Abus de marché

2011/0295(COD)

OBJECTIF : prévenir les abus de marché sous la forme d'opérations d'initiés et de manipulations de marché.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : les abus de marché nuisent à l’intégrité des marchés financiers et ébranlent la confiance du public dans les valeurs mobilières et les instruments dérivés.

La directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) a complété et actualisé le cadre législatif de l’Union destiné à protéger l’intégrité du marché. La Commission européenne a évalué la mise en œuvre de la directive et relevé un certain nombre de problèmes qui ont une incidence négative sur l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs, qui créent des distorsions de concurrence et qui génèrent des coûts de mise en conformité et dissuadent les émetteurs dont les instruments financiers sont admis à la négociation sur les marchés de croissance des PME de lever des capitaux. Les principaux problèmes identifiés sont les suivants :

  • du fait des évolutions réglementaires, technologiques et des marchés, la réglementation applicable aux nouveaux marchés et plates-formes et aux instruments négociés de gré à gré présente désormais des lacunes. Ces mêmes facteurs ont également entraîné l’apparition de lacunes réglementaires dans le domaine des matières premières et des instruments dérivés qui y sont liés ;
  • le manque d’informations et de pouvoirs, couplé à des sanctions soit inexistantes, soit trop peu dissuasives, empêche les autorités de régulation de mettre en œuvre la directive de manière effective ;
  • enfin, les nombreuses options et facultés que prévoit celle-ci, ainsi que le manque de clarté quant à certains de ses concepts-clés, nuisent à son efficacité.

La crise économique et financière actuelle a fait ressortir l’importance de l’intégrité des marchés. Dans le fil des conclusions du G-20, le rapport du groupe de haut niveau sur la surveillance financière dans l’UE a conclu qu'un cadre solide en matière prudentielle et de règles de conduite pour le secteur financier devait reposer sur un régime de surveillance et de sanctions fort. 

Dans sa communication intitulée «Mener des actions en faveur de marchés de produits dérivés efficaces, sûrs et solides», la Commission s’est engagée à étendre les dispositions pertinentes de la directive sur les abus de marché afin qu’elles couvrent l’ensemble des marchés de produits dérivés. Par ailleurs, dans sa communication sur les sanctions dans le secteur des services financiers, la Commission a analysé les pouvoirs de sanction existant et leur mise en œuvre pratique en vue de faire converger les sanctions applicables dans le cadre des différentes activités de surveillance.

Aujourd’hui, il convient de remplacer l’actuelle directive sur les abus de marché pour rester en phase avec l’évolution du marché, les évolutions technologiques et les changements législatifs intervenus depuis lors, lesquels ont considérablement modifié le paysage financier. L’objectif est de renforcer l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs, de garantir la mise en place d’un «règlement uniforme» et de conditions de concurrence homogènes, et de rendre les marchés financiers plus attractifs pour ceux qui cherchent à lever des capitaux.

ANALYSE D’IMPACT : la présente initiative représente l’aboutissement de nombreuses consultations avec toutes les principales parties intéressées, notamment les autorités publiques (instances gouvernementales et autorités de régulation des marchés financiers), les émetteurs, les intermédiaires et les investisseurs.

La Commission a réalisé une analyse d’impact portant sur les différentes stratégies possibles. Les options envisagées ont porté sur : i) la régulation des nouveaux marchés et plates-formes et des instruments, matières premières et instruments dérivés y relatifs négociés de gré à gré, ii) les sanctions, iii) les pouvoirs des autorités compétentes, iv) la clarification des concepts clés et la réduction des charges administratives.

Globalement, toutes les options retenues entraîneront des progrès considérables dans la lutte contre les abus de marché dans l’UE. Elles devraient permettre:

  • de renforcer l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs en clarifiant quels instruments financiers et quels marchés sont couverts et en veillant à ce que les instruments qui ne sont admis à la négociation que sur des systèmes multilatéraux de négociation (multilateral trading facility ou MTF) et d’autres types de systèmes organisés de négociation (organised trading facility ou OTF) soient couverts ;
  • d’améliorer la protection contre les abus de marché dans le domaine des instruments dérivés sur matières premières par une plus grande transparence des marchés ; de faciliter la détection des abus de marché en donnant les pouvoirs d’enquête nécessaires aux autorités compétentes et de renforcer le caractère dissuasif des régimes de sanctions en instaurant le principe de mesures administratives ou de sanctions minimales et en prévoyant l’introduction de sanctions pénales ;
  • d’harmoniser les approches en matière d’abus de marché en réduisant les options et les facultés pouvant être exercées par les États membres ;
  • d’introduire un régime proportionné pour les émetteurs dont les instruments financiers sont admis à la négociation sur les marchés de croissance des PME.

BASE JURIDIQUE : Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : le règlement proposé vise à établir un cadre réglementaire commun sur les abus de marché afin de garantir l’intégrité des marchés financiers de l’Union et d’accroître la protection des investisseurs et leur confiance dans ces marchés.

Champ d’application : le développement de nouvelles plates-formes de négociation, des transactions de gré à gré et de technologies récentes, telles que le trading à haute fréquence, a rendu plus difficile la surveillance des abus de marché. La proposition :

  • élargit le champ d'application de la législation européenne actuelle aux instruments financiers négociés uniquement sur des systèmes multilatéraux (MTF) et d'autres systèmes de négociation organisée (OTF), ainsi qu'aux instruments financiers négociés de gré à gré, permettant ainsi à la législation relative aux abus de marché de porter sur les transactions effectuées sur toutes les plates-formes et pour tous les instruments financiers ;
  • précise en outre les stratégies de trading à haute fréquence qui constituent des manipulations de marché interdites, telles que le bourrage d’ordres (quote stuffing), l’empilage d’ordres (quote layering) ou l’émission d’ordres trompeurs (spoofing) ;
  • élargit le champ d'application de la législation aux abus de marché qui se produisent tant sur les marchés des matières premières que sur les marchés des instruments dérivés qui y sont liés ;
  • interdit expressément les tentatives de manipulation des marchés qui constitueront des infractions à part entière ;
  • reclasse les quotas d’émission parmi les instruments financiers dans le cadre de la révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers. Dès lors, ils relèveront aussi du champ d’application du cadre en vigueur pour les abus de marché.

Informations privilégiées : l’état d’avancement des négociations des contrats, les modalités temporairement acceptées dans le cadre de celles-ci, la possibilité de placement des instruments financiers, les futures conditions de commercialisation ou les modalités temporaires relatives au placement d’instruments financiers sont autant d’informations qui peuvent s’avérer utiles pour les investisseurs. Il est dès lors proposé que de telles informations soient considérées comme des informations privilégiées.

Obligations de publication :

  • conformément au règlement proposé, un émetteur devra informer sans délai les autorités compétentes de sa décision de différer la publication d’une information privilégiée immédiatement après ladite publication. C’est à l’émetteur qu’incombe la responsabilité de déterminer si un tel délai est justifié. La possibilité donnée aux autorités compétentes, le cas échéant, de déterminer a posteriori si les conditions spécifiques d’un report de publication étaient bien réunies renforcera la protection des investisseurs et l’intégrité du marché ;
  • les obligations en matière de communication d'informations seront adaptées aux besoins des émetteurs opérant sur les marchés des PME : ces derniers seront dispensés de l'obligation de dresser des listes d'initiés, sauf demande contraire de l'autorité de surveillance. Le seuil relatif à la notification des opérations par des personnes exerçant des responsabilités dirigeantes sera relevé à 20.000 EUR et sera identique pour tous les États membres.

L’AEMF et les autorités compétentes :

  • le règlement proposé permet un accès permanent des autorités compétentes aux données, en exigeant que celles-ci leur soient soumises directement, dans un format déterminé. En ayant accès aux systèmes des opérateurs des marchés de matières premières au comptant, les autorités compétentes sont aussi en mesure de surveiller les flux de données en temps réel ;
  • la proposition de règlement autorise les autorités de régulation à obtenir auprès des opérateurs de télécommunications les enregistrements des échanges téléphoniques et de données, ou à accéder à des documents ou à des locaux privés lorsqu'il existe des raisons de penser qu'une opération d'initié ou une manipulation de marché a été commise. Un mandat judiciaire sera préalablement requis pour accéder aux locaux privés ;
  • étant donné que les abus de marchés peuvent se produire dans plusieurs pays et marchés, l’AEMFjouera un rôle de coordination substantiel et les autorités compétentes seront tenues de coopérer et d’échanger des informations avec les autres autorités compétentes et, dans le cas d’instruments dérivés sur matières premières, avec les autorités de régulation chargées des marchés au comptant qui y sont liés, au sein de l’Union et dans les pays tiers.

Sanctions : le règlement proposé établit des règles minimales en matière de mesures administratives, de sanctions et d’amendes. Cela étant, les États membres sont libres de fixer des normes plus élevées.

La proposition prévoit la restitution de tout profit détecté, éventuellement assorti d’intérêts et impose des amendes dont le montant doit excéder tout profit engrangé ou toute perte évitée à la suite de la violation du règlement. En outre, une sanction pénale devra produire un effet dissuasif supérieur à celui d’une mesure ou une sanction administrative.

Il faut noter que parallèlement, une proposition de directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché exige de tous les États membres qu’ils mettent en place des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives pour les cas les plus graves d’infractions d’opération d’initié et de manipulation de marché.

Protection et incitations accordées aux dénonciateurs : le règlement proposé prévoit une protection adéquate pour les informateurs signalant des cas suspects, ainsi que d’éventuelles incitations financières pour les personnes fournissant aux autorités compétentes des informations cruciales débouchant sur des sanctions pécuniaires, et un renforcement des dispositions des États membres concernant la réception et l’analyse de dénonciations.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : les incidences budgétaires spécifiques de la proposition concernent la mission dévolue à l’AEMF. L’incidence sur les dépenses est estimée à 832.000 EUR sur trois ans (de 2013 à 2015).

ACTES DÉLÉGUÉS : la proposition contient des dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.