Procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Refonte

2009/0165(COD)

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport de Sylvie GUILLAUME (S&D, FR) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte).

La commission parlementaire recommande que la position du Parlement européen adoptée en première lecture suivant la procédure législative ordinaire modifie la proposition de la Commission comme suit :

Définitions :les députés apportent des précisions au concept de « demandeur ayant des besoins particuliers » (notamment du fait de son âge, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, d'un handicap, de maladies physiques ou mentales, etc.). Ils ajoutent en outre une nouvelle définition portant sur les "membres de la famille", à savoir ceux qui sont présents dans le même État membre que le demandeur en raison de la demande de protection internationale (conjoint, partenaire non marié, enfants mineurs, etc.).

Autorité responsable de la détermination : les députés ont tenu à consolider la cohérence de l'application des concepts d'autorité de "détermination" et d'autorité "compétente", l’objectif étant de définir une seule et unique autorité responsable de la détermination. Les députés estiment en effet que l'expression recouvrant les personnes devant "traiter les demandes de protection internationale" est trop vague. Ils apportent dès lors des précisions à la proposition de sorte que tout au long du texte, les « autorités autres que l'autorité responsable de la détermination » ne soient compétentes que pour enregistrer la demande et la transmettre à l'autorité responsable de la détermination laquelle se chargera de l'examiner.

Renforcer les garanties procédurales : globalement, les députés ont cherché à renforcer les garanties procédurales minimales des demandeurs, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE et de la Convention européenne des droits de l’Homme, en particulier pour ce qui du droit à être informé, du droit à être entendu et du droit à bénéficier d'une assistance juridique gratuite et la cohérence de l’application de ces droits dans le texte. Parmi les mesures proposées figurent en particulier un certain nombre de dispositions destinées à garantir le non-refoulement des demandeurs. Ainsi, les députés réaffirment que les États membres doivent pleinement respecter le principe de non-refoulement et le droit d'asile, qui inclut l'accès à une procédure d'asile pour toute personne souhaitant demander l’asile et qui relève de leur juridiction, y compris celles placées sous le contrôle effectif d'un organisme de l'Union ou d'un État membre.

Plus techniquement, les députés renforcent les garanties procédurales suivantes :

  • maintien du demandeur sur le territoire d’un État membre le temps de statuer sur son cas : durant la procédure d'examen de sa demande de protection internationale, le demandeur devrait en principe au moins avoir le droit de rester sur le territoire de l’État membre dans l'attente de la décision finale de l'autorité responsable de la détermination et, en cas de décision négative, le temps de former un recours juridictionnel ;
  • examen des demandes par du personnel compétent et formé : tout entretien sur la recevabilité d'une demande de protection internationale et sur le fond d'une demande devrait toujours être mené par le personnel de l'autorité responsable de la détermination. Compte tenu des conséquences graves possibles d'une décision d'irrecevabilité, l'entretien personnel sur la recevabilité de la demande devrait en outre être mené par une personne ayant reçu la formation nécessaire pour appliquer des notions complexes, telles que celles de pays tiers sûr et de premier pays d'asile. Ce personnel devrait en outre demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions religieuses ou liées à l'orientation sexuelle. Les États membres devraient par ailleurs veiller à ce que l'agent responsable de l'entretien sur la recevabilité de la demande ne porte pas d'uniforme ;
  • prise en compte de l’appartenance sexuelle : les entretiens personnels devraient être organisés de telle sorte que les demandeurs, hommes et femmes, qui ont subi des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle puissent faire part, s'ils le souhaitent, de leurs expériences à un interlocuteur du même sexe spécialement formé aux entretiens concernant des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle ;
  • entretien personnel pour les mineurs : les États membres devraient déterminer dans leur droit national dans quels cas un mineur se verra offrir la possibilité d'un entretien personnel, en tenant dûment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses besoins particuliers ;
  • examen médical: les États membres devraient pouvoir être autorisés à procéder à des examens médicaux afin de déterminer l'âge d'un mineur non accompagné lorsqu'ils ont des doutes. Si ces doutes persistent après l'examen médical, la décision devrait toujours être en faveur du mineur non accompagné. Tout examen médical devrait en outre être effectué dans le plein respect de la dignité de la personne, en recourant aux tests les plus fiables et le moins invasif possible, réalisés par des experts médicaux qualifiés et impartiaux. Par ailleurs, une décision de rejet de la demande de protection internationale d'un mineur non accompagné qui a refusé de se soumettre à un examen médical ne devrait pas être fondée sur le fait que le mineur a refusé l’examen médical ;
  • respect de la dignité des demandeurs : en cas de fouille au corps (notamment, au moment de déterminer l’identité du demandeur), les autorités compétentes devraient effectuer cette fouille par une personne du même sexe, en tenant compte des questions d'âge et de culture (en pleine conformité avec les principes de dignité humaine et d'intégrité physique et mentale des demandeurs) ;
  • information des demandeurs dans une langue compréhensible pour eux : les informations destinées aux demandeurs devraient être communiquées dans une langue qu’ils comprennent afin de leur offrir une opportunité adéquate et réelle de comprendre le plus tôt possible, la procédure à suivre, leurs droits et obligations ;
  • qualification des interprètes : au regard des lacunes récemment mises en évidence quant à la qualification des interprètes, un code de conduite des interprètes devrait être défini au niveau national afin d'offrir aux demandeurs une opportunité adéquate et réelle d'étayer leur demande de protection et de garantir une meilleure compréhension et collaboration entre les interprètes et le personnel en charge de mener l'entretien ;
  • intervention d’un représentant légal si le demandeur ne peut déposer sa demande lui-même : lorsque le demandeur ne peut pas déposer sa demande en personne, les États membres devraient faire en sorte qu'un représentant légal puisse présenter sa demande en son nom (en cas de raisons médicales, par exemple) ;
  • dépôt d’une demande par un représentant légal pour les mineurs : les États membres devraient faire en sorte que les mineurs aient le droit de présenter une demande de protection internationale soit en leur nom, soit par l'intermédiaire d’un représentant légal. Cette garantie devrait également s’appliquer si le mineur est marié ;
  • rejet motivé d’une demande : les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu'une demande ayant trait au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire est rejetée ou accordée, la décision soit clairement motivée en fait et en droit et que les possibilités de recours contre une décision négative soient communiquées par écrit au moment où la décision est prise et signées par le destinataire au moment de leur réception ;
  • charge de la preuve : en cas de non-adoption d'une décision statuant sur une demande de protection internationale, la charge de la preuve pour contester l'octroi d'une protection au demandeur reviendrait à l'autorité responsable de la détermination ;
  • contestation du concept de premier asile si le pays concerné n’est pas sûr : un demandeur devrait pouvoir être autorisé à contester l'application du concept de premier pays d'asile au motif que ledit premier pays d'asile n'est pas sûr dans son cas particulier ;
  • fixation d’un délai pour le dépôt d’un recours : compte tenu de la grande variété des délais qui ont été déterminés par les États membres et de la nécessité de parvenir à un régime d'asile européen commun, les députés demandent l’introduction d’un délai minimum commun, permettant au demandeur de jouir en droit et en pratique de l'accès à un recours effectif. Ce délai devrait être de 45 jours ouvrables (et pour les demandeurs relevant de la procédure accélérée, de 30 jours ouvrables) ;
  • réouverture d’un dossier : en cas de retrait implicite d’une demande d’asile par un demandeur et lorsque ce dernier décide de représenter sa demande alors qu’une décision de clôture de l'examen de sa demande a été prise, ce dernier devrait avoir le droit de solliciter la réouverture de son dossier. La demande de réouverture du dossier ne pourrait toutefois être présentée qu'une seule fois.

Détention : les députés réaffirment que la détention des mineurs est strictement interdite dans toutes les circonstances. Par ailleurs, le maintien des demandeurs à la frontière des États membres ou dans leurs zones de transit devrait satisfaire aux exigences posées en la matière par la proposition de la Commission relative aux conditions d'accueil.

Conseil et représentation juridiques des demandeurs : plusieurs nouvelles dispositions ont été introduites afin de renforcer le dispositif lié à l’assistance juridique du demandeur. Ainsi :

  • le demandeur et son conseil juridique devraient avoir accès à toutes les informations sur les pays d'origine et sur la procédure de demande elle-même ;
  • l’assistance judiciaire devrait être prise en charge par un organisme non gouvernemental qualifié ou par des professionnels qualifiés ;
  • la représentation (et non pas seulement l’assistance) judiciaire devrait être gratuite.

Prise en compte de la vulnérabilité de certains demandeurs : selon les députés, la notion de demandeur vulnérable devrait recouvrir les mineurs, les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes, les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence, telles que les violences basées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes, ou les personnes handicapées. Ces personnes bénéficieraient d’une assistance judiciaire gratuite dans toutes les procédures prévues par la directive.

Prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant : plusieurs garanties particulières ont été prévues pour les mineurs (notamment les mineurs non accompagnés). Outre les garanties procédurales spécifiques décrites ci-avant, des dispositions ont également été ajoutées pour que la situation du mineur ne soit pas liée à son état civil (en effet, dans certains pays, l'âge nubile peut être très bas, mais sans rapport avec le degré de maturité ou d'autonomie du mineur).

Révision du concept de pays d'origine sûr, de pays tiers sûr et de pays tiers européen sûr : l’ensemble de ces concepts ont été revus ou supprimés :

  • « pays tiers européen sûrs » : pour les députés, ce concept n'est pas acceptable en l'état. Cette notion n'est assortie d'aucune garantie ni principe minimaux, l'accès au territoire ainsi que l'accès à la procédure d'asile pouvant être tous deux refusés. Ils suppriment dès lors les dispositions qui permettaient de ne pas procéder à un examen ou de ne pas effectuer un examen complet pour les demandes émanant de ces pays (considérés comme observant des normes particulièrement élevées en matière de droits de l'homme et de protection des réfugiés). Seules sont maintenues les dispositions relatives aux « pays tiers sûrs » ;
  • « pays d’origine sûrs » : dans la proposition de directive, un article était prévu pour définir le concept de « pays d’origine sûr » et pouvant être considéré comme « sûr » pour un demandeur déterminé après examen individuel de sa demande. Les députés ont toutefois proposé de supprimer cette notion afin de s’en tenir au seul concept harmonisé de « pays tiers sûr » ;
  • « pays tiers sûrs » : les députés étant favorables à la fixation d’un véritable système européen unique en matière d'asile, ils revoient la définition de l'État tiers sûr. Cette notion doit être uniforme dans tous les États membres. En conséquence, les États membres ne devraient pas pouvoir désigner de listes nationales de pays d'origine sûrs ni des listes nationales de pays tiers sûrs. Au contraire, les députés, proposent une nouvelle définition en vertu de laquelle, en principe, un demandeur de protection internationale émanant d’un pays tiers sûr n’aura pas à craindre ni pour sa vie ni pour sa liberté s’il y est renvoyé. Ces pays devront en outre offrir aux demandeurs un certain nombre de garanties (non-refoulement, possibilité de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ou d'une autre forme de protection,…). Les demandeurs émanant de tels pays devraient pouvoir être réadmis dans ces pays et à la seule condition que ces personnes ne risquent rien au terme d’un examen individuel attestant que le pays tiers est sûr pour chaque demandeur pris individuellement. Á noter par ailleurs que la liste des pays sûrs ne devrait être fixée ou modifiée que par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire.

Aide financière pour les États membres ayant une charge disproportionnée : les députés se penchent sur la question des États membres qui reçoivent un nombre disproportionné de demandes d'asile par rapport à leur population. Les députés demandent notamment que ces pays puissent faire appel à une aide financière ainsi qu’à une assistance administrative et technique du Fonds européen des réfugiés et du Bureau européen d'appui en matière d'asile respectivement pour les aider à se conformer à la directive.

Rapport : les députés demandent que la Commission fasse rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application et les coûts financiers de la directive dans les États membres. Ce rapport devrait être renouvelé tous les 2 ans (au lieu des 5 ans initialement prévus dans la proposition).

Entrée en vigueur : enfin, les députés demandent que la proposition directive entre en vigueur dans les 2 ans qui suivent son adoption (et non dans les 3 ans).