Application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne. Décision-cadre. Initiative Autriche, Finlande, Suède

2005/0805(CNS)

OBJECTIF : prévoir le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements et de l'exécution des peines dans l'Union européenne.

ACTE LÉGISLATIF : Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne.

CONTENU : le principal objectif de la décision-cadre est de fixer les règles permettant à un État membre de reconnaître un jugement émis par un autre États membre et d'exécuter la condamnation sur son territoire.

Les principaux éléments de la décision-cadre peuvent se résumer comme suit :

Reconnaissance des jugements et exécutions des condamnations : la décision-cadre fixe les critères applicables à la transmission d'un jugement et d'un certificat de reconnaissance à un autre État membre : pour qu'un jugement soit reconnu et exécuté, une personne doit avoir été condamnée soit dans l'État d'émission, soit dans l'État d'exécution. Elle doit en outre expressément donner son consentement, selon des modalités spécifiques définies à la décision-cadre. Un modèle-type de certificat figure à l'annexe de la décision-cadre.

La transmission du jugement et du certificat pourront avoir lieu lorsque l'État d'émission, après avoir consulté l'autorité compétente de l'État d'exécution, a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation par l'État d'exécution contribuera à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée. Pour acquérir la certitude que l'exécution de la condamnation par l'État d'exécution contribuera à rencontrer ce objectif, l'État d'émission devra tenir compte d'éléments tels que, par exemple, l'attachement de la personne à l'État d'exécution, le fait qu'elle le considère ou non comme un lieu où elle a des liens familiaux, linguistiques, culturels, sociaux ou économiques et autres.

Un jugement pourra alors être transmis: i) à l'État membre de la nationalité de la personne condamnée sur le territoire duquel elle vit; ii) à l'État membre de nationalité vers lequel la personne sera expulsée tel que prévu au jugement ; iii) tout autre État membre dont l'autorité compétente consent à la transmission du jugement.

L'exécution d'une condamnation sera régie par le droit de l'État d'exécution.

La décision-cadre fixe la procédure à suivre pour la transmission des jugements et des certificats qui les accompagnent.

Consentement et observations de la personne condamnée : en principe, un jugement accompagné d'un certificat, ne peut être transmis à l'État d'exécution aux fins de sa reconnaissance et de l'exécution de la condamnation qu'avec le consentement de la personne condamnée. Ce consentement n'est toutefois pas toujours nécessaire, notamment si le jugement est transmis à l'État membre de la nationalité sur le territoire duquel vit la personne condamnée ou s'il s'agit d'un État membre sur le territoire duquel la personne condamnée s'est réfugiée. Dans ces différents cas de figure, les personnes condamnées seront automatiquement transférées vers l'État d'exécution, exception faite de la Pologne qui jouit d'une dérogation de 5 ans à cet égard pour permettre à ce pays de faire face aux conséquences pratiques et matérielles liées au transfèrement de ressortissants polonais condamnés dans d'autres États membres.

Dans tous les cas où la personne condamnée se trouve encore dans l'État d'émission, elle doit avoir la possibilité de présenter ses observations orales ou écrites, ou via son représentant légal. Ces observations devront être prises en compte avant de prendre une décision de transmission d'un jugement et d'un certificat. Ces observations pourraient notamment contribuer à amener l'État d'exécution à changer d'avis dans la mesure où il jugerait que l'exécution de la condamnation sur son territoire ne contribuerait pas à faciliter la réinsertion du condamné.

Délai de reconnaissance d'un jugement : en principe, l'État d'exécution a 90 jours pour prendre une décision finale concernant la reconnaissance du jugement et l'exécution d'une condamnation à compter de la réception du certificat.

Double incrimination : des dispositions sont prévues pour faire en sorte que toutes les infractions graves telles que la participation à une organisation criminelle, le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, le trafic de stupéfiants ou d'armes, la corruption, la fraude ou le blanchiment d'argent, le viol, les actes de racisme, etc.,... passibles d'au moins 3 ans de prison donnent lieu à la reconnaissance automatique des jugements et à l'exécution des condamnations telle que définie à la présente décision-cadre, sans contrôle de la double incrimination. Le Conseil pourra décider à l'unanimité, et après consultation du Parlement européen, s'il convient d'ajouter d'autres catégories d'infractions à cette liste, à la lumière des résultats d'un rapport qui devra être soumis par la Commission. Au moment de l'adoption de la décision-cadre, un État membre pourra toutefois décider de ne pas appliquer cette disposition moyennant notification préalable au Secrétariat général du Conseil.

Exécution des condamnations à la suite d'un mandat d'arrêt européen : les dispositions de la décision-cadre s'appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions du mandat d'arrêt européen.

Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution : la décision-cadre prévoit le principe d'une reconnaissance par l'État d'exécution, des jugements transmis par l'État d'émission conformément aux modalités définies dans le dispositif. Il existe cependant des motifs de non-reconnaissance et de non exécution des condamnations dans les cas principaux suivants, si:

  • le certificat est incomplet ou ne correspond manifestement pas au jugement;
  • tous les critères requis, ne sont pas remplis;
  • l'exécution de la condamnation est manifestement contraire au principe « non bis in idem » (principe selon lequel une personne ne peut être poursuivie ou jugée deux fois pour la même infraction) ;
  • l'exécution de la condamnation est prescrite dans l'État d'exécution;
  • à la date de réception du jugement, la durée de la peine restant à purger est inférieure à 6 mois;
  • la peine prononcée comporte une mesure de soins psychiatriques ou une autre mesure privative de liberté qui ne peut être exécutée par l'État d'exécution ;
  • le jugement porte sur des infractions pénales qui selon le droit de l'État d'exécution, sont considérées comme ayant été commises en totalité ou en partie sur son territoire, etc.,....

Les motifs de refus liés à la territorialité ne devraient être appliqués que dans des cas exceptionnels. En tout état de cause, toute décision de non-reconnaissance ou de non-exécution devrait se fonder sur une analyse cas par cas et sur base de consultations entre autorités compétentes des États d'émission et d'exécution.

Des dispositions sont également prévues pour ne reconnaître ou exécuter que partiellement certains jugements ou pour les reporter.

Arrestation provisoire et transfèrement des personnes condamnées : lorsque la personne condamnée se trouve dans l'État d'exécution, ce dernier peut, à la demande de l'État d'émission -et avant réception du jugement et du certificat- procéder à l'arrestation de cette personne ou prendre toute autre mesure pour que cette personne demeure sur son territoire.

Si la personne condamnée se trouve par contre dans l'État d'émission, elle devra être transférée vers l'État d'exécution à une date arrêtée d'un commun accord entre les parties, au plus tard 30 jours après que la décision finale de l'État d'exécution concernant la reconnaissance du jugement, a été rendue.

Principe de spécialité : sauf disposition contraire, une personne transférée dans l'État d'exécution en vertu de la présente décision-cadre ne pourra être poursuivie, condamnée, ni privée de liberté pour une infraction, commise avant son transfèrement, autre que celle qui a motivé son transfèrement.

Échanges d'informations : des dispositions sont prévues pour que les autorités compétentes des États membres d'exécution et d'émission s'informent mutuellement de toute décision ou mesure qui aurait pour effet d'ôter à la condamnation, immédiatement ou à terme, son caractère exécutoire (ex. : une amnistie) ou du fait qu'il est impossible dans la pratique d'exécuter la condamnation ou de toute autre type d'information importante.

Application territoriale : la décision-cadre s'applique à Gibraltar.

Disposition transitoire : les demandes d'exécution reçues avant le 5 décembre 2011 pourront continuer d'être régies conformément aux instruments juridiques existants. Les demandes reçues après cette date devront être régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre. Cependant, un État membre garde la possibilité, moyennant déclaration publiée au Journal Officiel, de ne pas appliquer certaines dispositions de la présente décision-cadre. Dans ce cas, il devra alors continuer à appliquer les instruments juridiques existants, applicables avant le 5 décembre 2011. Ce type de déclaration pourra être retirée à tout moment.

ENTRÉE EN VIGUEUR : 05.12.2008.

MISE EN ŒUVRE : 05.12.2011. Á compter de cette date la décision-cadre remplacera :

  • la Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 et son protocole additionnel du 18 décembre 1997,
  • la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970,
  • le titre III, chapitre 5, de la Convention d'application du 19 juin 1990 de l'accord de Schengen,
  • la Convention entre les États membres des Communautés européennes sur l'exécution des condamnations pénales étrangères du 13 novembre 1991.

La Commission établit au plus tard le 5 décembre 2013 un rapport assorti de toute initiative qu'elle jugerait opportune en vue de résoudre les difficultés rencontrées par les États membres dans l'application de la décision-cadre.