Statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée

2001/0074(CNS)

Le présent rapport répond à l’obligation imposée à la Commission en vertu de la directive 2003/109/CE relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (RLD). Il donne une vue d’ensemble de la transposition et de l’application de la directive par les États membres et identifie les problèmes éventuels. Il a été élaboré à partir d’une étude menée pour le compte de la Commission  et d’autres sources, notamment un certain nombre de demandes ponctuelles lancées par le biais du Réseau européen des migrations  (REM), des plaintes individuelles, des questions, des pétitions, des discussions avec les États membres au sujet de problèmes concrets posés par l’application de la directive, et d’autres études.

Transposition : aux termes de l’article 26 de la directive, les États membres devaient se conformer à la directive au plus tard le 23 janvier 2006. En 2007, la Commission a engagé une procédure d’infraction contre 20 États membres pour  n’avoir pas appliqué la directive en temps opportun ou pour n’avoir pas informé la Commission de l’adoption de législations nationales mettant en œuvre la directive. Des arrêts ont été rendus par la Cour européenne de justice à l’encontre de 3 États membres (Portugal, Espagne, Luxembourg). Depuis lors, tous les États membres ayant progressivement adopté les mesures de transposition, les procédures d’infraction pour non-communication ont été clôturées.

Mise en œuvre : globalement, la directive garantit aux ressortissants de pays tiers qui sont des résidents de longue durée un ensemble élargi de droits dans toute l’Union européenne, défend le principe de non-discrimination et prévoit pour la première fois des dispositions visant à faciliter la mobilité d’un État membre à l’autre. Par rapport à cet objectif ambitieux, la faiblesse de l’incidence de la directive sur le statut de RLD dans nombre d’États membres est regrettable. En 2009, près de 4 ressortissants de pays tiers sur 5 titulaires du statut de RLD vivaient dans 4 États membres: Estonie (187.400), Autriche (166.600), République tchèque (49.200) et Italie (45.200). En France et en Allemagne, seuls 2.000 ressortissants de pays tiers avaient obtenu le permis de séjour de résident de longue durée. En outre, les données disponibles indiquent que jusqu’à présent seul un petit nombre de ressortissants de pays tiers ayant le statut de RLD ont tiré parti de cette nouvelle possibilité de mobilité au sein de l’UE (moins de 50 par État membre). Même si les ressortissants de pays tiers qui résident depuis plus de 5 ans dans un État membre ne remplissent pas automatiquement les conditions pour se voir accorder le statut de RLD (par exemple parce qu’ils ne remplissent pas les conditions de revenus), ou s’ils remplissent les conditions pour obtenir la nationalité et préfèrent acquérir ce statut, la différence entre le nombre de résidents de longue durée éventuels et ceux qui se voient accorder ce statut est considérable.

Ce rapport révèle un manque général d’informations parmi les ressortissants de pays tiers sur le statut de RLD et les droits qui y sont attachés, ainsi que de nombreuses lacunes dans la transposition de la directive. Dans ce contexte, des mesures supplémentaires, aux niveaux national et européen, s’imposent notamment dans les domaines suivants :

  • interprétation restrictive du champ d’application de la directive : la directive s'applique aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement sur le territoire d'un État membre. Cependant, une série d’exclusions sont prévues. L’exclusion des ressortissants de pays tiers qui ont été admis exclusivement pour des motifs à caractère temporaire pourrait soulever des problèmes spécifiques. Certains États membres appliquent une interprétation très large de l’exception contenue dans la disposition et définissent le statut de certaines catégories de ressortissants de pays tiers comme temporaire, même si leur titre de séjour peut être renouvelé pour une durée potentiellement indéterminée, sans aucune échéance déterminée et quelle que soit la durée totale du séjour dans l’État membre. Les artistes, les sportifs, les ministres du culte, les travailleurs sociaux, les chercheurs, les membres de la famille de ressortissants de pays tiers résidents permanents, les travailleurs migrants peu qualifiés ou d’autres ressortissants de pays tiers dont le séjour est indûment qualifié de «temporaire» peuvent être exclus du statut de résidents de longue durée de l’Union européenne en AT, CY, EL, IT et PL. Cette restriction du champ d’application personnel de la directive porte gravement atteinte à l’«effet utile» de la directive ;
  • conditions supplémentaires d’admission (ex. : frais élevés, obstacles illégaux à la mobilité à l’intérieur de l’UE,…) : s’agissant des frais perçus par les 24 États membres pour le traitement de la demande, ils peuvent, lorsqu’ils sont trop élevés, être considérés comme contraires au principe de proportionnalité et équivalents à une condition supplémentaire illégale pour l’octroi du statut qui compromet l’«effet utile» de la directive. À cet égard, le groupe suivant d’États membres: BG, CY, EL, FR, NL et PT, dans lesquels les frais vont de 260 EUR à 600 EUR, peut être considéré comme problématique. Cette question fait l’objet d’une procédure d’infraction devant la Cour de justice ;
  • autres obstacles à la mobilité : la facilitation de la mobilité à l’intérieur de l’UE des résidents de longue durée constitue l’une des principales valeurs ajoutées de la directive. La transposition est toutefois loin de réaliser cet objectif. Dans nombre d’États membres, le chapitre III de la directive consacré au séjour dans les autres États membres n’a été que partiellement transposé ou sa mise en œuvre repoussée. En outre, des problèmes se sont posés en ce qui concerne les titres de séjour qui n’ont pas été délivrés. En raison de cette situation, des résidents de longue durée d’un autre État membre se sont vu refuser leur admission pour des motifs non prévus par la directive ou n’ont pu exercer leurs droits.

Le rapport évoque également un affaiblissement du droit à l’égalité de traitement ainsi qu’un affaiblissement de la protection contre l’éloignement.

Principales mesures à prendre : la Commission intensifiera ses efforts pour garantir une transposition et une mise en œuvre correctes de la directive sur l’ensemble du territoire de l’Union. Pour y parvenir, elle recourra pleinement aux pouvoirs qui lui sont conférés par le traité et, le cas échéant, elle engagera des procédures d’infraction. Dans le même temps, la Commission continuera d’œuvrer en partenariat avec les États membres sur le plan technique. Certaines questions juridiques et techniques pourraient être examinées et clarifiées, telles que: les mesures et les conditions d’intégration; les règles spécifiques d’octroi du statut de RLD dans le deuxième État membre; la protection contre l’éloignement; et l’échange d’informations entre États membres.

En outre, les résidents de longue durée doivent être mieux informés de leurs droits au titre de la directive. La Commission tirera le meilleur parti des sites internet existants, principalement par le biais du futur portail dans le domaine de l’immigration, et envisage d’élaborer un guide simplifié pour les résidents de longue durée. La Commission pourrait aussi encourager et aider les États membres à lancer des campagnes de sensibilisation pour informer les résidents de longue durée de leurs droits.

Enfin, pour promouvoir le statut de RLD, contribuer à l’intégration des ressortissants de pays tiers et faciliter le fonctionnement du marché intérieur, des modifications de la directive pourraient également être envisagées, notamment :

  • pour mieux prendre en compte les séjours temporaires dans le calcul de la période de 5 ans,
  • favoriser les migrations circulaires grâce à des dispositifs plus souples en ce qui concerne les périodes d’absence du territoire de l’Union européenne, conformément au système de carte bleue européenne,
  • faciliter l’accès au marché du travail du deuxième État membre,
  • simplifier l’octroi du statut de résident de longue durée dans le deuxième État membre.