Le Parlement européen a adopté
par 314 voix pour, 306 voix contre et 48 abstentions une résolution
législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et
de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte).
La position du Parlement
européen adoptée en première lecture suivant la procédure législative
ordinaire, modifie la proposition de la Commission comme suit :
Définitions :le
Parlement apporte des précisions au concept de « demandeur ayant des
besoins particuliers » (notamment du fait de son âge, de son sexe,
de son orientation sexuelle, de son identité de genre, d'un handicap, de
maladies physiques ou mentales, etc.). Toutefois contrairement à ce que
proposait la commission au fond, la Plénière n’inclut plus de nouvelle
définition des "membres de la famille".
Autorité responsable de la
détermination : le Parlement a consolidé la cohérence de
l'application des concepts d'autorité de "détermination" et
d'autorité "compétente", l’objectif étant de définir une seule
et unique autorité responsable de la détermination. Il estime en effet
que l'expression recouvrant les personnes devant "traiter les demandes
de protection internationale" est trop vague. Il apporte dès lors des
précisions à la proposition de sorte que tout au long du texte, les
« autorités autres que l'autorité responsable de la détermination »
ne soient compétentes que pour enregistrer la demande et la
transmettre à l'autorité responsable de la détermination qui se chargera de
l'examiner (l’autorité de détermination étant celle devant se prononcer sur
toute décision de protection internationale).
Renforcer les garanties
procédurales : le Parlement a renforcé les garanties procédurales
minimales des demandeurs, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour
de justice de l’UE et de la Convention européenne des droits de l’Homme, en
particulier pour ce qui du droit à être informé, du droit à être
entendu et du droit à bénéficier d'une assistance juridique gratuite
et de la cohérence de l’application de ces droits dans le texte. Parmi les
mesures proposées figurent en particulier un certain nombre de dispositions
destinées à garantir le non-refoulement des demandeurs. Ainsi, le
Parlement réaffirme-t-il que les États membres doivent pleinement respecter
le principe de non-refoulement et le droit d'asile, qui inclut l'accès à une
procédure d'asile pour toute personne souhaitant demander asile et qui relève
de leur juridiction, y compris celles placées sous le contrôle effectif d'un
organisme de l'Union ou d'un État membre.
Techniquement, le Parlement
renforce les garanties procédurales suivantes :
- maintien du demandeur sur
le territoire d’un État membre le temps de statuer sur son cas :
durant la procédure d'examen de sa demande de protection internationale,
le demandeur devrait en principe au moins avoir le droit de rester sur
le territoire de l’État membre dans l'attente de la décision finale de
l'autorité responsable de la détermination et, en cas de décision
négative, le temps de former un recours juridictionnel ;
- examen des demandes par du
personnel compétent et formé : tout entretien sur la
recevabilité d'une demande de protection internationale et sur le
fond d'une demande devrait toujours être mené par le personnel de
l'autorité responsable de la détermination. Compte tenu des conséquences
graves possibles d'une décision d'irrecevabilité, l'entretien personnel
sur la recevabilité de la demande devrait en outre être mené par une
personne ayant reçu la formation nécessaire pour appliquer des notions
complexes, telles que celles de pays tiers sûr et de premier pays d'asile.
Ce personnel devrait en outre demander conseil à des experts, le cas
échéant, sur des matières particulières comme les questions religieuses
ou liées à l'orientation sexuelle. Les États membres devraient par
ailleurs veiller à ce que l'agent responsable de l'entretien sur la
recevabilité de la demande ne porte pas d'uniforme ;
- prise en compte de
l’appartenance sexuelle : les entretiens personnels devraient
être organisés de telle sorte que les demandeurs, hommes et femmes, qui
ont subi des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle puissent
faire part, s'ils le souhaitent, de leurs expériences à un interlocuteur
du même sexe spécialement formé aux entretiens concernant des
persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle ;
- entretien personnel pour
les mineurs : les États membres devraient déterminer dans leur
droit national dans quels cas un mineur se verra offrir la possibilité
d'un entretien personnel, en tenant dûment compte de l'intérêt
supérieur de l'enfant et de ses besoins particuliers ;
- examen médical: les
États membres devraient pouvoir être autorisés à procéder à des examens
médicaux afin de déterminer l'âge d'un mineur non accompagné lorsqu'ils
ont des doutes. Si ces doutes persistent après l'examen médical, la
décision devrait toujours être en faveur du mineur non accompagné.
Tout examen médical devrait en outre être effectué dans le plein respect
de la dignité de la personne, en recourant aux tests les plus fiables et
le moins invasif possible, réalisés par des experts médicaux
qualifiés et impartiaux. Par ailleurs, une décision de rejet de la
demande de protection internationale d'un mineur non accompagné qui a
refusé de se soumettre à un examen médical ne devrait pas être fondée
sur le seul fait que le mineur a refusé l’examen médical ;
- respect de la dignité des
demandeurs : en cas de fouille au corps (notamment, au moment
de déterminer l’identité du demandeur), les autorités compétentes
devraient effectuer cette fouille par une personne du même sexe, en
tenant compte des questions d'âge et de culture (en pleine conformité
avec les principes de dignité humaine et d'intégrité physique et mentale
des demandeurs) ;
- information des demandeurs
dans une langue compréhensible pour eux : les informations
destinées aux demandeurs devraient être communiquées dans une langue
qu’ils comprennent afin de leur offrir une opportunité adéquate et
réelle de comprendre le plus tôt possible, la procédure à suivre, leurs
droits et obligations ;
- qualification des
interprètes : au regard des lacunes récemment mises en évidence
quant à la qualification des interprètes, un code de conduite des
interprètes devrait être défini au niveau national afin d'offrir aux
demandeurs une opportunité adéquate et réelle d'étayer leur demande de
protection et de garantir une meilleure compréhension et collaboration
entre les interprètes et le personnel en charge de mener
l'entretien ;
- intervention d’un
représentant légal si le demandeur ne peut déposer sa demande lui-même :
lorsque le demandeur ne peut pas déposer sa demande en personne, les
États membres devraient faire en sorte qu'un représentant légal puisse
présenter sa demande en son nom (en cas de raisons médicales, par
exemple) ;
- dépôt d’une demande par un
représentant légal pour les mineurs : les États membres
devraient faire en sorte que les mineurs aient le droit de présenter une
demande de protection internationale soit en leur nom, soit par
l'intermédiaire d’un représentant légal. Cette garantie devrait
également s’appliquer si le mineur est marié ;
- rejet motivé d’une demande :
les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu'une demande ayant
trait au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection
subsidiaire est rejetée ou accordée, la décision soit clairement motivée
en fait et en droit et que les possibilités de recours contre une
décision négative soient communiquées par écrit au moment où la
décision est prise et signées par le destinataire au moment de leur
réception ;
- contestation du concept de
premier asile si le pays concerné n’est pas sûr : un demandeur
devrait pouvoir être autorisé à contester l'application du concept de
premier pays d'asile au motif que ledit premier pays d'asile n'est
pas sûr dans son cas particulier ;
- fixation d’un délai pour
le dépôt d’un recours : compte tenu de la grande variété des
délais qui ont été déterminés par les États membres, le Parlement
demande l’introduction d’un délai minimum commun, permettant au
demandeur de jouir en droit et en pratique de l'accès à un recours
effectif. Ce délai devrait être de 45 jours ouvrables (et pour les
demandeurs relevant de la procédure accélérée, de 30 jours ouvrables).
Détention : le
Parlement réaffirme que la détention des mineurs est strictement interdite
dans toutes les circonstances. Par ailleurs, le maintien des demandeurs à la
frontière des États membres ou dans leurs zones de transit devrait satisfaire
aux exigences posées en la matière par la proposition
de la Commission relative aux conditions d'accueil.
Conseils juridiques des
demandeurs : plusieurs nouvelles dispositions ont été introduites
afin de renforcer le dispositif lié à l’assistance juridique du demandeur.
Ainsi :
- le demandeur et son conseil
juridique devraient avoir accès à toutes les informations sur les pays
d'origine et sur la procédure de demande elle-même ;
- l’assistance judiciaire
devrait être prise en charge par un organisme non gouvernemental
qualifié ou par des professionnels qualifiés.
Á noter que contrairement à la
position de sa commission au fond, la Plénière rejette l’idée d’une
représentation judiciaire gratuite pour les demandeurs de protection
internationale.
Prise en compte de la
vulnérabilité de certains demandeurs : la notion de demandeur
vulnérable devrait recouvrir les mineurs, les mineurs non accompagnés mais
aussi les femmes enceintes, les personnes qui ont subi des tortures,
des viols ou d'autres formes graves de violence, telles que les violences
basées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes, ou les
personnes handicapées. Ces personnes devraient bénéficier d’une assistance
judiciaire gratuite dans toutes les procédures prévues par la directive.
Prise en compte de l'intérêt
supérieur de l'enfant : plusieurs garanties particulières ont été
prévues pour les mineurs (notamment les mineurs non accompagnés). Outre les
garanties procédurales spécifiques décrites ci-avant, des dispositions ont
également été ajoutées pour que la situation du mineur ne soit pas liée à son
état civil (en effet, dans certains pays, l'âge nubile peut être très bas,
mais sans rapport avec le degré de maturité ou d'autonomie du mineur).
Retrait d’une demande :
dans une série de nouveaux amendements adoptés en Plénière, le Parlement a
proposé de durcir le dispositif destiné à faciliter le retrait d’une demande.
Ainsi, le Parlement estime que lorsqu’il existe un motif sérieux de penser
que le demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé
implicitement sans motif valable, l’autorité responsable de la détermination
devrait prendre la décision, soit de clore son examen soit de rejeter la
demande d'asile au motif que le demandeur n'a pas démontré qu'il a droit au
statut de réfugié, en particulier : i) s’il a refusé de coopérer, ii) il
s'est enfui illégalement, iii) selon toute vraisemblance, il n'a pas droit à
une protection internationale, iv) il est originaire d'un pays tiers sûr ou a
transité par un tel pays. En cas de réouverture du dossier (si un demandeur
se présente à nouveau à l'autorité compétente après une décision de clôture
de l'examen), cette demande de réouverture ne pourrait être présentée qu'une
seule fois.
Procédure d’examen accélérée :
dans une série de nouveaux amendements, la Plénière précise par ailleurs que
la procédure accélérée pourra s’appliquer s’il apparaît que :
- le demandeur ne peut
manifestement pas être reconnu comme réfugié ou ne remplit pas les
conditions requises pour prétendre au statut de réfugié dans un État
membre,
- il a fait des déclarations
clairement incohérentes, contradictoires, invraisemblables, incomplètes
ou inexactes, qui rendent manifestement non convaincante son affirmation
selon laquelle il aurait fait l'objet de persécutions,
- il a déposé une nouvelle
demande dans laquelle il n'invoque manifestement aucun élément nouveau
pertinent par rapport à sa situation personnelle ou à la situation dans
son pays d'origine,
- il n’a pas introduit plus tôt
sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le
faire,
- il n’a pas satisfait à ses
obligations en matière de coopération à l'examen de son identité,
- le demandeur est entré ou a
prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l’État membre et,
sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités et/ou n’a pas
introduit sa demande d’asile dans les délais les plus brefs compte tenu
des circonstances de son entrée sur le territoire,
- il y a des raisons sérieuses
de penser que le demandeur peut représenter un danger pour la sécurité
nationale de l'État membre, ou le demandeur a fait l'objet d'une
décision d'éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité publique
ou d'ordre public au regard du droit national.
Révision du concept de pays
tiers sûr et de pays tiers européen sûr : ces concepts ont été revus
ou supprimés :
- « pays tiers européen
sûr » : pour le Parlement, ce concept n'est pas acceptable
en l'état. Cette notion n'est assortie d'aucune garantie ni principe
minimaux, l'accès au territoire ainsi que l'accès à la procédure d'asile
pouvant être tous deux refusés. Il supprime dès lors les dispositions
qui permettent de ne pas procéder à l’examen d’une demande ou de ne pas
effectuer un examen complet pour les demandes émanant de ces pays
(considérés comme observant des normes particulièrement élevées en
matière de droits de l'homme et de protection des réfugiés) ;
- désignation par un État
membre de pays tiers comme pays d'origine sûrs : la possibilité
qu’ont les États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions
législatives leur permettant de désigner des pays d'origine sûrs, au
niveau national, aux fins de l'examen de demandes de protection
internationale est supprimée par le Parlement dans la mesure où
l'objectif est d'établir un système européen unique en matière
d'asile. C'est pourquoi, la définition de l'État tiers sûr doit être
uniforme dans tous les États membres. La Plénière maintient toutefois
(contrairement à sa commission au fond) la proposition de la Commission
quant au concept de pays d’origine sûr en vertu duquel
un pays peut être considéré comme « sûr » pour un
demandeur déterminé après examen individuel de sa demande ;
- « pays tiers
sûrs » : le Parlement revoit la définition de l'État
tiers sûr. Il propose ainsi une nouvelle définition de ce concept en
vertu de laquelle, en principe, un demandeur de protection
internationale émanant d’un pays tiers sûr n’aura pas à craindre ni pour
sa vie ni pour sa liberté s’il y est renvoyé. Ces pays devront en outre
offrir aux demandeurs un certain nombre de garanties (non-refoulement,
possibilité de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ou
d'une autre forme de protection,…). Les demandeurs émanant de tels pays
devraient pouvoir être réadmis dans ces pays et à la seule condition que
ces personnes ne risquent rien au terme d’un examen individuel attestant
que le pays tiers est sûr pour chaque demandeur pris individuellement. La
liste des pays sûrs devrait en outre être fixée ou modifiée par le
Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure
législative ordinaire.
Aide financière pour les
États membres ayant une charge disproportionnée : le Parlement
demande que les États membres qui reçoivent un nombre disproportionné de
demandes d'asile par rapport à leur population puissent faire appel à une
aide financière ainsi qu’à une assistance administrative et technique du
Fonds européen des réfugiés et du Bureau européen d'appui en matière d'asile
respectivement pour les aider à se conformer à la directive.
Rapport : le
Parlement demande que la Commission fasse rapport au Parlement européen et au
Conseil sur l'application et les coûts financiers de la directive dans les
États membres. Ce rapport devrait être renouvelé tous les 2 ans (au lieu des
5 ans initialement prévus dans la proposition).
Entrée en vigueur :
enfin, le Parlement demande que la proposition directive entre en vigueur
dans les 2 ans qui suivent son adoption (et non dans les 3 ans).