Mandat d'arrêt européen et procédures de remise entre États membres. Décision-cadre

2001/0215(CNS)

Le présent rapport porte sur la mise en œuvre, depuis 2007, de la décision-cadre du Conseil sur le mandat d'arrêt européen. D'après les statistiques disponibles compilées pour les années 2005 à 2009, 54.689 mandats d'arrêt européens ont été émis et 11.630 exécutés. Au cours de cette période, entre 51% et 62% des personnes recherchées ont consenti à leur remise, en moyenne dans un délai de 14 à 17 jours. Le délai moyen, pour les personnes ne consentant pas à leur remise, s'élevait à 48 jours. C'est là un progrès considérable par rapport à la situation qui prévalait avant l'introduction du mandat d'arrêt européen, lorsque l'extradition des personnes recherchées prenait en moyenne une année. En outre, la libre circulation des personnes dans l'UE s'en est indéniablement trouvée renforcée, grâce à un mécanisme plus efficace, veillant à ce que l'ouverture des frontières ne profite pas à ceux qui cherchent à échapper à la justice.

Néanmoins, ces 7 dernières années ont également montré que, malgré sa réussite sur le plan opérationnel, le système du mandat d'arrêt européen est loin d'être parfait. Les États membres, les parlementaires européens et nationaux, les groupes issus de la société civile et les citoyens ont tous fait part de préoccupations quant au fonctionnement du mandat d'arrêt européen, et en particulier quant à ses effets sur les droits fondamentaux. Les principaux griefs mis en lumière par le rapport sont les suivants :

  • absence d'un droit de représentation juridique dans l'État émetteur pendant le déroulement de la procédure de remise dans l'État d'exécution;
  • conditions de détention dans certains États membres combinées parfois à de très longues durées de détention provisoire pour les personnes remises,
  • application hétérogène d'un contrôle de la proportionnalité par les États émetteurs, ce qui oblige, si l'État d'exécution n'opère pas de contrôle de la proportionnalité, à exécuter des demandes de remise pour des infractions relativement mineures.

D'après les questions soulevées au sujet du fonctionnement du mandat d'arrêt européen, il semblerait que, bien que la législation et les procédures pénales de tous les États membres soient soumises aux normes de la Cour européenne des droits de l'homme, des doutes subsistent quant à l'homogénéité des normes à travers l'UE. Si une personne peut effectivement s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme pour faire valoir des droits découlant de la Convention européenne des droits de l'homme, une telle action ne peut intervenir qu'après qu'un manquement présumé a eu lieu et que toutes les voies de recours juridiques nationales ont été épuisées. Il s'avère que cette procédure n'a pas permis de garantir efficacement que les signataires respectent les normes de la Convention.

Feuille de route : cette situation a nourri la réflexion actuelle de la Commission sur la mise en œuvre de la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales. Le présent rapport se concentre sur les mesures prises en application de la feuille de route. L’une de ces mesures concerne notamment une directive relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales. La deuxième mesure est actuellement examinée par le Parlement européen et le Conseil, et la Commission est en train de réaliser un travail préparatoire sur les autres mesures. L'examen du droit à l'assistance d'un conseiller juridique inclura la question de la représentation pour les personnes recherchées tant dans les États émetteurs que dans les États d'exécution dans le cadre des procédures de remise. Les directives déjà proposées comportent des articles qui appliquent expressément ces droits au mandat d'arrêt européen. La directive relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales propose également un modèle de déclaration des droits spécifique au mandat d'arrêt européen.

Autre question liée au mandat d'arrêt européen, les citoyens de l'Union qui ne résident pas dans l'État membre où ils sont soupçonnés d'avoir commis une infraction pénale sont très souvent placés en détention provisoire, pour des raisons qui tiennent essentiellement au risque de fuite. Le Conseil a adopté la «décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil concernant l'application, entre les États membres de l'Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu'alternative à la détention provisoire» qui introduit la possibilité de transférer une mesure de contrôle non privative de liberté de l'État membre où la personne non résidente est soupçonnée d'avoir commis une infraction vers l'État membre de résidence habituelle. Ainsi, le suspect peut faire l'objet d'une mesure de contrôle dans son environnement habituel, en attendant son procès dans l'État membre étranger.

Proportionnalité, sur cette question, la Commission indique qu'il existe un consensus général entre les États membres selon lequel un contrôle de la proportionnalité est nécessaire pour éviter que des mandats d'arrêt européens ne soient émis pour des infractions qui ne sont pas suffisamment graves. Les conséquences sur la liberté des personnes recherchées sont parfois disproportionnées lorsque des mandats d'arrêt européens sont émis dans des affaires pour lesquelles la détention (provisoire) serait normalement considérée comme inappropriée. Vu ce consensus général, tous les États membres devraient appliquer un critère de proportionnalité, notamment les juridictions dans lesquelles les poursuites sont obligatoires. Un manuel a donc été adopté dans ce contexte qui propose des lignes directrices pour une mise en œuvre uniforme de cet instrument. Pour garantir la confiance mutuelle essentielle au fonctionnement durable du mandat d'arrêt européen, les autorités judiciaires de tous les États membres doivent enfin respecter les accords conclus dans ce cadre discrétionnaire.

Le rapport conclut que des actions doivent être menées dans les domaines suivants :

  • Transposition: les États membres doivent prendre des mesures législatives, lorsqu'elles sont nécessaires, pour agir sur les domaines dans lesquels leurs modalités d'application ne sont pas conformes à la décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen ;
  • Droits fondamentaux: les mesures découlant de la feuille de route relative aux droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies doivent être adoptées et mises en œuvre pour garantir la protection des libertés et des droits fondamentaux et renforcer la confiance mutuelle ;
  • Proportionnalité: les autorités judiciaires doivent recourir au système du mandat d'arrêt européen uniquement lorsqu'une demande de remise est proportionnée, quelles que soient les caractéristiques de l'affaire, et doivent appliquer un critère de proportionnalité de manière uniforme dans tous les États membres ;
  • Formation: la formation des autorités judiciaires est essentielle pour garantir une cohérence dans des domaines tels que l'application d'un critère de proportionnalité dans l'ensemble des États membres. La Commission note que le réseau judiciaire européen lancera un nouveau site internet en 2011, qui constituera un précieux outil pour s'assurer que les autorités judiciaires ont accès aux informations appropriées en ce qui concerne le mandat d'arrêt européen ;
  • Mise en œuvre des instruments complémentaires: des mesures considérables ont été prises pour répondre aux questions soulevées par le transfert des décisions judiciaires, les jugements par défaut, les conflits de compétences et la reconnaissance des ordonnances de contrôle judiciaire. Leur mise en œuvre rapide et prochaine par les États membres permettra peut-être d'améliorer davantage encore le fonctionnement concret du mandat d'arrêt européen ;
  • Statistiques: les données statistiques disponibles pour l'analyse sont largement lacunaires, et ce pour plusieurs raisons. Les États membres n'ont pas tous systématiquement fourni des données et ne disposent pas d'un outil statistique commun. En outre, les réponses au questionnaire annuel du Conseil peuvent être interprétées de différentes manières. La Commission exhorte donc les États membres à respecter leur obligation en la matière. La Commission prendra toutes les mesures possibles pour corriger les lacunes du questionnaire sur les statistiques relatives au mandat d'arrêt européen et étudiera les moyens d'améliorer la collecte de statistiques.