Produits dérivés de gré à gré, contreparties centrales et référentiels centraux (EMIR, règlement sur l'infrastructure du marché européen)

2010/0250(COD)

Le Parlement européen a adopté par 602 voix pour, 23 voix contre et 27 abstentions, une résolution législative sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.

Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire. Les amendements adoptés en plénière sont le résultat d’un compromis négocié entre le Parlement européen et le Conseil. Ils modifient la proposition de la Commission comme suit :

Objet et champ d'application : le règlement amendé instaure des obligations de compensation et de gestion bilatérale du risque concernant les contrats sur produits dérivés de gré à gré ainsi que des obligations de déclaration pour les contrats sur produits dérivés et des obligations uniformes concernant l'exercice des activités des contreparties centrales et des référentiels centraux.  Le règlement s'appliquera aux contreparties centrales et à leurs membres compensateurs, aux contreparties financières et aux référentiels centraux. Il s'appliquera aussi aux contreparties non financières et aux plateformes de négociation, lorsqu'une disposition est prévue à cet effet.

Obligation de compensation centrale : les contreparties devront faire compenser l'ensemble des contrats dérivés de gré à gré portant sur une catégorie de produits dérivés de gré à gré qui a été déclarée soumise à l'obligation de compensation centrale conformément à la procédure régissant l'obligation de compensation centrale, si ces contrats remplissent certaines conditions précisées dans le règlement.

Lorsqu'une autorité compétente autorise une contrepartie centrale à compenser une catégorie donnée de produits dérivés de gré à gré, elle devra notifier immédiatement cette autorisation à l'AEMF.

Pour assurer une application cohérente de la procédure régissant l'obligation de compensation centrale, l'AEMF élaborera des projets de normes techniques de réglementation précisant les informations qui doivent figurer dans les notifications. L'AEMF soumettra ces projets de normes techniques de réglementation à la Commission au plus tard le 30 septembre 2012.

Les contreparties et les contreparties centrales doivent veiller à ce que les éléments de tout contrat dérivé qu'elles ont conclu, ainsi que toute modification ou cessation du contrat, soient transmis à un référentiel central enregistré ou reconnu. Cette déclaration doit se faire au plus tard le jour ouvrable suivant la conclusion, la modification ou la cessation du contrat.

L'obligation de déclaration s'applique aux contrats dérivés qui: a) ont été conclus avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement et qui sont toujours en cours à la date d'entrée en vigueur du présent règlement; b) sont conclus à la date d'entrée en vigueur du présent règlement ou après cette date.

Rôle renforcé de l'AEMF : l’AEMF agira dans le cadre du règlement en préservant la stabilité des marchés financiers dans les situations d'urgence, en veillant à l'application cohérente des règles de l'Union par les autorités nationales de surveillance et en réglant leurs éventuels désaccords. Cette autorité jouera un rôle central dans l'agrément et le contrôle des contreparties centrales et des référentiels centraux.

Il appartiendra à la Commission de décider, sur la base des projets de normes techniques de réglementation élaborés par l'AEMF, si une catégorie de produits dérivés de gré à gré doit être soumise à une obligation de compensation centrale et à partir de quel moment cette obligation prend effet. Pour déterminer quelles catégories de produits dérivés doivent être soumises à l'obligation de compensation centrale, l'AEMF tiendra compte de la nature spécifique des produits dérivés de gré à gré conclus avec des émetteurs d'obligations garanties ou avec des paniers de sûretés constitués pour des obligations garanties.

En déterminant si une catégorie de produits dérivés de gré à gré doit être soumise à des obligations de compensation centrale, l'AEMF aura pour objectif la réduction du risque systémique.

Afin d'exercer efficacement ses pouvoirs de surveillance, l'AEMF pourra mener des enquêtes et des inspections sur place. Elle pourra infliger des astreintes dans le but de contraindre les référentiels centraux à mettre fin à une infraction, à fournir les renseignements complets et exacts exigés par l'AEMF ou à se soumettre à une enquête ou à une inspection sur place.

L'AEMF pourra aussi infliger des amendes aux référentiels centraux lorsqu'elle constate que ceux-ci ont enfreint le règlement, intentionnellement ou par négligence. Les amendes devront être infligées selon le niveau de gravité des infractions. Les décisions de l'AEMF infligeant des amendes et des astreintes seront exécutables et leur exécution sera régie par les règles de procédure civile en vigueur dans l'État sur le territoire duquel elle a lieu.

L'AEMF devra créer, gérer et tenir à jour un registre permettant d'identifier correctement et sans équivoque les catégories de produits dérivés soumises à l'obligation de compensation centrale. Ce registre sera mis à la disposition du public sur le site web de l'AEMF.

Transaction intragroupe : il s’agit, selon le nouveau règlement, d’une transaction effectuée entre deux entreprises intégralement incluses dans le même périmètre de consolidation et soumises à une procédure appropriée et centralisée d'évaluation, de mesure et de contrôle des risques.

Une transaction intragroupe peut être nécessaire pour agréger les risques au sein d'une structure de groupe et que les risques intragroupe revêtent par conséquent un caractère spécifique. Étant donné que le fait de soumettre ces transactions à l'obligation de compensation centrale est susceptible de réduire l'efficacité des processus de gestion intragroupe des risques, une dérogation à l'obligation de compensation centrale pour les transactions intragroupe peut être utile, à condition qu'elle n'accroisse pas le risque systémique. En conséquence, il est prévu de remplacer la compensation centrale de ces transactions par un échange approprié de garanties dans les cas où cela est indiqué pour atténuer les risques de contrepartie au sein du groupe.

Toutefois, certaines des transactions intragroupe pourront, dans certains cas, en fonction de la décision de l'autorité compétente concernée, être exemptées de l'obligation de constitution de garantie sous réserve que leurs procédures de gestion des risques soient suffisamment saines, solides et adaptées au niveau de complexité des transactions et qu'il n'existe aucun obstacle au transfert rapide de fonds propres ou au remboursement rapide de passifs entre lesdites contreparties.

Reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers : les décisions établissant l'équivalence des régimes juridiques des pays tiers au régime juridique de l'Union ne pourront être adoptées que si le régime juridique du pays tiers prévoit un système effectif et équivalent pour la reconnaissance des contreparties centrales agréées en vertu de régimes juridiques étrangers, conformément aux objectifs de réglementation généraux fixés par le G-20 en septembre 2009, à savoir : i)  améliorer la transparence sur les marchés des produits dérivés, ii) réduire le risque systémique et assurer une protection contre les abus de marché. Un tel système devra être considéré comme équivalent s'il garantit que le résultat substantiel du régime de réglementation applicable est similaire aux exigences de l'Union et comme effectif si ces règles sont appliquées de manière cohérente.

Afin de favoriser la stabilité financière au sein de l'Union, les transactions conclues par des entités établies dans des pays tiers pourront être soumises aux obligations en matière de compensation centrale et de techniques d'atténuation des risques, à condition que les transactions concernées aient un effet direct, substantiel et prévisible dans l'Union ou lorsque lesdites obligations sont nécessaires ou appropriées afin de prévenir le contournement d'une disposition du règlement.

Régimes de retraite : l'obligation de compensation centrale ne doit pas s'appliquer aux régimes de retraite tant qu'une solution technique appropriée pour le transfert de garanties autres qu'en espèces en tant que marges variables n'a pas été mise au point par les contreparties centrales pour répondre à ce problème. Cette solution technique doit tenir compte du rôle spécifique des dispositifs de régime de retraite et éviter de pénaliser de manière importante les retraités.

Pendant une période de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du règlement, l'obligation de compensation centrale ne s'appliquera pas aux contrats dérivés de gré à gré dont on peut objectivement mesurer la contribution à la réduction des risques d'investissement en relation directe avec la solvabilité des dispositifs de régime de retraite.

Au cours de la période transitoire, les contrats dérivés de gré à gré qui ont été conclus dans le but de réduire les risques d'investissement directement liés à la solvabilité financière des dispositifs de régime de retraite seront soumis, non seulement à l'obligation de déclaration, mais également à des exigences de constitution de garanties bilatérales, l'objectif ultime étant toutefois de parvenir à une compensation centrale dès que les conditions le permettront.

Ce traitement particulier ne doit s’appliquer qu'aux entités et dispositifs appropriés et de tenir compte de la diversité des systèmes de retraite au sein de l'Union, tout en garantissant des conditions de concurrence égales pour tous les dispositifs de régime de retraite. Par conséquent, la dérogation temporaire s'appliquera : i)  aux institutions de retraite professionnelle inscrites conformément à la directive 2003/41/CE, ainsi qu'à toute entité juridique créée aux fins d'investissements de telles institutions et agissant uniquement et exclusivement dans l'intérêt de celles-ci; ii) aux activités de fourniture de retraite professionnelle des institutions visées à la directive 2003/41/CE ; iii) aux activités de fourniture de retraite professionnelle exercées par les entreprises d'assurance-vie à condition que tous les actifs et engagements correspondant auxdites activités soient cantonnés, gérés et organisés séparément, sans possibilité de transfert.

La dérogation temporaire s’appliquera également à toute autre entité agréée et surveillée, fonctionnant uniquement dans un cadre national, seulement si cette entité est reconnue par le droit national et a pour objet principal de fournir des prestations pendant la retraite.

Contreparties non financières : pour veiller à ce que les établissements non financiers aient la possibilité de faire entendre leur point de vue concernant les seuils de compensation, l'AEMF devra, lorsqu'elle prépare les normes techniques de réglementation concernées, procéder à une consultation publique ouverte en assurant la participation des établissements non financiers. L'AEMF devra également consulter toutes les autorités concernées, par exemple l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, afin que les particularités de ces secteurs soient pleinement prises en considération.

Accès à une plateforme de négociation : les plateformes de négociation devront fournir aux contreparties centrales les données relatives aux transactions sur une base transparente et non discriminatoire. Le droit d'accès d'une contrepartie centrale à une plateforme de négociation devra prévoir la possibilité d'accords par lesquels plusieurs contreparties centrales utilisent les données relatives aux transactions de la même plateforme; sans toutefois que cela aboutisse à l'interopérabilité pour la compensation centrale des produits dérivés ou donne lieu à une fragmentation des liquidités.

Le présent règlement ne doit pas empêcher un accès ouvert et équitable entre les plateformes de négociation et les contreparties centrales sur le marché intérieur, sous réserve des conditions prévues dans le règlement et dans les normes techniques de réglementation élaborées par l'AEMF et adoptées par la Commission, laquelle devrait continuer de suivre de près l'évolution du marché des dérivés de gré à gré et intervenir, si nécessaire, pour empêcher des distorsions de concurrence sur le marché intérieur, afin de garantir des conditions égales pour tous sur les marchés financiers.

Agrément : les contreparties centrales devront disposer d'un capital initial permanent et disponible d'au moins 7,5 millions EUR pour être agréées. La contrepartie centrale qui présente la demande devra soumettre une demande d'agrément à son autorité compétente.

La contrepartie centrale ne pourra être agréée si tous les membres du collège, à l'exception des autorités compétentes de l'État membre où la contrepartie centrale est établie, adoptent d'un commun accord un avis conjoint selon lequel la contrepartie centrale ne devrait pas être agréée.

Si, toutefois, le collège a émis, à une majorité suffisante, un avis défavorable et que l'une des autorités compétentes concernées, sur la base de cette majorité des deux tiers du collège, a saisi l'AEMF, l'autorité compétente de l'État membre dans lequel la contrepartie centrale est établie devra différer sa décision relative à l'agrément et attendre toute décision que l'AEMF pourra arrêter concernant la conformité avec la législation de l'Union, puis elle devra se prononcer conformément à la décision de l'AEMF.

Dans le cas où tous les membres du collège, à l'exception des autorités de l'État membre d'établissement de la contrepartie centrale, adoptent un avis conjoint dans lequel ils expliquent pourquoi ils estiment que les exigences ne sont pas satisfaites et que la contrepartie centrale ne doit pas recevoir d'agrément, l'autorité compétente de l'État membre dans lequel la contrepartie centrale est établie pourra saisir l'AEMF afin qu'elle se prononce sur la conformité avec la législation de l'Union.

L’autorité compétente de la contrepartie centrale pourra retirer l'agrément lorsque la contrepartie centrale ne respecte pas certaines conditions. Si l'autorité compétente considère que l'une de ces conditions est remplie, elle devra en informer, dans les cinq jours ouvrables, l'AEMF et les membres du collège. L'autorité compétente devra communiquer sa décision assortie d'une motivation circonstanciée à l'AEMF et aux membres du collège et tenir compte des réserves exprimées par les membres du collège.

La décision relative au retrait de l'agrément prendra effet sur l'ensemble du territoire de l'Union.

Rapports et réexamen : dans les trois ans suivant la date d'entrée en vigueur du règlement, la Commission devra réexaminer le règlement et préparer un rapport global à son sujet. La Commission, en particulier évaluera :

  • en coopération avec les membres du SEBC, la nécessité de mesures visant à faciliter l'accès des contreparties centrales aux facilités de trésorerie de banque centrale;
  • en coordination avec l'AEMF et les autorités sectorielles concernées, l'importance systémique des transactions d'entreprises non financières sur les dérivés de gré à gré et, en particulier, l'impact du règlement sur l'utilisation de dérivés de gré à gré par les entreprises non financières;
  • à la lumière de l'expérience, le fonctionnement du cadre de surveillance des contreparties centrales, y compris l'efficacité des collèges de surveillance, les modalités de vote respectives, et les règles de fonctionnement de l'AEMF, en particulier pendant le processus d'autorisation des contreparties centrales;
  • en coopération avec l'AEMF et le CERS, l'efficacité des exigences de marge dans la limitation de la procyclicité et la nécessité de prévoir une capacité d'intervention supplémentaire dans ce domaine;
  • en coopération avec l'AEMF, l'évolution des politiques des contreparties centrales en matière d'exigences de marge et d'exercice des garanties et leur adaptation aux activités et profils de risques particuliers de leurs utilisateurs.

Dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du règlement, la Commission élaborera, en consultation avec l'AEMF et l'AEAPP, un rapport évaluant les progrès et les efforts réalisés par les contreparties centrales dans l'élaboration de solutions techniques pour le transfert, par les dispositifs de régime de retraite, de garanties autres qu'en espèces en tant que marges variables ainsi que la nécessité de mesures visant à faciliter une telle solution.