la famille", à savoir
ceux qui sont présents dans le même État membre que le demandeur en raison de
la demande de protection internationale (conjoint, partenaire non marié,
enfants mineurs, etc.).
Autorité responsable de la
détermination : les députés ont tenu à consolider la cohérence de
l'application des concepts d'autorité de "détermination" et
d'autorité "compétente", l’objectif étant de définir une seule
et unique autorité responsable de la détermination. Les députés estiment
en effet que l'expression recouvrant les personnes devant "traiter les
demandes de protection internationale" est trop vague. Ils apportent dès
lors des précisions à la proposition de sorte que tout au long du texte, les
« autorités autres que l'autorité responsable de la détermination »
ne soient compétentes que pour enregistrer la demande et la
transmettre à l'autorité responsable de la détermination laquelle se chargera
de l'examiner.
Renforcer les garanties procédurales :
globalement, les députés ont cherché à renforcer les garanties procédurales
minimales des demandeurs, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour
de justice de l’UE et de la Convention européenne des droits de l’Homme, en
particulier pour ce qui du droit à être informé, du droit à être
entendu et du droit à bénéficier d'une assistance juridique gratuite
et la cohérence de l’application de ces droits dans le texte. Parmi les
mesures proposées figurent en particulier un certain nombre de dispositions
destinées à garantir le non-refoulement des demandeurs. Ainsi, les
députés réaffirment que les États membres doivent pleinement respecter le
principe de non-refoulement et le droit d'asile, qui inclut l'accès à une
procédure d'asile pour toute personne souhaitant demander l’asile et qui
relève de leur juridiction, y compris celles placées sous le contrôle
effectif d'un organisme de l'Union ou d'un État membre.
Plus techniquement, les députés
renforcent les garanties procédurales suivantes :
- maintien du demandeur sur
le territoire d’un État membre le temps de statuer sur son cas :
durant la procédure d'examen de sa demande de protection internationale,
le demandeur devrait en principe au moins avoir le droit de rester sur
le territoire de l’État membre dans l'attente de la décision finale de
l'autorité responsable de la détermination et, en cas de décision
négative, le temps de former un recours juridictionnel ;
- examen des demandes par du
personnel compétent et formé : tout entretien sur la
recevabilité d'une demande de protection internationale et sur le
fond d'une demande devrait toujours être mené par le personnel de
l'autorité responsable de la détermination. Compte tenu des conséquences
graves possibles d'une décision d'irrecevabilité, l'entretien personnel
sur la recevabilité de la demande devrait en outre être mené par une
personne ayant reçu la formation nécessaire pour appliquer des notions
complexes, telles que celles de pays tiers sûr et de premier pays
d'asile. Ce personnel devrait en outre demander conseil à des experts,
le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions
religieuses ou liées à l'orientation sexuelle. Les États membres
devraient par ailleurs veiller à ce que l'agent responsable de
l'entretien sur la recevabilité de la demande ne porte pas d'uniforme ;
- prise en compte de
l’appartenance sexuelle : les entretiens personnels devraient
être organisés de telle sorte que les demandeurs, hommes et femmes, qui
ont subi des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle puissent
faire part, s'ils le souhaitent, de leurs expériences à un interlocuteur
du même sexe spécialement formé aux entretiens concernant des
persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle ;
- entretien personnel pour
les mineurs : les États membres devraient déterminer dans leur
droit national dans quels cas un mineur se verra offrir la possibilité
d'un entretien personnel, en tenant dûment compte de l'intérêt
supérieur de l'enfant et de ses besoins particuliers ;
- examen médical: les
États membres devraient pouvoir être autorisés à procéder à des examens
médicaux afin de déterminer l'âge d'un mineur non accompagné lorsqu'ils
ont des doutes. Si ces doutes persistent après l'examen médical, la
décision devrait toujours être en faveur du mineur non accompagné.
Tout examen médical devrait en outre être effectué dans le plein respect
de la dignité de la personne, en recourant aux tests les plus fiables et
le moins invasif possible, réalisés par des experts médicaux
qualifiés et impartiaux. Par ailleurs, une décision de rejet de la
demande de protection internationale d'un mineur non accompagné qui a
refusé de se soumettre à un examen médical ne devrait pas être fondée
sur le fait que le mineur a refusé l’examen médical ;
- respect de la dignité des
demandeurs : en cas de fouille au corps (notamment, au moment
de déterminer l’identité du demandeur), les autorités compétentes
devraient effectuer cette fouille par une personne du même sexe, en
tenant compte des questions d'âge et de culture (en pleine conformité avec
les principes de dignité humaine et d'intégrité physique et mentale des
demandeurs) ;
- information des demandeurs
dans une langue compréhensible pour eux : les informations
destinées aux demandeurs devraient être communiquées dans une langue
qu’ils comprennent afin de leur offrir une opportunité adéquate et
réelle de comprendre le plus tôt possible, la procédure à suivre, leurs
droits et obligations ;
- qualification des
interprètes : au regard des lacunes récemment mises en évidence
quant à la qualification des interprètes, un code de conduite des
interprètes devrait être défini au niveau national afin d'offrir aux
demandeurs une opportunité adéquate et réelle d'étayer leur demande de
protection et de garantir une meilleure compréhension et collaboration entre
les interprètes et le personnel en charge de mener l'entretien ;
- intervention d’un
représentant légal si le demandeur ne peut déposer sa demande lui-même :
lorsque le demandeur ne peut pas déposer sa demande en personne, les
États membres devraient faire en sorte qu'un représentant légal puisse
présenter sa demande en son nom (en cas de raisons médicales, par
exemple) ;
- dépôt d’une demande par un
représentant légal pour les mineurs : les États membres
devraient faire en sorte que les mineurs aient le droit de présenter une
demande de protection internationale soit en leur nom, soit par
l'intermédiaire d’un représentant légal. Cette garantie devrait
également s’appliquer si le mineur est marié ;
- rejet motivé d’une demande :
les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu'une demande ayant
trait au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection
subsidiaire est rejetée ou accordée, la décision soit clairement motivée
en fait et en droit et que les possibilités de recours contre une décision
négative soient communiquées par écrit au moment où la décision est
prise et signées par le destinataire au moment de leur réception ;
- charge de la preuve :
en cas de non-adoption d'une décision statuant sur une demande de
protection internationale, la charge de la preuve pour contester
l'octroi d'une protection au demandeur reviendrait à l'autorité
responsable de la détermination ;
- contestation du concept de
premier asile si le pays concerné n’est pas sûr : un demandeur
devrait pouvoir être autorisé à contester l'application du concept de
premier pays d'asile au motif que ledit premier pays d'asile n'est
pas sûr dans son cas particulier ;
- fixation d’un délai pour
le dépôt d’un recours : compte tenu de la grande variété des
délais qui ont été déterminés par les États membres et de la nécessité
de parvenir à un régime d'asile européen commun, les députés demandent
l’introduction d’un délai minimum commun, permettant au demandeur
de jouir en droit et en pratique de l'accès à un recours effectif. Ce
délai devrait être de 45 jours ouvrables (et pour les demandeurs
relevant de la procédure accélérée, de 30 jours ouvrables) ;
- réouverture d’un dossier :
en cas de retrait implicite d’une demande d’asile par un demandeur et
lorsque ce dernier décide de représenter sa demande alors qu’une
décision de clôture de l'examen de sa demande a été prise, ce dernier
devrait avoir le droit de solliciter la réouverture de son dossier. La
demande de réouverture du dossier ne pourrait toutefois être présentée
qu'une seule fois.
Détention : les
députés réaffirment que la détention des mineurs est strictement interdite
dans toutes les circonstances. Par ailleurs, le maintien des demandeurs à la
frontière des États membres ou dans leurs zones de transit devrait satisfaire
aux exigences posées en la matière par la proposition
de la Commission relative aux conditions d'accueil.
Conseil et représentation
juridiques des demandeurs : plusieurs nouvelles dispositions ont été
introduites afin de renforcer le dispositif lié à l’assistance juridique du
demandeur. Ainsi :
- le demandeur et son conseil
juridique devraient avoir accès à toutes les informations sur les pays
d'origine et sur la procédure de demande elle-même ;
- l’assistance judiciaire
devrait être prise en charge par un organisme non gouvernemental
qualifié ou par des professionnels qualifiés ;
- la représentation (et non pas
seulement l’assistance) judiciaire devrait être gratuite.
Prise en compte de la
vulnérabilité de certains demandeurs : selon les députés, la notion
de demandeur vulnérable devrait recouvrir les mineurs, les mineurs non
accompagnés, les femmes enceintes, les personnes qui ont subi des
tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence, telles que les
violences basées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes, ou
les personnes handicapées. Ces personnes bénéficieraient d’une assistance
judiciaire gratuite dans toutes les procédures prévues par la directive.
Prise en compte de l'intérêt
supérieur de l'enfant : plusieurs garanties particulières ont été
prévues pour les mineurs (notamment les mineurs non accompagnés). Outre les
garanties procédurales spécifiques décrites ci-avant, des dispositions ont
également été ajoutées pour que la situation du mineur ne soit pas liée à son
état civil (en effet, dans certains pays, l'âge nubile peut être très bas,
mais sans rapport avec le degré de maturité ou d'autonomie du mineur).
Révision du concept de pays
d'origine sûr, de pays tiers sûr et de pays tiers européen sûr :
l’ensemble de ces concepts ont été revus ou supprimés :
- « pays tiers européen
sûrs » : pour les députés, ce concept n'est pas acceptable
en l'état. Cette notion n'est assortie d'aucune garantie ni principe
minimaux, l'accès au territoire ainsi que l'accès à la procédure d'asile
pouvant être tous deux refusés. Ils suppriment dès lors les dispositions
qui permettaient de ne pas procéder à un examen ou de ne pas effectuer
un examen complet pour les demandes émanant de ces pays (considérés
comme observant des normes particulièrement élevées en matière de droits
de l'homme et de protection des réfugiés). Seules sont maintenues les
dispositions relatives aux « pays tiers sûrs » ;
- « pays d’origine
sûrs » : dans la proposition de directive, un article
était prévu pour définir le concept de « pays d’origine sûr »
et pouvant être considéré comme « sûr » pour un demandeur
déterminé après examen individuel de sa demande. Les députés ont
toutefois proposé de supprimer cette notion afin de s’en tenir au seul
concept harmonisé de « pays tiers sûr » ;
- « pays tiers
sûrs » : les députés étant favorables à la fixation d’un
véritable système européen unique en matière d'asile, ils revoient la
définition de l'État tiers sûr. Cette notion doit être
uniforme dans tous les États membres. En conséquence, les États
membres ne devraient pas pouvoir désigner de listes nationales de pays
d'origine sûrs ni des listes nationales de pays tiers sûrs. Au
contraire, les députés, proposent une nouvelle définition en vertu de
laquelle, en principe, un demandeur de protection internationale émanant
d’un pays tiers sûr n’aura pas à craindre ni pour sa vie ni pour sa
liberté s’il y est renvoyé. Ces pays devront en outre offrir aux
demandeurs un certain nombre de garanties (non-refoulement, possibilité
de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ou d'une autre
forme de protection,…). Les demandeurs émanant de tels pays devraient
pouvoir être réadmis dans ces pays et à la seule condition que ces
personnes ne risquent rien au terme d’un examen individuel attestant que
le pays tiers est sûr pour chaque demandeur pris individuellement. Á
noter par ailleurs que la liste des pays sûrs ne devrait être fixée ou
modifiée que par le Parlement européen et le Conseil, statuant
conformément à la procédure législative ordinaire.
Aide financière pour les
États membres ayant une charge disproportionnée : les députés se
penchent sur la question des États membres qui reçoivent un nombre
disproportionné de demandes d'asile par rapport à leur population. Les
députés demandent notamment que ces pays puissent faire appel à une aide
financière ainsi qu’à une assistance administrative et technique du Fonds
européen des réfugiés et du Bureau européen d'appui en matière d'asile
respectivement pour les aider à se conformer à la directive.
Rapport : les
députés demandent que la Commission fasse rapport au Parlement européen et au
Conseil sur l'application et les coûts financiers de la directive dans les
États membres. Ce rapport devrait être renouvelé tous les 2 ans (au lieu des
5 ans initialement prévus dans la proposition).
Entrée en vigueur :
enfin, les députés demandent que la proposition directive entre en vigueur
dans les 2 ans qui suivent son adoption (et non dans les 3 ans).