Procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Refonte

2009/0165(COD)

Le Parlement européen a adopté par 314 voix pour, 306 voix contre et 48 abstentions une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte).

La position du Parlement européen adoptée en première lecture suivant la procédure législative ordinaire, modifie la proposition de la Commission comme suit :

Définitions :le Parlement apporte des précisions au concept de « demandeur ayant des besoins particuliers » (notamment du fait de son âge, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, d'un handicap, de maladies physiques ou mentales, etc.). Toutefois contrairement à ce que proposait la commission au fond, la Plénière n’inclut plus de nouvelle définition des "membres de la famille".

Autorité responsable de la détermination : le Parlement a consolidé la cohérence de l'application des concepts d'autorité de "détermination" et d'autorité "compétente", l’objectif étant de définir une seule et unique autorité responsable de la détermination. Il estime en effet que l'expression recouvrant les personnes devant "traiter les demandes de protection internationale" est trop vague. Il apporte dès lors des précisions à la proposition de sorte que tout au long du texte, les « autorités autres que l'autorité responsable de la détermination » ne soient compétentes que pour enregistrer la demande et la transmettre à l'autorité responsable de la détermination qui se chargera de l'examiner (l’autorité de détermination étant celle devant se prononcer sur toute décision de protection internationale).

Renforcer les garanties procédurales : le Parlement a renforcé les garanties procédurales minimales des demandeurs, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE et de la Convention européenne des droits de l’Homme, en particulier pour ce qui du droit à être informé, du droit à être entendu et du droit à bénéficier d'une assistance juridique gratuite et de la cohérence de l’application de ces droits dans le texte. Parmi les mesures proposées figurent en particulier un certain nombre de dispositions destinées à garantir le non-refoulement des demandeurs. Ainsi, le Parlement réaffirme-t-il que les États membres doivent pleinement respecter le principe de non-refoulement et le droit d'asile, qui inclut l'accès à une procédure d'asile pour toute personne souhaitant demander asile et qui relève de leur juridiction, y compris celles placées sous le contrôle effectif d'un organisme de l'Union ou d'un État membre.

Techniquement, le Parlement renforce les garanties procédurales suivantes :

  • maintien du demandeur sur le territoire d’un État membre le temps de statuer sur son cas : durant la procédure d'examen de sa demande de protection internationale, le demandeur devrait en principe au moins avoir le droit de rester sur le territoire de l’État membre dans l'attente de la décision finale de l'autorité responsable de la détermination et, en cas de décision négative, le temps de former un recours juridictionnel ;
  • examen des demandes par du personnel compétent et formé : tout entretien sur la recevabilité d'une demande de protection internationale et sur le fond d'une demande devrait toujours être mené par le personnel de l'autorité responsable de la détermination. Compte tenu des conséquences graves possibles d'une décision d'irrecevabilité, l'entretien personnel sur la recevabilité de la demande devrait en outre être mené par une personne ayant reçu la formation nécessaire pour appliquer des notions complexes, telles que celles de pays tiers sûr et de premier pays d'asile. Ce personnel devrait en outre demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions religieuses ou liées à l'orientation sexuelle. Les États membres devraient par ailleurs veiller à ce que l'agent responsable de l'entretien sur la recevabilité de la demande ne porte pas d'uniforme ;
  • prise en compte de l’appartenance sexuelle : les entretiens personnels devraient être organisés de telle sorte que les demandeurs, hommes et femmes, qui ont subi des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle puissent faire part, s'ils le souhaitent, de leurs expériences à un interlocuteur du même sexe spécialement formé aux entretiens concernant des persécutions fondées sur l'appartenance sexuelle ;
  • entretien personnel pour les mineurs : les États membres devraient déterminer dans leur droit national dans quels cas un mineur se verra offrir la possibilité d'un entretien personnel, en tenant dûment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses besoins particuliers ;
  • examen médical: les États membres devraient pouvoir être autorisés à procéder à des examens médicaux afin de déterminer l'âge d'un mineur non accompagné lorsqu'ils ont des doutes. Si ces doutes persistent après l'examen médical, la décision devrait toujours être en faveur du mineur non accompagné. Tout examen médical devrait en outre être effectué dans le plein respect de la dignité de la personne, en recourant aux tests les plus fiables et le moins invasif possible, réalisés par des experts médicaux qualifiés et impartiaux. Par ailleurs, une décision de rejet de la demande de protection internationale d'un mineur non accompagné qui a refusé de se soumettre à un examen médical ne devrait pas être fondée sur le seul fait que le mineur a refusé l’examen médical ;
  • respect de la dignité des demandeurs : en cas de fouille au corps (notamment, au moment de déterminer l’identité du demandeur), les autorités compétentes devraient effectuer cette fouille par une personne du même sexe, en tenant compte des questions d'âge et de culture (en pleine conformité avec les principes de dignité humaine et d'intégrité physique et mentale des demandeurs) ;
  • information des demandeurs dans une langue compréhensible pour eux : les informations destinées aux demandeurs devraient être communiquées dans une langue qu’ils comprennent afin de leur offrir une opportunité adéquate et réelle de comprendre le plus tôt possible, la procédure à suivre, leurs droits et obligations ;
  • qualification des interprètes : au regard des lacunes récemment mises en évidence quant à la qualification des interprètes, un code de conduite des interprètes devrait être défini au niveau national afin d'offrir aux demandeurs une opportunité adéquate et réelle d'étayer leur demande de protection et de garantir une meilleure compréhension et collaboration entre les interprètes et le personnel en charge de mener l'entretien ;
  • intervention d’un représentant légal si le demandeur ne peut déposer sa demande lui-même : lorsque le demandeur ne peut pas déposer sa demande en personne, les États membres devraient faire en sorte qu'un représentant légal puisse présenter sa demande en son nom (en cas de raisons médicales, par exemple) ;
  • dépôt d’une demande par un représentant légal pour les mineurs : les États membres devraient faire en sorte que les mineurs aient le droit de présenter une demande de protection internationale soit en leur nom, soit par l'intermédiaire d’un représentant légal. Cette garantie devrait également s’appliquer si le mineur est marié ;
  • rejet motivé d’une demande : les États membres devraient veiller à ce que, lorsqu'une demande ayant trait au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire est rejetée ou accordée, la décision soit clairement motivée en fait et en droit et que les possibilités de recours contre une décision négative soient communiquées par écrit au moment où la décision est prise et signées par le destinataire au moment de leur réception ;
  • contestation du concept de premier asile si le pays concerné n’est pas sûr : un demandeur devrait pouvoir être autorisé à contester l'application du concept de premier pays d'asile au motif que ledit premier pays d'asile n'est pas sûr dans son cas particulier ;
  • fixation d’un délai pour le dépôt d’un recours : compte tenu de la grande variété des délais qui ont été déterminés par les États membres, le Parlement demande l’introduction d’un délai minimum commun, permettant au demandeur de jouir en droit et en pratique de l'accès à un recours effectif. Ce délai devrait être de 45 jours ouvrables (et pour les demandeurs relevant de la procédure accélérée, de 30 jours ouvrables).

Détention : le Parlement réaffirme que la détention des mineurs est strictement interdite dans toutes les circonstances. Par ailleurs, le maintien des demandeurs à la frontière des États membres ou dans leurs zones de transit devrait satisfaire aux exigences posées en la matière par la proposition de la Commission relative aux conditions d'accueil.

Conseils juridiques des demandeurs : plusieurs nouvelles dispositions ont été introduites afin de renforcer le dispositif lié à l’assistance juridique du demandeur. Ainsi :

  • le demandeur et son conseil juridique devraient avoir accès à toutes les informations sur les pays d'origine et sur la procédure de demande elle-même ;
  • l’assistance judiciaire devrait être prise en charge par un organisme non gouvernemental qualifié ou par des professionnels qualifiés.

Á noter que contrairement à la position de sa commission au fond, la Plénière rejette l’idée d’une représentation judiciaire gratuite pour les demandeurs de protection internationale.

Prise en compte de la vulnérabilité de certains demandeurs : la notion de demandeur vulnérable devrait recouvrir les mineurs, les mineurs non accompagnés mais aussi les femmes enceintes, les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence, telles que les violences basées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes, ou les personnes handicapées. Ces personnes devraient bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite dans toutes les procédures prévues par la directive.

Prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant : plusieurs garanties particulières ont été prévues pour les mineurs (notamment les mineurs non accompagnés). Outre les garanties procédurales spécifiques décrites ci-avant, des dispositions ont également été ajoutées pour que la situation du mineur ne soit pas liée à son état civil (en effet, dans certains pays, l'âge nubile peut être très bas, mais sans rapport avec le degré de maturité ou d'autonomie du mineur).

Retrait d’une demande : dans une série de nouveaux amendements adoptés en Plénière, le Parlement a proposé de durcir le dispositif destiné à faciliter le retrait d’une demande. Ainsi, le Parlement estime que lorsqu’il existe un motif sérieux de penser que le demandeur a retiré implicitement sa demande ou y a renoncé implicitement sans motif valable, l’autorité responsable de la détermination devrait prendre la décision, soit de clore son examen soit de rejeter la demande d'asile au motif que le demandeur n'a pas démontré qu'il a droit au statut de réfugié, en particulier : i) s’il a refusé de coopérer, ii) il s'est enfui illégalement, iii) selon toute vraisemblance, il n'a pas droit à une protection internationale, iv) il est originaire d'un pays tiers sûr ou a transité par un tel pays. En cas de réouverture du dossier (si un demandeur se présente à nouveau à l'autorité compétente après une décision de clôture de l'examen), cette demande de réouverture ne pourrait être présentée qu'une seule fois.

Procédure d’examen accélérée : dans une série de nouveaux amendements, la Plénière précise par ailleurs que la procédure accélérée pourra s’appliquer s’il apparaît que :

  • le demandeur ne peut manifestement pas être reconnu comme réfugié ou ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié dans un État membre,
  • il a fait des déclarations clairement incohérentes, contradictoires, invraisemblables, incomplètes ou inexactes, qui rendent manifestement non convaincante son affirmation selon laquelle il aurait fait l'objet de persécutions,
  • il a déposé une nouvelle demande dans laquelle il n'invoque manifestement aucun élément nouveau pertinent par rapport à sa situation personnelle ou à la situation dans son pays d'origine,
  • il n’a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire,
  • il n’a pas satisfait à ses obligations en matière de coopération à l'examen de son identité,
  • le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l’État membre et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités et/ou n’a pas introduit sa demande d’asile dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire,
  • il y a des raisons sérieuses de penser que le demandeur peut représenter un danger pour la sécurité nationale de l'État membre, ou le demandeur a fait l'objet d'une décision d'éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité publique ou d'ordre public au regard du droit national.

Révision du concept de pays tiers sûr et de pays tiers européen sûr : ces concepts ont été revus ou supprimés :

  • « pays tiers européen sûr » : pour le Parlement, ce concept n'est pas acceptable en l'état. Cette notion n'est assortie d'aucune garantie ni principe minimaux, l'accès au territoire ainsi que l'accès à la procédure d'asile pouvant être tous deux refusés. Il supprime dès lors les dispositions qui permettent de ne pas procéder à l’examen d’une demande ou de ne pas effectuer un examen complet pour les demandes émanant de ces pays (considérés comme observant des normes particulièrement élevées en matière de droits de l'homme et de protection des réfugiés) ;
  • désignation par un État membre de pays tiers comme pays d'origine sûrs : la possibilité qu’ont les États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions législatives leur permettant de désigner des pays d'origine sûrs, au niveau national, aux fins de l'examen de demandes de protection internationale est supprimée par le Parlement dans la mesure où l'objectif est d'établir un système européen unique en matière d'asile. C'est pourquoi, la définition de l'État tiers sûr doit être uniforme dans tous les États membres. La Plénière maintient toutefois (contrairement à sa commission au fond) la proposition de la Commission quant au concept de pays d’origine sûr en vertu duquel un pays peut être considéré comme « sûr » pour un demandeur déterminé après examen individuel de sa demande ;
  • « pays tiers sûrs » : le Parlement revoit la définition de l'État tiers sûr. Il propose ainsi une nouvelle définition de ce concept en vertu de laquelle, en principe, un demandeur de protection internationale émanant d’un pays tiers sûr n’aura pas à craindre ni pour sa vie ni pour sa liberté s’il y est renvoyé. Ces pays devront en outre offrir aux demandeurs un certain nombre de garanties (non-refoulement, possibilité de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ou d'une autre forme de protection,…). Les demandeurs émanant de tels pays devraient pouvoir être réadmis dans ces pays et à la seule condition que ces personnes ne risquent rien au terme d’un examen individuel attestant que le pays tiers est sûr pour chaque demandeur pris individuellement. La liste des pays sûrs devrait en outre être fixée ou modifiée par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire.

Aide financière pour les États membres ayant une charge disproportionnée : le Parlement demande que les États membres qui reçoivent un nombre disproportionné de demandes d'asile par rapport à leur population puissent faire appel à une aide financière ainsi qu’à une assistance administrative et technique du Fonds européen des réfugiés et du Bureau européen d'appui en matière d'asile respectivement pour les aider à se conformer à la directive.

Rapport : le Parlement demande que la Commission fasse rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application et les coûts financiers de la directive dans les États membres. Ce rapport devrait être renouvelé tous les 2 ans (au lieu des 5 ans initialement prévus dans la proposition).

Entrée en vigueur : enfin, le Parlement demande que la proposition directive entre en vigueur dans les 2 ans qui suivent son adoption (et non dans les 3 ans).