Le Parlement
européen a adopté par 340 voix pour, 268 voix contre et
14 abstentions, une décision qui vise à ajourner
l'octroi de la décharge au directeur exécutif de l'Agence
européenne des médicaments (EMA) pour l'exercice
2010. La décision implique également le report de la
clôture des comptes pour cette agence communautaire.
Les raisons de cet
ajournement figurent dans une résolution adoptée le
même jour par 467 voix pour, 139 voix contre et 23
abstentions. Celles-ci peuvent se résumer comme
suit :
- Gestion
budgétaire et financière : le Parlement note que
le budget de l'Agence est financé par le budget de l'UE ainsi
que par des redevances versées par l'industrie pharmaceutique
pour la demande, l'obtention ou le maintien d'une autorisation de
mise sur le marché de l'Union. Il constate que, selon des
estimations, 73% des recettes de l'Agence provenaient en 2010 des
recettes tirées de redevances et que, parallèlement
à l'augmentation de ces recettes, le pourcentage du revenu
relatif issu de la contribution de l'Union a chuté de 23% en
2006 à 14% en 2010. Il note également que le système
de validation des créances utilisé par l'Agence pour les
contractants informatiques présente des faiblesses et appelle
la Cour des comptes à effectuer des vérifications sur
cette question et à informer le Parlement, à cet
égard ;
- Reports de
crédits et annulations : le Parlement constate que
les reports automatiques à 2011 se montaient à 41,6
millions EUR, soit 20,9% des crédits engagés, et qu'un
report non automatique à 2011 a été demandé,
d'un montant total de 3,5 millions EUR. Ces reports importants de
crédits sont préoccupants. Cest pourquoi, le
Parlement appelle l'Agence à respecter le principe
budgétaire d'annualité. Il note par ailleurs que seuls
36% des crédits reportés à 2011 correspondent à
des charges à payer de l'exercice 2010, tandis que les 64% de
reports restants ne se rapportent pas à l'exercice 2010. Des
montants importants ont également dû être
annulés. Sachant que cette situation nest pas nouvelle,
l'Agence est appelée à agir sans plus tarder pour
réduire le montant des crédits annulés et à
adopter un plan d'action comprenant des mesures concrètes
;
- Système de
rémunération des services : le Parlement presse
l'Agence de mettre en place un système de
rémunération des services fournis par les autorités
nationales des États membres, fondé sur les coûts
réellement supportés par ces derniers. Il constate qu'en
refusant un nouveau système de paiement, le conseil
d'administration accepte et assume la responsabilité directe
d'éventuelles conséquences graves, telles que la
non-conformité avec les prescriptions législatives, les
répercussions financières éventuelles de l'actuel
système de rémunération, et les effets en termes
de réputation. Dans ce contexte, le Parlement annonce
quil nest pas disposé à accepter cette
attitude contestable et appelle l'Agence à adopter un plan
d'action et à en informer l'autorité de décharge
avant le 30 juin 2012 ;
- Gestion des
ressources humaines : le Parlement appelle l'Agence à
améliorer ses procédures de recrutement et à
garantir une gestion correcte de sa documentation sur les dossiers
de recrutement des agents contractuels. Par ailleurs, l'Agence est
appelée à ne recourir au travail intérimaire que
pour répondre à des besoins à court
terme ;
- Gestion des
conflits d'intérêts : le Parlement invite
l'Agence à faire rapport sur son implication dans
l'organisation de conférences par des organisations
privées telles que l'Organisation for Professionals in
Regulatory Affairs. Constatant les mesures prises en 2012, le
Parlement invite l'Agence à informer l'autorité de
décharge des mesures concrètes prises pour lui permettre
d'évaluer les procédures en vigueur pour la gestion des
éventuels conflits d'intérêts. Il se dit
également préoccupé par le fait que, dans les
circuits financiers, il existe un risque de conflits
d'intérêts dans le traitement des paiements en raison
d'une séparation insuffisante des fonctions. Il demande
dès lors à l'Agence de prendre dûment en compte ce
risque et d'agir sans plus tarder afin de remédier à
cette lacune ;
- Ancien
directeur : le Parlement estime que la possibilité
offerte à l'ancien directeur exécutif de l'Agence de
pratiquer de nouvelles activités en opposition avec son ancien
statut (ce dernier a été recruté, presque
immédiatement après son départ de l'Agence, par un
bureau de conseil opérant notamment pour des
sociétés pharmaceutiques) constitue une infraction
à la réglementation de l'Union relative aux conflits
d'intérêts. En effet, l'Agence n'a pas appliqué
correctement le statut des fonctionnaires, ce qui, par voie de
conséquence, soulève de graves doutes sur la façon
dont elle applique la réglementation en général. Le
directeur exécutif est donc appelé à présenter
un rapport détaillé sur l'application de l'article 16 du
statut des fonctionnaires au sein de l'Agence. Le Parlement est
également gravement préoccupé par l'échec de
l'Agence et de son conseil d'administration à répondre
efficacement à la question des conflits d'intérêts.
Il prend acte du fait que, en avril 2012, l'Agence a adopté
une politique révisée sur la gestion des conflits
d'intérêts relatifs aux membres des comités
scientifiques et aux experts ainsi qu'une procédure en cas
d'abus de confiance pour les membres des comités scientifiques
et les experts. Il estime que l'Agence devrait vérifier, dans
le cours de l'année 2012, toutes les déclarations
d'intérêts soumises par les experts et les membres des
comités scientifiques et invite cette dernière à
fournir des données précises à ce sujet. Il attend
en outre la mise en place dun plan d'action assorti d'un
calendrier en ce qui concerne le reste du processus de
vérification des déclarations d'intérêts d'ici
la fin du mois d'août 2012. Dune manière
générale, le Parlement émet des doutes sur
l'indépendance réelle de l'Agence. Il demande plus de
transparence dans ce domaine et se réjouit de constater que
l'Agence a décidé de publier sur son site internet, les
déclarations d'intérêts de ses agents d'encadrement
même si l'approche de l'Agence dans ce domaine se fonde sur la
confiance plutôt que sur la vérification. Il appelle
également l'Agence à mettre en place un véritable
mécanisme permettant une vérification correcte des
déclarations d'intérêts qu'elle reçoit, et
à informer l'autorité de décharge à cet
égard avant le 30 juin 2012 ;
- Audit
interne : le Parlement constate enfin que, selon l'Agence,
11 recommandations "très importantes" du Service daudit
interne restent à mettre en uvre. Des efforts sont donc
demandés dans ce domaine également.
En conclusion et vu
l'ampleur des critiques mettant en cause les questions de conflits
d'intérêts au sein de l'Agence, le Parlement ajourne sa
décision de décharge jusqu'à la publication du
rapport spécial de la Cour des comptes sur les conflits
d'intérêts dans les agences de l'Union. Ce rapport
devrait être publié avant la fin de juin 2012.