Etablissements de crédit et entreprises d'investissement: cadre pour redressement et résolution des défaillances

2012/0150(COD)

OBJECTIF : établir un cadre à l’échelon européen en matière de résolution des défaillances bancaires.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : la crise financière a mis à rude épreuve la capacité des autorités, tant à l’échelon national qu’à celui de l’Union européenne, à gérer les difficultés des établissements bancaires.

L’absence d’instruments efficaces pour gérer les établissements en crise a trop souvent nécessité un recours aux deniers publics pour rétablir la confiance dans des établissements, même de taille relativement modeste, afin d’empêcher que les défaillances en cascade d’établissements ne portent gravement atteinte à l’économie réelle. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre efficace pour gérer les défaillances bancaires de manière ordonnée et éviter la contagion à d’autres établissements.

La Commission a publié en octobre 2010 une communication dans laquelle elle dresse des plans visant à doter l’Union d’un cadre de gestion des crises dans le secteur financier. Ce cadre mettrait à la disposition des autorités des outils et des pouvoirs communs et efficaces pour s’attaquer préventivement aux crises bancaires, préserver la stabilité financière et réduire au minimum l’exposition des contribuables aux pertes en cas d’insolvabilité.

En juin 2010, le Parlement européen a adopté une résolution non législative qui formule des recommandations sur la gestion des crises transfrontalières dans le secteur bancaire. Cette résolution souligne la nécessité de disposer d’un cadre à l’échelon de l’Union pour gérer les banques en difficulté financière.

Au niveau international, les chefs d’État et de gouvernement du G20 ont appelé à réexaminer les dispositifs de résolution et les dispositions législatives en matière de faillite à la lumière des événements récents. En novembre 2011 à Cannes, ils ont approuvé les caractéristiques essentielles de systèmes performants de résolution pour les établissements financiers (Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions) du Conseil de stabilité financière.

Enfin en décembre 2010, le Conseil (ECOFIN) a adopté des conclusions appelant à améliorer le cadre de l’Union en matière de prévention, de gestion et de résolution des crises. Ces conclusions soulignent que le cadre devrait s’appliquer aux établissements bancaires de toute taille, améliorer la coopération transfrontière et comporter trois piliers (mesures de préparation et de prévention, intervention précoce et instruments et pouvoirs de résolution).

ANALYSE D’IMPACT : l’analyse d’impact aboutit aux conclusions suivantes:

  • la mise en place d’un cadre de l’Union en matière de résolution des défaillances bancaires réalisera les objectifs consistant à renforcer la stabilité financière, à réduire l’aléa moral, à protéger les déposants et les services bancaires critiques, à économiser les deniers publics et à protéger le marché intérieur pour les établissements financiers ;
  • les retombées sociales devraient être positives: i) en réduisant la probabilité de crise bancaire systémique et en évitant les pertes de prospérité économique consécutives à une crise bancaire; ii) en réduisant au minimum l’exposition des contribuables aux pertes résultant du soutien apporté aux établissements en situation d’insolvabilité ;
  • les coûts de ce cadre découlent d’une possible augmentation des coûts de financement des établissements, liée à la suppression de la certitude implicite du soutien de l’État, ainsi que des frais afférents aux fonds de résolution. Les établissements pourraient imputer ces surcoûts aux clients ou aux actionnaires, en baissant les taux de rémunération des dépôts, en relevant les taux des prêts et les frais bancaires, ou en réduisant le rendement des capitaux propres. Néanmoins, la concurrence pourrait limiter la capacité des établissements à répercuter intégralement ces coûts.

La Commission estime cependant les avantages potentiels du cadre en matière de prospérité économique à long terme, résultant d’une réduction de la probabilité d’une crise systémique, l’emportent nettement sur les coûts potentiels.

BASE JURIDIQUE : Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : la proposition harmonise les dispositions nationales sur le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement dans la mesure nécessaire pour doter les États membres des mêmes instruments et procédures face aux défaillances systémiques.

L’objectif du cadre proposé est de doter les autorités compétentes d’instruments et de pouvoirs communs et efficaces pour s’attaquer préventivement aux crises bancaires, préserver la stabilité financière et réduire au minimum l’exposition des contribuables aux pertes. Ces pouvoirs devraient être à la disposition des autorités compétentes pour agir vis-à-vis de n’importe quelle banque, quels que soient sa taille ou son champ d’activité.

Á cette fin, l’éventail de pouvoirs à la disposition des autorités compétentes devrait comprendre trois volets:

1) PRÉPARATION ET PRÉVENTION : il s’agit de mesures préparatoires et de plans destinés à réduire le risque de survenance de problèmes potentiels :

Plans de redressement et de résolution : les établissements devront se doter de plans de redressement prévoyant des mesures qui leur permettent d’agir rapidement pour rétablir leur viabilité à long terme en cas de détérioration significative de leur situation financière. Les groupes devront définir des plans aussi bien au niveau du groupe qu’au niveau de chacun des établissements qui les composent. Ces plans seront évalués et approuvés par les autorités de surveillance.

Par ailleurs, un plan de résolution, préparé en période normale par les autorités de résolution bancaire en coopération avec les autorités de surveillance, énumérera les différentes solutions applicables à l’établissement dans différents scénarios, y compris celui d’une crise systémique. Ce plan devra détailler les modalités d’application des instruments de résolution et les mesures à prendre pour assurer la continuité des fonctions essentielles.

Pouvoirs visant à réduire ou supprimer les obstacles à la résolvabilité : si les autorités de résolution décèlent des obstacles à la résolvabilité d’un établissement ou d’un groupe, elles pourront exiger de celui-ci qu’il prenne des mesures pour faciliter la résolution. Ces mesures peuvent notamment consister: i) à modifier et simplifier les structures juridiques ou opérationnelles de manière à ce que les fonctions critiques soient juridiquement et économiquement séparées des autres fonctions; ii) à se plier à des obligations d’information; iii) à limiter ou à interrompre des activités en cours ou prévues; iv) à restreindre ou empêcher la création de nouvelles activités ou de nouveaux produits.

Soutien financier intragroupe : les établissements faisant partie d'un groupe pourront passer des accords prévoyant un soutien financier à d'autres entités du groupe en proie à des difficultés financières (sous forme de prêt, de garanties ou de mise à disposition d'actifs pouvant servir de sûreté dans leurs opérations). Ces accords pourront être soumis préalablement à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires de toutes les entités qui en seront parties. Ils autoriseront les organes de direction à apporter un soutien financier, si nécessaire, selon les termes qui y figurent.

2) INTERVENTION PRÉCOCE: la proposition élargit les pouvoirs permettant aux autorités de surveillance d'intervenir précocement en cas de détérioration de la situation financière ou de la solvabilité d'un établissement.

Dans le cadre de ces pouvoirs d'intervention précoce, il sera possible : i) de demander à l'établissement qu'il prenne des dispositions et des mesures prévues dans le plan de redressement et élabore un programme d'action et un calendrier pour sa mise en œuvre ; ii) de demander à la direction qu'elle convoque une assemblée générale des actionnaires ou de la convoquer directement et de proposer l'ordre du jour et l'adoption de certaines décisions; et iii) de demander à l'établissement qu'il dresse un plan de restructuration de sa dette avec ses créanciers.

De plus, l'autorité de surveillance aurait le pouvoir de nommer un administrateur spécial pour une période limitée, lorsque la solvabilité d'un établissement est réputée présenter un risque suffisamment élevé. La mission première d'un administrateur spécial serait de redresser la situation financière de l'établissement et de rétablir la gestion saine et prudente de ses activités.

3) RÉSOLUTION : si l’insolvabilité d’un établissement est un sujet de préoccupation au regard de l’intérêt général, il est nécessaire de disposer d’un moyen clair permettant de le réorganiser ou de le liquider d’une manière ordonnée tout en préservant ses fonctions critiques et en limitant dans la mesure du possible l’exposition du contribuable aux pertes en cas d’insolvabilité.

Procédure de résolution : la proposition fixe un paramètre commun de déclenchement de la procédure de résolution. Les autorités doivent être en mesure de prendre une action lorsqu'un établissement est insolvable ou se trouve dans une situation tellement proche de l'insolvabilité qu'il sera insolvable dans un proche avenir si aucune mesure n'est prise.

Principes généraux: le cadre définit un certain nombre de principes généraux qui devront être respectés par les autorités de résolution. Ces principes concernent notamment la répartition des pertes et le traitement des actionnaires et des créanciers, ainsi que les conséquences que pourrait avoir l'utilisation des instruments sur la direction de l'établissement.

La mise en œuvre des instruments et des pouvoirs de résolution devra être fondée sur une évaluation de la valeur réelle de l'actif et du passif de l'établissement qui est au bord de la défaillance. À cette fin, le cadre comprend une valorisation fondée sur le principe de la «valeur de marché», grâce à laquelle les pertes sont prises en compte au moment où l'établissement est soumis à une procédure de résolution.

Instruments et pouvoirs de résolution : si les conditions de déclenchement de la résolution sont réunies, les autorités de résolution pourront employer les instruments de résolution suivants:

  • cession des activités, qui permettra aux autorités de résolution de vendre à des conditions commerciales soit l'établissement lui-même, soit tout ou partie de ses activités, sans le consentement des actionnaires et sans se plier aux exigences de procédure qui s'appliqueraient en temps normal ;
  • établissement-relais, qui permettra aux autorités de transférer tout ou partie des activités de l'établissement à une entité sous contrôle public ; l'établissement-relais devra être agréé conformément à la directive sur l'adéquation des fonds propres;
  • séparation des actifs, qui permettra aux autorités de résolution de transférer les actifs dépréciés ou toxiques dans une structure qui puisse en assurer la gestion et, à terme, l'assainissement ;
  • renflouement interne, qui permettra aux autorités de résolution de déprécier les créances non garanties détenues sur un établissement défaillant et de les convertir en titres de participation ; l'instrument pourra être utilisé pour recapitaliser un établissement défaillant ou au bord de la défaillance.

Résolution de défaillances concernant plusieurs États membres : des mesures exigeront un renforcement de la coopération entre autorités nationales et inciteront à adopter une démarche axée sur le groupe à toutes les étapes de la préparation, du redressement et de la résolution des défaillances.

En vue de coordonner les mesures préparatoires et les mesures de résolution, des collèges d'autorités de résolution, dotés d'une instance de direction clairement désignée et dans lesquels siégera l'Autorité bancaire européenne (ABE), seront institués. L'ABE facilitera la coopération entre autorités et jouera au besoin un rôle de médiateur.

Relations avec les pays tiers : compte tenu du nombre d'établissements et de groupes bancaires de l'Union qui exercent dans des pays tiers, le cadre de résolution des défaillances prévoit une coopération avec les autorités de ces pays.

La proposition confère aux autorités de l'Union les pouvoirs nécessaires pour soutenir les mesures prises à l'étranger en cas de défaillance d'une banque étrangère, en donnant effet au transfert des actifs et passifs de cette banque qui se trouvent sur leur territoire ou relèvent de leur compétence. Toutefois, ce soutien ne sera accordé que si les mesures étrangères assurent aux déposants et créanciers locaux un traitement loyal et équitable et ne remettent pas en cause la stabilité financière dans l'État membre concerné.

Financement des mesures de résolution : la proposition établit des dispositifs de financement que les établissements financeraient eux-mêmes afin de réduire au minimum l'exposition des contribuables aux pertes résultant du soutien à la solvabilité. Elle prévoit la mise en place de dispositifs de financement dans chaque État membre.

La proposition fixe les règles concernant les contributions aux dispositifs de financement et prévoit une panoplie de contributions ex ante, que viennent compléter des contributions ex post et, si cela s'avère indispensable, des mécanismes d'emprunt auprès d'établissements financiers ou de la Banque centrale. Afin de garantir la disponibilité d'une certaine quantité de fonds à tout moment, un niveau cible minimal est fixé et doit être atteint au moyen de contributions ex ante sur une période de 10 ans. Un niveau cible minimal, calculé à partir de modèles, est fixé à 1% des dépôts couverts.

La proposition traite également du rôle des systèmes de garantie des dépôts (SGD) dans le cadre de résolution. Les SGD pourraient, eux aussi, être appelés à contribuer à la résolution.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : 2,080 millions EUR en crédits d’engagement opérationnels pour la période 2013-2015.

Conformément à la proposition, l'ABE devra i) élaborer 23 normes techniques et 5 orientations; ii) siéger dans les collèges d'autorités de résolution, trancher en cas de désaccord et assurer une fonction de médiation contraignante; et iii) assurer la reconnaissance des procédures de résolution des pays tiers et conclure des accords de coopération non contraignants avec les pays tiers .

La proposition de la Commission confie à l'ABE des missions de long terme qui nécessiteront la création de 5 postes supplémentaires (agents temporaires) à compter de 2014. En outre, 11 postes d'experts nationaux détachés (END) sont prévus pour l'exercice de missions temporaires limitées à 2014 et 2015.

ACTES DÉLÉGUÉS : la proposition contient des dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.