Directive relative à la carte bleue européenne

2016/0176(COD)

OBJECTIF : établir les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers qui viennent occuper un emploi nécessitant des compétences élevées.

ACTE PROPOSÉ : Directive  du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : la directive «carte bleue européenne» (directive 2009/50/CE du Conseil) visait à faciliter l’admission et la mobilité des travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers, et des membres de leurs familles, en harmonisant les conditions d’entrée et de séjour dans l’ensemble de l’UE et en définissant une série de droits. Cette directive a révélé des faiblesses, notamment des conditions d’admission restrictives et une amélioration très limitée de la mobilité à l’intérieur de l’Union.

L’afflux global de travailleurs ressortissants de pays tiers dotés de compétences élevées vers les États membres participant à la fois au régime de carte bleue européenne et aux régimes nationaux pour les travailleurs dotés de compétences élevées a été de 23.419 en 2012, de 34.904 en 2013 et de 38.774 en 2014. Comparés aux besoins prévisionnels de travailleurs dotés de compétences élevées dans certains secteurs, ces chiffres sont nettement insuffisants pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences futures ou existantes dans l’UE dans les emplois nécessitant des compétences élevées.

La situation fragmentée actuelle, qui comporte des règles nationales divergentes et parallèles pour la même catégorie de ressortissants de pays tiers à travers les États membres, n’est ni efficace ni efficiente pour chacune des parties concernées.

Les conclusions du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 indiquent que si elle veut continuer à attirer les talents et les compétences, l’Europe doit affronter la concurrence dans la course mondiale aux talents. Elle doit donc élaborer des stratégies visant à tirer le meilleur parti des possibilités qu’offre la migration légale, notamment par la rationalisation des règles existantes.

L’agenda européen en matière de migration, adopté le 13 mai 2015, préconise la mise en place, à l’échelle européenne, d’un régime attrayant pour les ressortissants de pays tiers hautement qualifiés, et précise qu’il est nécessaire de réviser la directive 2009/50/CE du Conseil pour la rendre plus efficace pour attirer des talents dans l’Union et, partant, relever les défis démographiques auxquels l’Union doit faire face et remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences dans des secteurs clés de l’économie de l’Union.

ANALYSE D’IMPACT : l’option privilégiée comprend les principaux éléments suivants:

  • modifier les conditions d’admission et rendre la carte bleue européenne accessible à un groupe élargi de travailleurs dotés de compétences élevées, améliorer les droits associés à la carte bleue européenne, notamment la mobilité intra-UE, et ne pas étendre le champ d’application aux travailleurs autres que ceux dotés de compétences élevées ;
  • les régimes nationaux pour les ressortissants de pays tiers relevant du champ d’application de la directive ne seraient plus autorisés ;
  • les mesures législatives seraient complétées par des actions non législatives et, éventuellement, par une mesure visant à rendre la carte bleue européenne accessible aux bénéficiaires d’une protection internationale dotés de compétences élevées.

Le nombre de titres supplémentaires estimés pour cette option est compris entre un minimum de 32.484 et un maximum de 137.690 travailleurs (par an, cumulés pour tous les États membres participants, variant en fonction du seuil salarial fixé par les États membres). Le résultat serait un impact économique annuel positif estimé à un montant allant de 1,4 à 6,2 milliards EUR.

CONTENU : la proposition vise à remplacer directive 2009/50/CE en vigueur. Elle prévoit la mise en place d’une procédure spéciale d’admission et l’adoption de conditions d’entrée et de séjour, ainsi que la définition de droits applicables aux ressortissants de pays tiers qui viennent occuper un emploi nécessitant des compétences élevées et aux membres de leur famille.

Définitions : la proposition donne une définition pour l’«emploi nécessitant des compétences élevées», qui remplace la notion d’«emploi hautement qualifié» dans la directive en vigueur. Elle fait référence à un emploi rémunéré occupé par une personne qui possède des «qualifications professionnelles élevées» attestées soit par un «diplôme de l’enseignement supérieur», soit par des «compétences professionnelles élevées» étayées par une expérience professionnelle d’au moins trois ans d’un niveau comparable à un diplôme de l’enseignement supérieur et qui soit pertinente dans le travail ou la profession à exercer.

Une nouvelle définition du terme «activité économique» est fournie afin de préciser quelles activités professionnelles peuvent être exercées par le titulaire de la carte bleue européenne dans le contexte de la réglementation spécifique applicable à une mobilité de courte durée vers d’autres États membres.

Champ d’application : la proposition :

  • ne s’appliquerait pas aux citoyens de l’UE, aux ressortissants de pays tiers qui sont «résidents de longue durée - UE» et qui souhaitent se rendre dans un autre État membre, ni aux travailleurs saisonniers ou aux travailleurs détachés ;
  • ne s’appliquerait pas aux ressortissants de pays tiers qui demandent à séjourner dans un État membre en qualité de chercheurs au sens de la directive (UE) 2016/801 afin d’y mener un projet de recherche ;
  • prévoit d’accorder l’accès à la carte bleue européenne à tous les ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille d’un citoyen de l’UE, afin de leur permettre d’exercer un emploi nécessitant des compétences élevées et d’effectuer des voyages professionnels dans différents États membres ;
  • ne s’appliquerait pas aux demandeurs d’une protection internationale qui attendent une décision sur leur statut ou à ceux qui sont bénéficiaires d’une protection temporaire ou résident dans un État membre à titre strictement temporaire. Elle s’appliquerait, en revanche, aux bénéficiaires d’une protection internationale au titre de la directive 2011/95/UE (la «directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile») ;
  • obligerait les États membres à octroyer aux personnes relevant de son champ d’application une carte bleue européenne à la place d’un permis national pour l’exercice d’un emploi nécessitant des compétences élevées.

Dispositions plus favorables : la proposition harmonise les conditions et procédures d’admission applicables aux ressortissants de pays tiers relevant de son champ d’application et aux membres de leur famille, ainsi qu’à leur mobilité ultérieure vers d’autres États membres. Les États membres seraient néanmoins autorisés à accorder des conditions plus favorables en matière de droits.

Conditions d’admission : outre les conditions générales telles que posséder un document de voyage en cours de validité, une assurance maladie et ne pas constituer une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, les conditions spécifiques seraient notamment les suivantes :

  • un contrat de travail ou une offre ferme pour un emploi d’une durée d’au moins 6 mois dans l’État membre concerné (contre 12 mois dans la directive actuelle) ;
  • la preuve apportée par le demandeur qu’il/elle possède les qualifications professionnelles élevées requises ;
  • le salaire indiqué dans le contrat de travail devrait être au moins égal à un certain seuil fixé par les États membres, dans une fourchette comprise entre 1,0 et 1,4 fois le salaire brut annuel moyen dans l’État membre concerné ;
  • un seuil salarial inférieur obligatoire (80% du seuil général) serait introduit pour les professions en pénurie de main d’œuvre déterminées par les États membres, ainsi que pour les jeunes diplômés.

S’agissant de la possibilité de procéder à un test sur le marché de l’emploi, la proposition ne le permet que dans les cas où le marché du travail d’un État membre connaît de graves perturbations, par exemple un taux de chômage élevé dans une profession ou un secteur donné sur une partie précise de son territoire.

Procédure : les demandeurs ayant fait l’objet d’une décision positive de la part de l’État membre concerné recevraient un titre de séjour appelé «carte bleue européenne», mentionnant les conditions auxquelles ils sont autorisés à travailler. La période de validité standard pour la carte bleue européenne serait de 24 mois au moins. Elle devrait être au moins égale à la durée du contrat de travail plus trois mois. Lorsqu’une carte bleue européenne est renouvelée, sa durée de validité devrait être de 24 mois au moins.

Les États membres devraient notifier au demandeur une décision sur sa demande au plus tard dans les 60 jours suivant la date de présentation de la demande. Ils pourraient décider d’imposer des droits à acquitter au titre du traitement des demandes. Ces droits ne devraient être ni disproportionnés ni excessifs.

Droits : la proposition simplifie l’accès au marché du travail en permettant aux titulaires d’une carte bleue européenne de bénéficier d’un accès illimité aux emplois nécessitant des compétences élevées. Les États membres pourraient seulement exiger qu’ils communiquent les changements d’employeur ou les changements susceptibles d’avoir des conséquences sur le respect des conditions d’admission. Le chômage temporaire serait autorisé.

De nouvelles dispositions permettraient aux titulaires d’une carte bleue européenne d’accéder plus aisément au statut de résident de longue durée - UE. Pour renforcer le lien avec l’État qui accorde le statut de résident de longue durée, il serait exigé que le titulaire de la carte bleue européenne ait été résident pendant au moins les deux années qui ont immédiatement précédé la demande de ce statut dans l’État membre concerné.

Les dispositions relatives à l’égalité de traitement des titulaires d’une carte bleue européenne avec les ressortissants des États membres correspondent dans une large mesure aux droits conférés par la directive 2009/50/CE.

Mobilité entre les États membres : la proposition permet aux titulaires d’une carte bleue d’entrer et de séjourner dans d’autres États membres pour y exercer une activité économique. Le deuxième État membre ne pourrait pas exiger un permis de travail ni aucune autre autorisation que la carte bleue européenne délivrée par le premier État membre pour l’exercice de ces activités.

·        Si la carte bleue européenne est délivrée par un État membre appliquant intégralement l’acquis de Schengen, le titulaire de la carte pourrait circuler dans l’espace Schengen et exercer une activité économique pour une durée de 90 jours sur une période de 180 jours.

·        Lorsque cette carte est délivrée par un État membre n’appliquant pas intégralement l’acquis de Schengen, les États membres pourraient exiger une preuve de l’objet du voyage lorsque le titulaire de carte franchit une frontière extérieure à des fins de mobilité.

·        En outre, si une carte bleue n’est finalement pas délivrée par le deuxième État membre, le premier État membre devrait autoriser à nouveau l’entrée de la personne concernée ainsi que des membres de sa famille éventuels.

Informations des demandeurs : les États membres seraient tenus de i) fournir, de manière aisément accessible, les informations aux demandeurs sur les conditions d’entrée et de résidence, ainsi que sur les droits ; ii) communiquer à la Commission des informations sur un certain nombre d’aspects, notamment les seuils salariaux annuels, la liste des professions connaissant une pénurie de main-d’œuvre et les activités économiques autorisées sur leur territoire.

Il faut noter que le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark ne participent pas à l’adoption de la directive et ne seraient donc pas liés par celle-ci.