L'espace Schengen repose sur un
arsenal de règles (l'acquis de Schengen) qui englobe tant la suppression du contrôle
aux frontières intérieures et les règles communes en matière de contrôle des
frontières extérieures qu'une politique commune en matière de visas, la
coopération policière et judiciaire, des règles communes sur le retour de
migrants irréguliers et la création de bases de données communes telles que
le système d’information Schengen (SIS).
Les fondements de la
coopération Schengen sont solides, mais l'actualité récente a mis en lumière
la nécessité de garantir que l'espace Schengen puisse réagir efficacement aux
tensions que peuvent faire peser sur lui des faiblesses aux frontières
extérieures ou des facteurs exogènes sur lesquels il n'a pas de prise.
L'Union doit réagir en relevant ces défis multiformes tout en sauvegardant le
droit des citoyens à la libre circulation
La présente communication
constitue la réponse à l'appel du Conseil «Justice et affaires intérieures»
du mois des 23 et 24 juin en faveur d'un pilotage politique renforcé de la
coopération Schengen, et à la résolution
du Parlement européen du mois de juillet, qui exigeait un nouveau
mécanisme s'attachant à promouvoir la liberté de circulation et à renforcer
la gouvernance européenne de l'espace Schengen.
L'Union européenne a déjà mis
en place des outils pour aider les États membres à respecter leurs
obligations et à faire face à des situations critiques susceptibles de mettre
l'espace Schengen en péril. Ils peuvent, par exemple, obtenir un soutien
financier et pratique auprès de la Commission, par l'intermédiaire des fonds
de l'UE. FRONTEX est en mesure d'organiser des opérations conjointes ou de
déployer des équipes d'intervention rapide aux frontières. Les États membres
peuvent également faire appel à d'autres États membres, à EUROPOL ou au
Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA).
Ces outils ne sont cependant
pas suffisants, intrinsèquement, pour garantir que les règles de Schengen
soient appliquées de manière cohérente par chaque État membre. C'est le mécanisme
d'évaluation de Schengen qui permet d'y veiller: il est utilisé pour
assurer le suivi de l'application de l'acquis de Schengen et pour publier des
recommandations sur toute insuffisance constatée. Le mécanisme en vigueur,
qui repose sur un système intergouvernemental d'évaluation par les pairs,
n'est pas assez robuste pour remédier efficacement à toutes les faiblesses.
C'est la raison pour laquelle
la Commission a proposé de recourir à une approche dirigée par l'Union. Ce
mécanisme ne prend toutefois pas en compte les situations dans lesquelles ces
mesures s’avèrent insuffisantes pour remédier aux carences dont fait preuve
un État membre dans la mise en œuvre de l'acquis, notamment en ce qui
concerne le contrôle de ses frontières extérieures. Aussi, quand des
mesures prises au niveau de l'Union ou au niveau national n'apportent pas
d'amélioration, il pourrait s'avérer nécessaire de réintroduire le
contrôle aux frontières intérieures avec l'État membre qui se met en
défaut, lorsque la situation est telle qu'elle constitue une menace grave
pour l'ordre public ou la sécurité intérieure de l'Union ou d'un État membre.
Une telle mesure ne serait prise qu'en dernier recours, et n'aurait
que l'ampleur et la durée requises pour atténuer raisonnablement les
conséquences négatives des circonstances exceptionnelles. Prévoir une telle
possibilité dans le système de gouvernance de Schengen constituerait
également une mesure préventive ayant un effet dissuasif.
Circonstances
exceptionnelles pouvant donner lieu, en dernier recours, à la réintroduction
des contrôles aux frontières intérieures : l'existence d'une menace
grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure demeurera l'unique raison
pouvant motiver la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures.
Les critères stricts permettant de mettre exceptionnellement entre
parenthèses l'espace sans frontières intérieures ne sont pas allégés, et
seront appliqués dans chaque situation où une telle mesure est envisagée. La
communication détaille ce type de situation.
- Événements prévisibles
dont les incidences sont de courte durée et très localisées : lorsque
l'événement nécessitant la réintroduction de contrôles aux frontières
intérieures est prévisible, l'État membre informera la Commission et les
autres États membres au moins six semaines à l'avance en leur
fournissant toutes les informations pertinentes justifiant une telle
réintroduction et relatives à son champ d'application et à sa durée
prévues. L'expérience montre que ce type de scénario correspond aux
situations qui sont le plus susceptibles de donner lieu à une
réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, par exemple en
raison de grands événements sportifs, de manifestations de nature
politique, de réunions politiques de haut niveau, etc.
- Urgence imprévue
nécessitant une action à court terme : certains événements
nécessitant de prendre des mesures drastiques à court terme pour
préserver la sécurité ou d'autres intérêts publics essentiels, notamment
la réintroduction éventuelle des contrôles aux frontières intérieures
pour une durée limitée, sont par nature imprévisibles. Il pourrait s'agir,
par exemple, d'attentats terroristes ou d'autres actes criminels de
grande ampleur, de tels événements nécessitant de prendre toutes les
mesures possibles pour garantir l'arrestation rapide des auteurs des
actes en cause.
- Défaillance persistante dans
la gestion d'une section de la frontière extérieure de l'Union :
dans certaines circonstances, il peut s'avérer nécessaire, en dernier
recours et après avoir épuisé toutes les autres possibilités d'action,
d'atténuer l'incidence négative de l'absence de contrôle par un État
membre de sa section des frontières extérieures en recourant à la
réintroduction temporaire de certains contrôles aux frontières
intérieures. Les défaillances en matière de gestion des frontières
seraient relevées dans le rapport préparé dans le cadre du mécanisme
d'évaluation, qui comprendrait des recommandations sur la manière de
remédier à ces défaillances. L'État membre concerné serait tenu
d'élaborer un plan d'action visant à donner suite à ces recommandations
et dont la mise en œuvre ferait l'objet d'un suivi par la Commission.
Celle-ci pourrait inviter l'État membre concerné à prendre certaines
mesures spécifiques comme demander une aide à FRONTEX ou fermer un point
de passage frontalier précis pendant une période donnée afin de pallier
certaines carences. Toutefois, si ces mesures s'avèrent inefficaces pour
remédier aux défaillances constatées, et pour autant que ces
défaillances constituent une menace grave pour l'ordre public ou la
sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national, la
Commission pourrait décider de réintroduire temporairement les contrôles
aux frontières intérieures. Avant de prendre une mesure aussi drastique,
la Commission tiendrait dûment compte de sa nécessité et de sa
proportionnalité, en évaluant notamment son incidence probable sur la
libre circulation des personnes à l'intérieur de l'espace Schengen.
- Événements ayant des
incidences potentiellement importantes à court ou plus long terme :
il peut arriver qu'un grand nombre de ressortissants de pays tiers
franchissent la frontière extérieure d'un ou de plusieurs États membres,
ce qui peut donner lieu à des mouvements secondaires inattendus et de
grande ampleur de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière
sur le territoire d'autres États membres. En pareille situation, et dans
la mesure où les circonstances sont de nature à constituer une menace
grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure de l'Union ou d'un
État membre, la réintroduction temporaire de certains contrôles aux frontières
intérieures pourrait être envisagée en dernier recours. L'État membre
souhaitant rétablir les contrôles aux frontières intérieures dans de
telles circonstances pourrait en faire la demande à la Commission. Avant
de prendre une telle décision, la Commission devrait consulter les États
membres et acteurs concernés et acquérir la conviction qu'il s'agit de
la seule mesure susceptible d'être efficace. Le franchissement de la
frontière extérieure par un grand nombre de ressortissants de pays tiers
peut, dans certaines circonstances, justifier la réintroduction
immédiate de certains contrôles aux frontières intérieures pendant une
période donnée, afin de veiller à ce que les mesures nécessaires
puissent être prises rapidement pour préserver l'ordre public et la
sécurité intérieure au niveau de l'Union ou à l'échelon national.
Toute décision sur la
réintroduction temporaire du contrôle aux frontières devra reposer, d'une
part, sur une analyse de la nécessité de recourir à une telle mesure pour
réduire la menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de
l'Union ou au niveau national ayant donné lieu à la demande ou à l'initiative
de réintroduction, et d'autre part, sur une évaluation de la proportionnalité
de la mesure par rapport à la menace. Cette analyse devra s'appuyer sur les
informations détaillées communiquées par le ou les États membres concernés,
ou sur toute autre information pertinente. Ladite analyse doit notamment
prendre en considération les éléments suivants:
- l'incidence probable de toute
menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de
l'Union ou au niveau national, notamment les menaces provenant de la
criminalité organisée ou d'activités terroristes;
- la disponibilité de mesures
de soutien technique ou financier pouvant être ou ayant été prises au
niveau national et/ou européen, notamment l'aide d'organismes de l'Union
tels que FRONTEX ou EUROPOL, et la probabilité que ces mesures soient
susceptibles de mettre fin efficacement aux menaces pour l'ordre public
ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national;
- l'incidence actuelle et les
probables conséquences futures de toute insuffisance grave en matière de
contrôle aux frontières extérieures ou d'application des procédures de
retour constatée dans le cadre des évaluations de Schengen conformément
au règlement portant création d’un mécanisme d’évaluation et de suivi
destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen;
- l'incidence probable d'une
telle mesure sur la libre circulation dans l'espace sans contrôles aux
frontières intérieures.
Suivi : il est
prévu de transmettre des rapports réguliers au Parlement européen sur le
résultat des diverses visites de suivi effectuées dans le cadre de la mise en
œuvre du mécanisme d'évaluation de Schengen, ainsi que des informations sur
tout sujet susceptible de conduire à la réintroduction du contrôle aux
frontières. La Commission présentera en outre un bilan semestriel du
fonctionnement de Schengen aux institutions de l'Union européenne. Il pourra
donner lieu à un débat régulier au Parlement européen et au Conseil et
contribuera à renforcer le pilotage politique et la coopération au sein de
l'espace Schengen.