Marchés d'instruments financiers. Refonte

2011/0298(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE.

Le présent avis répond aux demandes de consultation de la part du Conseil de l’Union européenne portant sur :

  • la présente proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d’instruments financiers, abrogeant la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil (directive MIF),
  • une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (EMIR) sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (règlement MIF),
  • une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (règlement MAR),
  • une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux sanctions pénales applicables aux opérations d’initiés et aux manipulations de marché (directive MAD).

La BCE accueille favorablement les mesures proposées visant à améliorer la réglementation des marchés d’instruments financiers comme constituant une étape importante vers le renforcement de la protection des investisseurs et vers la mise en place d’un système financier plus sain et plus sûr dans l’Union européenne. Elle formule les observations générales suivantes :

Règlement uniforme européen pour le secteur financier et rôle consultatif de la BCE : la BCE soutient l’élaboration d’un règlement uniforme européen pour tous les établissements financiers. Elle recommande de veiller à ce que la procédure législative ordinaire soit uniquement suivie pour les principes-cadres reflétant des choix politiques fondamentaux et les questions de fond, et que les règles techniques soient adoptées sous forme d’actes délégués ou d’actes d’exécution, le cas échéant via l’élaboration préalable de projets de normes de réglementation ou d’exécution par les autorités européennes de surveillance (AES).

La BCE escompte être consultée en temps utile sur ces actes de l’Union proposés. De plus, elle recommande de garantir la cohérence intersectorielle de la législation de l’Union relative aux services financiers.

Pouvoirs des autorités compétentes, rôle de l’AEMF et des autorités macroprudentielles : la BCE se félicite que le cadre proposé renforce et harmonise les pouvoirs des autorités chargées de la surveillance des entreprises d’investissement et des marchés d’instruments financiers ainsi que l’exercice de leur pouvoir d’enquête, mettant particulièrement l’accent sur la coopération transfrontalière.

La BCE approuve le rôle majeur conféré à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) dans le cadre proposé, et notamment en ce qui concerne la fonction de facilitation et de coordination ainsi que l’évolution des normes techniques. Elle recommande :

  • d’améliorer encore la coopération et l’échange d’informations au sein du système européen de surveillance financière, et entre les autorités de surveillance et les banques centrales du SEBC, y compris la BCE, lorsque ces informations sont pertinentes pour l’exercice de leurs missions respectives ;
  • de mettre en place et de renforcer des procédures de coopération adéquates avec les autorités macroprudentielles lorsqu’il convient d’évaluer les menaces pour la stabilité du système financier. Cela pourrait se traduire par une coopération entre les autorités compétentes et les autorités nationales macroprudentielles ou, dans d’autres cas, par une coopération de l’AEMF avec le Comité européen du risque systémique (CERS).

En outre, afin d’assurer la transparence et la cohérence des sanctions administratives adoptées dans l’Union, les États membres devraient notifier à la Commission et à l’AEMF les règles nationales applicables et toute modification ultérieure les concernant.

Révision de la directive 2004/39/CE : la BCE formule les remarques particulières suivantes :

- Évolution de la structure de marché : la BCE soutient les propositions de la Commission visant à améliorer le cadre régissant la structure du marché à la lumière de l’innovation financière et des derniers développements technologiques, et notamment l’introduction de propositions de réglementation concernant une nouvelle plate-forme de négociation, à savoir le système organisé de négociation (OTF) qui élargirait le champ d’application du dispositif réglementaire de l’Union.

- Obligations de transparence et consolidation de données : la directive MIF proposée et le règlement MIF proposés prévoient des dispositions visant à améliorer la consolidation des données pour la transparence de l’information. Selon ces dispositions, des «fournisseurs de système consolidé de publication» (consolidated tape providers - CTP) collecteront des informations auprès des plates-formes de négociation et, pour les transactions exécutées en dehors des plates-formes de négociation, auprès des entreprises d’investissement par l’intermédiaire de dispositifs de publication agréés.

La BCE considère que seule la mise en place d’un CTP unique peut garantir la transparence de façon satisfaisante et appropriée. Elle note que l’expérience acquise depuis la transposition de la directive 2004/39/CE a révélé une défaillance du marché relative à la consolidation des données qui justifierait de soumettre dès à présent des propositions législatives aux fins de traiter ces questions.

- Déclaration des transactions : la BCE souligne l’importance de veiller à ce que les informations résultant de la déclaration des transactions soient facilement accessibles au niveau européen dans un système unique désigné par l’AEMF, et ce le plus vite possible sans attendre une possible révision du règlement MIF proposé dans les deux années suivant son entrée en vigueur.

- Exemptions pour les opérations des banques centrales des obligations d’information et de déclaration : la BCE recommande fortement que les opérations des banques centrales du SEBC bénéficient de l’exemption des obligations de transparence. Les opérations auxquelles une banque centrale du SEBC est contrepartie devraient également exemptées des obligations de déclaration.

- Marchés des petites et moyennes entreprises : eu égard aux récentes difficultés rencontrées par les PME pour avoir accès au financement, et étant présumé qu’elles rencontreront de nouveau de telles difficultés en périodes de tensions sur les marchés, la BCE est d’avis que la création d’une plate-forme de négociation spécialement adaptée aux PME est incontestablement opportune.

- Négociation des instruments dérivés de gré à gré normalisés : la BCE approuve les dispositions qui viennent à l’appui de l’exigence que les instruments dérivés de gré à gré éligibles soient négociés sur des marchés réglementés, des MTF et des OTF, et qui confient à l’AEMF la mission de déterminer la portée précise de cette obligation en tenant compte des liquidités. En vue de compléter cette approche et afin de respecter la recommandation du Conseil de stabilité financière, la BCE estime que le contrôle régulier de la négociation des contrats non normalisés en dehors d’un marché réglementé, d’un MTF ou d’un OTF devrait intervenir au niveau de l’Union.

- Exigences renforcées pour le trading algorithmique, y compris le trading haute fréquence :

  • la BCE est d’avis que le dispositif réglementaire devrait clarifier que la notion d’entreprise d’investissement couvre toutes les entités effectuant du trading algorithmique à titre professionnel, lesquelles relèveraient ainsi du champ d’application de la directive MIF et seraient soumises à la surveillance et au contrôle de leurs activités par les autorités compétentes ;
  • pour faciliter la surveillance inter-marchés ainsi que pour éviter et déceler les abus de marché, la BCE estime que des identifiants uniques devraient être développés pour identifier les transactions générées par trading algorithmique au sein d’une même plate-forme de négociation et entre plates-formes de négociation ;
  • si la BCE estime que la Commission devrait être habilitée à fixer un plafond pour la proportion d’ordres non exécutés par rapport aux transactions, la BCE considère qu’il n’est pas nécessaire de fixer une limite minimale pour la proportion d’ordres non exécutés par rapport aux transactions.

- Limites et déclarations de positions concernant les instruments dérivés sur matières premières : la BCE souligne l’importance de traiter de façon appropriée le risque d’arbitrage réglementaire et de distorsion de concurrence, non seulement dans les États membres mais aussi vis-à-vis d’autres principales places financières. En conséquence, elle plaide pour une approche commune dans ce domaine, par exemple en conférant à l’AEMF une mission visant tant l’élaboration de principes communs au niveau de l’Union que la coordination des mesures adoptées par les autorités nationales compétentes.

En outre, si la BCE approuve l’adoption de limites de positions, elle préconise de clarifier davantage certains aspects. Cela vaut notamment pour la définition d’un seuil approprié, la période pendant laquelle ces limites devraient s’appliquer et l’utilisation des contrats de produits dérivés par les participants au marché.

- Protection des investisseurs et cadre de surveillance : la BCE est favorable à ce que l’AEMF soit habilitée à temporairement interdire ou restreindre la commercialisation, la distribution ou la vente de certains instruments financiers, ou d’un type d’activité ou de pratique financière. Elle recommande d’assurer une coordination appropriée avec le CERS sur ces questions. La BCE :

  • souligne la nécessité de i) clarifier la définition de «dépôts structurés», ii) préciser le dispositif de règles protectrices des consommateurs applicable aux produits financiers, et iii) veiller à une approche cohérente pour les diverses initiatives législatives dans l’Union sur ces questions, comme par exemple la révision de la directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts, ainsi que les travaux en cours relatifs aux produits d’investissement de détail ;
  • souligne en outre l’importance d’élaborer et de mettre en œuvre, en étroite coopération entre les AES, le cadre réglementaire et prudentiel relatif à la protection des investisseurs, par exemple en matière de pratiques de vente croisée ;
  • estime qu’il pourrait être utile de demander aux États membres d’élaborer des critères pour clarifier quelles catégories d’entités seraient éligibles pour être traitées comme des clients professionnels.

- Entreprises de pays tiers : la BCE relève que pour éviter toute distorsion de marché, il est nécessaire de garantir que les activités des entreprises de pays tiers respectent un niveau de protection des investisseurs et des normes réglementaires équivalents à ceux prévalant pour les entreprises de l’UE/EEE.

Selon la BCE, un niveau de protection effectivement équivalant pour les investisseurs de détail requiert que les accords de coopération avec le pays tiers veillent à ce que l’exigence concernant la suffisance du capital initial protège effectivement les investisseurs, étant donné que seule l’entreprise du pays tiers, et non la succursale, est détentrice de droits et d’obligations, et engage au final sa responsabilité envers les investisseurs.