Application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne. Décision-cadre. Initiative Autriche, Finlande, Suède

2005/0805(CNS)

La Commission présente un rapport sur la mise en œuvre par les États membres de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté (décision-cadre relative au transfèrement de détenus). La décision-cadre devait être mise en œuvre avant le 5 décembre 2011. D’une part, elle permet à un État membre d’exécuter une peine de prison prononcée dans un autre État membre à l’encontre d’une personne qui demeure dans ce premier État membre. D’autre part, elle établit un système de transfèrement des détenus condamnés vers l’État membre dont ils ont la nationalité ou celui où ils ont leur résidence habituelle (ou vers un autre État membre avec lequel ils ont des liens étroits) afin qu’ils y purgent leur peine de prison.

Dans le cadre de la mise en place d’un espace européen de justice fondé sur la confiance mutuelle, l’Union européenne a pris des mesures pour garantir que les non-résidents faisant l’objet d’une procédure pénale ne soient pas traités différemment des résidents. L’initiative est particulièrement importante, compte tenu du nombre considérable de citoyens de l’Union détenus dans d’autres États membres.

L’analyse des nombreuses réponses au Livre vert de la Commission de juin 2011 sur l’application de la législation de l’UE en matière de justice pénale dans le domaine de la détention a montré que la mise en œuvre correcte et rapide des décisions-cadres devait avoir la priorité absolue.

Le rapport se concentre également sur deux autres textes législatifs :

  • décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire (décision-cadre relative à la décision européenne de contrôle judiciaire);
  • décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de probation et peines de substitution (décision-cadre relative à la probation et aux peines de substitution).

Le présent rapport poursuit dès lors un double objectif:

  1. évaluer la mise en œuvre des décisions-cadres dans le contexte du pouvoir de la Commission d’engager des procédures d’infraction à partir du 1er décembre 2014,
  2. fournir une évaluation préliminaire des législations de transposition nationales notifiées à la Commission.

État des lieux : chaque année, des dizaines de milliers de citoyens de l’Union sont poursuivis pour des infractions pénales présumées ou condamnés dans un autre État membre de l’Union européenne. Très souvent, les juridictions pénales ordonnent la détention des non-résidents, par crainte qu’ils ne comparaissent pas au procès. Dans une situation analogue, un suspect résidant dans le pays bénéficierait souvent d’une mesure de contrôle moins coercitive, en étant par exemple soumis à l’obligation de se présenter à la police ou à une limitation de sa liberté de circulation.

Les décisions-cadres doivent dès lors être vues comme un ensemble législatif cohérent et complémentaire régissant la détention de citoyens de l’Union dans d’autres États membres et susceptible de conduire à une réduction de la détention provisoire ou de faciliter la réinsertion sociale des personnes détenues dans un contexte transfrontière.

Les trois décisions-cadres comportent des liens opérationnels, mais il en existe aussi entre les décisions-cadres et la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen.

État de la transposition : au moment de la rédaction du présent rapport, seuls les États membres suivants avaient notifié à la Commission la transposition des décisions-cadres en droit national:

- Probation et peines de substitution: DK et FI à la date limite de transposition et AT, BE, BG, CZ, HR, HU, LV, NL, PL, RO, SI et SK après la date limite de transposition.

- Transfèrement de détenus: DK, FI, IT, LU et UK à la date limite de transposition et AT, BE, CZ, FR, HR, HU, LV, MT, NL, PL, RO, SI et SK après la date limite de transposition.

- Décision européenne de contrôle judiciaire: DK, FI, LV et PL à la date limite de transposition et AT, CZ, HR, HU, NL, RO, SI et SK après la date limite de transposition.

La non-transposition des décisions-cadres par certains États membres est très problématique car les États membres qui ont dûment transposé les décisions-cadres ne peuvent bénéficier de leurs dispositions en matière de coopération dans leurs relations avec ceux qui ne les ont pas transposées dans le délai imparti. En effet, le principe de reconnaissance mutuelle — pierre angulaire de l’espace judiciaire européen — exige une transposition réciproque et ne peut fonctionner si les deux États membres concernés n’ont pas correctement mis en œuvre les instruments. Par conséquent, en cas de coopération avec un État membre n’ayant pas transposé les décisions-cadres dans le délai fixé, les États membres ayant effectué cette transposition devront néanmoins continuer à appliquer les conventions du Conseil de l’Europe correspondantes dans le cadre du transfèrement de détenus ou du transfert de peines à d’autres États membres.

Principales conclusions du rapport : le rapport se concentre sur l’évaluation d’une sélection de dispositions des décisions-cadres à la lumière de leurs objectifs. Puisqu’il s’agit d’une évaluation préliminaire, il est prématuré de tirer des conclusions générales sur la qualité de la mise en œuvre, d’autant que de nombreux États membres n’ont pas encore satisfait à leur obligation de transposer les décisions-cadres.

L’objectif de développement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice pour tous les citoyens de l’Union, tel qu’énoncé à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, ne peut être atteint si les États membres ne mettent pas correctement en œuvre les instruments qu’ils ont tous approuvés.

La transposition partielle et incomplète des décisions-cadres entrave l’application du principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine de la justice pénale et porte atteinte à la confiance légitime des citoyens de l’Union, dans la mesure où ils sont privés d’un instrument précieux pour réduire les répercussions négatives sur leur vie liées au fait d’être soupçonné ou poursuivi dans un autre État membre. L’atteinte est particulièrement importante dans le cas de citoyens faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen au stade présentenciel. Cette situation empêche parallèlement de réaliser l’objectif des décisions-cadres qui consiste à garantir que la justice soit rendue, tout en améliorant la réinsertion sociale de la personne soupçonnée ou accusée.

Enfin, le retard pris dans la mise en œuvre est regrettable, dans la mesure où les décisions-cadres pourraient entraîner une diminution des peines de détention prononcées par les juges à l’encontre de non-résidents. Il en résulterait non seulement une baisse de la surpopulation carcérale et, partant, une amélioration des conditions de détention, mais aussi la réalisation d’économies considérables sur les budgets alloués par les États membres aux institutions pénitentiaires.

Procédures d’infraction : sachant qu’à partir du 1er décembre 2014, la Commission disposera du pouvoir d’engager des procédures d’infraction, il est capital que tous les États membres prennent connaissance du présent rapport et communiquent toutes les informations pertinentes à la Commission afin de respecter leurs obligations découlant du traité.

La Commission engage dès lors les États membres qui ne l’ont pas encore fait à prendre rapidement les mesures nécessaires pour mettre en œuvre ces décisions-cadres aussi exhaustivement que possible.