Agences de notation de crédit: intégrité, transparence, responsabilité,  bonne gouvernance et indépendance des activités

2011/0361(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE sur : i) une proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de crédit et ii) une proposition de directive modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs en ce qui concerne le recours excessif aux notations de crédit.

La BCE indique qu’elle poursuit le même objectif général que le règlement et la directive proposés, qui est de contribuer à réduire les risques pesant sur la stabilité financière et à rétablir la confiance des investisseurs et autres acteurs dans les marchés financiers et la qualité des notations de crédit.

La BCE partage l’objectif particulier de la Commission, à savoir la réduction de la dépendance excessive à l’égard des notations de crédit externes, qui est conforme aux principes posés par le Conseil de stabilité financière (CSF) dans ce domaine. Elle est également favorable à l’attribution de pouvoirs étendus à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) en ce qui concerne l’autorisation et la supervision des agences de notation de crédit.

La BCE formule les remarques suivantes :

1) Dépendance excessive à l’égard des notations de crédit externes :

- Évaluation du risque de crédit par les établissements financiers : la BCE souscrit à l’objectif commun du CSF et de la Commission, à savoir la réduction de la dépendance excessive à l’égard des notations de crédit externes.

La BCE observe que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 2002/87/CE (proposition de directive CRD IV) comporte des dispositions destinées à remédier à ce problème. Elle constate également les modifications correspondantes apportées à la directive 2009/65/CE et à la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.

Afin d’assurer la cohérence entre le règlement proposé et les dispositions correspondantes de la législation sectorielle, la BCE recommande de clarifier la nature de l’obligation imposée aux établissements financiers dans le règlement proposé.

- Références aux notations externes dans le cadre de la législation de l’Union : la BCE comprend que toutes les propositions de modifications visent à mettre en œuvre les principes du CSF, qui invitent «les instances et organismes de normalisation à examiner les références aux notations des agences de notation de crédit figurant dans les textes normatifs, législatifs et réglementaires et, dans la mesure du possible, à les supprimer ou à les remplacer par d’autres normes adéquates de qualité de crédit».

La BCE recommande toutefois la prudence s’agissant de la formulation proposée pour les dispositions du règlement proposé, étant donné que la suppression des références aux notations des agences de notation de crédit envisagée pourrait être difficile à mettre en œuvre.

D’une manière générale, la BCE se prononce en faveur de l’approche progressive prônée par le CSF et observe que les références aux notations des agences de notation de crédit ne devraient être supprimées ou remplacées qu’après que des solutions de rechange crédibles aient été trouvées et que celles-ci puissent être mises en œuvre en toute sécurité.

Dans ce contexte, elle estime nécessaire que les instances et organismes de normalisation élaborent des plans de transition et des calendriers afin de permettre la suppression ou le remplacement des références aux notations des agences de notation de crédit chaque fois que possible et de procéder en toute sécurité à l’amélioration connexe des capacités de gestion des risques.

La BCE recommande dès lors de remplacer l’article 1er, paragraphe 6, du règlement proposé par un considérant rappelant aux autorités publiques l’importance de participer, le cas échéant, à la réalisation de l’objectif de réduction du recours excessif aux notations de crédit externes. Par ailleurs, elle recommande que les autorités européennes de surveillance (AES), après prise en compte des contributions de la BCE et du Comité européen du risque systémique (CERS), présentent un rapport à la Commission sur les solutions susceptibles de remplacer ou de compléter les références aux notations externes dans la législation de l’Union et les législations nationales.

2) Agences de notation de crédit et organismes externes d’évaluation du crédit :

- Évaluations externes du crédit et éligibilité des organismes externes d’évaluation du crédit (OEEC) : conformément à la proposition de règlement CRD IV, la procédure de reconnaissance des OEEC par les autorités compétentes se traduit par l’éligibilité «automatique» des agences de notation de crédit enregistrées ou certifiées conformément au règlement (CE) n° 1060/2009. Ceci s’applique également aux banques centrales émettant des notations de crédit qui ne relèvent pas de ce règlement.

La BCE est favorable à la nouvelle procédure prévue dans la proposition de règlement CRD IV, étant donné qu’elle contribuera à simplifier la procédure de reconnaissance des OEEC et à garantir la cohérence intersectorielle. Toutefois, à des fins de clarté et de transparence juridiques, la BCE suggère d’expliciter davantage, dans un considérant du règlement proposé, que l’entrée en vigueur du règlement CRD IV proposé entraînera la reconnaissance automatique des agences de notation de crédit et des banques centrales ci-dessus mentionnées (en tant qu’OEEC).

- Mise en correspondance et indice de notation européen : bien que la BCE soit favorable à une transparence, une interopérabilité et une comparabilité accrues des notations utilisées par les intervenants du marché, elle recommande toutefois de veiller à ce qu’une échelle de notation harmonisée n’incite pas les agences de notation de crédit à harmoniser leurs méthodes et processus, en raison des conséquences négatives éventuelles sur la concurrence et sur la diversité des méthodes d’évaluation.

En outre, la BCE observe que les procédures de mise en correspondance seront élaborées par l’ABE et l’AEAPP dans les secteurs de la banque et de l’assurance. Compte tenu de la nature intersectorielle de ces questions, la BCE recommande de supprimer la référence à l’échelle de notation harmonisée et suggère que le 31 décembre 2015 au plus tard, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), en coopération avec l’ABE, l’AEAPP et la BCE, réexamine la faisabilité de la création d’une échelle de notation harmonisée pour les notations émises par des agences de notation de crédit enregistrées et certifiées et présente à la Commission un rapport à ce sujet.

3) Autres observations :

- Notations souveraines : la BCE salue la proposition de demander aux agences de notation de crédit d’évaluer plus fréquemment les notations souveraines. Même si les notations ne pourront être publiées qu’après la fermeture des places boursières de l’UE et au moins une heure avant leur réouverture, la BCE estime que d’autres initiatives pourraient être prises pour alléger les éventuels effets procycliques résultant des variations des notations.

La BCE recommande de rechercher des moyens de réduire la volatilité créée lors des changements de notation, en particulier lorsqu’un émetteur fait l’objet d’une «alerte au changement de notation» (credit watch) et est sur le point de perdre son classement dans la catégorie «investissement», et lorsqu’est envisagé un abaissement de la note de plusieurs crans.

- Indépendance des agences de notation de crédit : étant donné que le modèle de rémunération actuel des notations (modèle de l’«émetteur-payeur») est susceptible de créer des conflits d’intérêts et, par conséquent, de fausser les notations, la BCE juge légitime de rechercher des solutions de plus grande envergure concernant les modèles actuels. Elle se félicite donc du travail de suivi continu effectué par la Commission concernant l’adéquation des modèles de rémunération des agences de notation de crédit et attend avec intérêt le rapport y afférent qui sera présenté au Parlement européen et au Conseil avant la fin de l’année 2012.

Si la BCE est favorable aux propositions de durcissement des règles relatives à la structure de l’actionnariat des agences de notation de crédit, elle recommande que la Commission réexamine le seuil proposé de 5%, afin de garantir son efficacité.

- Principes de rotation : bien que la BCE accueille favorablement l’intention de la Commission d’introduire une règle de rotation, elle considère qu’il est probablement nécessaire d’évaluer de manière plus approfondie les conséquences imprévues éventuelles.

- Méthodes : la BCE est favorable à la proposition de confier des missions à l’AEMF concernant la conformité des nouvelles méthodes ou des méthodes modifiées concernant les agences de notation de crédit. Elle recommande de préciser que le rôle de l’AEMF se limite à vérifier la conformité des méthodes aux règles applicables.

- Règles concernant les instruments financiers structurés : afin de garantir la cohérence intersectorielle et d’éviter la duplication des règles, la BCE préconise de clarifier la relation entre les obligations de publication d’informations imposées, dans le règlement proposé, aux émetteurs, aux initiateurs et aux sponsors d’instruments financiers structurés et les obligations de publication similaires imposées pour les titrisations dans certains secteurs.

En second lieu, l’AEMF pourrait exploiter d’éventuelles synergies lors de l’élaboration du contenu et des formats de communication des informations relatives aux produits financiers structurés.

Enfin, la BCE souscrit aux initiatives contribuant à renforcer les obligations de transparence sur les marchés d’instruments financiers structurés et d’obligations sécurisées ainsi qu’à harmoniser les obligations de communication d’informations dans ce domaine. Elle relève que des initiatives concernant la transparence du marché des obligations sécurisées sont examinées dans d’autres projets législatifs en cours, par exemple dans le règlement CRD IV proposé. Par conséquent, elle recommande de veiller à la cohérence de ces différentes initiatives.