Contrôle aux frontières: règles communes relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles

2011/0242(COD)

L'espace Schengen repose sur un arsenal de règles (l'acquis de Schengen) qui englobe tant la suppression du contrôle aux frontières intérieures et les règles communes en matière de contrôle des frontières extérieures qu'une politique commune en matière de visas, la coopération policière et judiciaire, des règles communes sur le retour de migrants irréguliers et la création de bases de données communes telles que le système d’information Schengen (SIS).

Les fondements de la coopération Schengen sont solides, mais l'actualité récente a mis en lumière la nécessité de garantir que l'espace Schengen puisse réagir efficacement aux tensions que peuvent faire peser sur lui des faiblesses aux frontières extérieures ou des facteurs exogènes sur lesquels il n'a pas de prise. L'Union doit réagir en relevant ces défis multiformes tout en sauvegardant le droit des citoyens à la libre circulation

La présente communication constitue la réponse à l'appel du Conseil «Justice et affaires intérieures» du mois des 23 et 24 juin en faveur d'un pilotage politique renforcé de la coopération Schengen, et à la résolution du Parlement européen du mois de juillet, qui exigeait un nouveau mécanisme s'attachant à promouvoir la liberté de circulation et à renforcer la gouvernance européenne de l'espace Schengen.

L'Union européenne a déjà mis en place des outils pour aider les États membres à respecter leurs obligations et à faire face à des situations critiques susceptibles de mettre l'espace Schengen en péril. Ils peuvent, par exemple, obtenir un soutien financier et pratique auprès de la Commission, par l'intermédiaire des fonds de l'UE. FRONTEX est en mesure d'organiser des opérations conjointes ou de déployer des équipes d'intervention rapide aux frontières. Les États membres peuvent également faire appel à d'autres États membres, à EUROPOL ou au Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA).

Ces outils ne sont cependant pas suffisants, intrinsèquement, pour garantir que les règles de Schengen soient appliquées de manière cohérente par chaque État membre. C'est le mécanisme d'évaluation de Schengen qui permet d'y veiller: il est utilisé pour assurer le suivi de l'application de l'acquis de Schengen et pour publier des recommandations sur toute insuffisance constatée. Le mécanisme en vigueur, qui repose sur un système intergouvernemental d'évaluation par les pairs, n'est pas assez robuste pour remédier efficacement à toutes les faiblesses.

C'est la raison pour laquelle la Commission a proposé de recourir à une approche dirigée par l'Union. Ce mécanisme ne prend toutefois pas en compte les situations dans lesquelles ces mesures s’avèrent insuffisantes pour remédier aux carences dont fait preuve un État membre dans la mise en œuvre de l'acquis, notamment en ce qui concerne le contrôle de ses frontières extérieures.  Aussi, quand des mesures prises au niveau de l'Union ou au niveau national n'apportent pas d'amélioration, il pourrait s'avérer nécessaire de réintroduire le contrôle aux frontières intérieures avec l'État membre qui se met en défaut, lorsque la situation est telle qu'elle constitue une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure de l'Union ou d'un État membre. Une telle mesure ne serait prise qu'en dernier recours, et n'aurait que l'ampleur et la durée requises pour atténuer raisonnablement les conséquences négatives des circonstances exceptionnelles. Prévoir une telle possibilité dans le système de gouvernance de Schengen constituerait également une mesure préventive ayant un effet dissuasif.

Circonstances exceptionnelles pouvant donner lieu, en dernier recours, à la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures : l'existence d'une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure demeurera l'unique raison pouvant motiver la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures. Les critères stricts permettant de mettre exceptionnellement entre parenthèses l'espace sans frontières intérieures ne sont pas allégés, et seront appliqués dans chaque situation où une telle mesure est envisagée. La communication détaille ce type de situation.

  • Événements prévisibles dont les incidences sont de courte durée et très localisées : lorsque l'événement nécessitant la réintroduction de contrôles aux frontières intérieures est prévisible, l'État membre informera la Commission et les autres États membres au moins six semaines à l'avance en leur fournissant toutes les informations pertinentes justifiant une telle réintroduction et relatives à son champ d'application et à sa durée prévues. L'expérience montre que ce type de scénario correspond aux situations qui sont le plus susceptibles de donner lieu à une réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, par exemple en raison de grands événements sportifs, de manifestations de nature politique, de réunions politiques de haut niveau, etc.
  • Urgence imprévue nécessitant une action à court terme : certains événements nécessitant de prendre des mesures drastiques à court terme pour préserver la sécurité ou d'autres intérêts publics essentiels, notamment la réintroduction éventuelle des contrôles aux frontières intérieures pour une durée limitée, sont par nature imprévisibles. Il pourrait s'agir, par exemple, d'attentats terroristes ou d'autres actes criminels de grande ampleur, de tels événements nécessitant de prendre toutes les mesures possibles pour garantir l'arrestation rapide des auteurs des actes en cause.
  • Défaillance persistante dans la gestion d'une section de la frontière extérieure de l'Union : dans certaines circonstances, il peut s'avérer nécessaire, en dernier recours et après avoir épuisé toutes les autres possibilités d'action, d'atténuer l'incidence négative de l'absence de contrôle par un État membre de sa section des frontières extérieures en recourant à la réintroduction temporaire de certains contrôles aux frontières intérieures. Les défaillances en matière de gestion des frontières seraient relevées dans le rapport préparé dans le cadre du mécanisme d'évaluation, qui comprendrait des recommandations sur la manière de remédier à ces défaillances. L'État membre concerné serait tenu d'élaborer un plan d'action visant à donner suite à ces recommandations et dont la mise en œuvre ferait l'objet d'un suivi par la Commission. Celle-ci pourrait inviter l'État membre concerné à prendre certaines mesures spécifiques comme demander une aide à FRONTEX ou fermer un point de passage frontalier précis pendant une période donnée afin de pallier certaines carences. Toutefois, si ces mesures s'avèrent inefficaces pour remédier aux défaillances constatées, et pour autant que ces défaillances constituent une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national, la Commission pourrait décider de réintroduire temporairement les contrôles aux frontières intérieures. Avant de prendre une mesure aussi drastique, la Commission tiendrait dûment compte de sa nécessité et de sa proportionnalité, en évaluant notamment son incidence probable sur la libre circulation des personnes à l'intérieur de l'espace Schengen.
  • Événements ayant des incidences potentiellement importantes à court ou plus long terme : il peut arriver qu'un grand nombre de ressortissants de pays tiers franchissent la frontière extérieure d'un ou de plusieurs États membres, ce qui peut donner lieu à des mouvements secondaires inattendus et de grande ampleur de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière sur le territoire d'autres États membres. En pareille situation, et dans la mesure où les circonstances sont de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure de l'Union ou d'un État membre, la réintroduction temporaire de certains contrôles aux frontières intérieures pourrait être envisagée en dernier recours. L'État membre souhaitant rétablir les contrôles aux frontières intérieures dans de telles circonstances pourrait en faire la demande à la Commission. Avant de prendre une telle décision, la Commission devrait consulter les États membres et acteurs concernés et acquérir la conviction qu'il s'agit de la seule mesure susceptible d'être efficace. Le franchissement de la frontière extérieure par un grand nombre de ressortissants de pays tiers peut, dans certaines circonstances, justifier la réintroduction immédiate de certains contrôles aux frontières intérieures pendant une période donnée, afin de veiller à ce que les mesures nécessaires puissent être prises rapidement pour préserver l'ordre public et la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou à l'échelon national.

Toute décision sur la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières devra reposer, d'une part, sur une analyse de la nécessité de recourir à une telle mesure pour réduire la menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national ayant donné lieu à la demande ou à l'initiative de réintroduction, et d'autre part, sur une évaluation de la proportionnalité de la mesure par rapport à la menace. Cette analyse devra s'appuyer sur les informations détaillées communiquées par le ou les États membres concernés, ou sur toute autre information pertinente. Ladite analyse doit notamment prendre en considération les éléments suivants:

  • l'incidence probable de toute menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national, notamment les menaces provenant de la criminalité organisée ou d'activités terroristes;
  • la disponibilité de mesures de soutien technique ou financier pouvant être ou ayant été prises au niveau national et/ou européen, notamment l'aide d'organismes de l'Union tels que FRONTEX ou EUROPOL, et la probabilité que ces mesures soient susceptibles de mettre fin efficacement aux menaces pour l'ordre public ou la sécurité intérieure au niveau de l'Union ou au niveau national;
  • l'incidence actuelle et les probables conséquences futures de toute insuffisance grave en matière de contrôle aux frontières extérieures ou d'application des procédures de retour constatée dans le cadre des évaluations de Schengen conformément au règlement portant création d’un mécanisme d’évaluation et de suivi destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen;
  • l'incidence probable d'une telle mesure sur la libre circulation dans l'espace sans contrôles aux frontières intérieures.

Suivi : il est prévu de transmettre des rapports réguliers au Parlement européen sur le résultat des diverses visites de suivi effectuées dans le cadre de la mise en œuvre du mécanisme d'évaluation de Schengen, ainsi que des informations sur tout sujet susceptible de conduire à la réintroduction du contrôle aux frontières. La Commission présentera en outre un bilan semestriel du fonctionnement de Schengen aux institutions de l'Union européenne. Il pourra donner lieu à un débat régulier au Parlement européen et au Conseil et contribuera à renforcer le pilotage politique et la coopération au sein de l'espace Schengen.