Recommandation à l'intention du Conseil et de la Commission à la suite de l’enquête sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude fiscale

2016/3044(RSP)

Le Parlement européen a adopté par 492 à 50, avec 136 abstentions, une recommandation à l'intention du Conseil et de la Commission à la suite de l’enquête sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude fiscale.

La recommandation a noté que les Panama Papers ont ébranlé la confiance des citoyens en nos systèmes financiers et fiscaux. Il est essentiel de restaurer la confiance du public, de disposer de systèmes fiscaux justes et transparents, ainsi que de veiller à la justice fiscale et sociale.

Le Parlement a insisté sur le besoin de redéfinir le modèle fiscal européen afin de limiter la concurrence déloyale entre les États membres.

Il a déploré le nombre de cas de mauvaise administration que la commission d’enquête du Parlement chargée d’examiner les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale a mis au jour en ce qui concerne l’application du droit de l’Union.

Considérant comme regrettable que de nombreuses failles demeurent dans la législation en vigueur relative à la fraude fiscale et au blanchiment de capitaux aux niveaux européen et national, le Parlement a jugé nécessaire et urgent d’appliquer entièrement et de renforcer encore la législation existante.

Même s’il a salué l’intensification des efforts et les progrès réalisés depuis la publication des Panama Papers pour ce qui est de la présentation de nouvelles propositions législatives visant à mettre en place des stratégies inclusives, le Parlement a regretté le manque de volonté politique de certains États membres à progresser sur la voie de réformes et de mesures d’application qui apporteraient de réels changements.

Le Parlement a regretté que le traitement des questions de fiscalité soit régulièrement bloqué au niveau du Conseil par certains États membres. Il a réitéré son appel à la Commission à recourir à la procédure prévue à l’article 116 du traité FUE, qui autorise la modification de l’exigence d’unanimité au cas où la Commission constate qu’une disparité existant entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres fausse les conditions de concurrence sur le marché intérieur.

Fraude et évasion fiscales : le Parlement a souligné l’urgence de disposer d’une définition commune au niveau international de ce qu’est un centre financier offshore (CFO), un paradis fiscal, une juridiction opaque, une juridiction fiscale non coopérative et un pays à haut risque en matière de blanchiment de capitaux. Ces définitions doivent être convenues au niveau international sans préjudice de la publication immédiate de la liste noire commune de l’Union.

Le Parlement s’est également réjoui du  rôle prépondérant que joue la Commission dans l’élaboration de critères permettant de dresser une liste commune de l’Union des pays et territoires non coopératifs en matière fiscale. Il a invité le Conseil et la Commission à mettre en place un mécanisme de révision transparent et objectif, auquel serait associé le Parlement européen, permettant de mettre à jour la liste à l’avenir.

Le Parlement a demandé que des sanctions soient également appliquées aux entreprises, aux banques, aux cabinets d’expertise juridique et comptable et aux conseillers fiscaux complices des activités illégales, nuisibles ou frauduleuses de ces pays et territoires non coopératifs ou connus pour avoir facilité des montages fiscaux illégaux, nuisibles ou frauduleux dans lesdits pays et territoires.

La Commission a été appelée à :

  • présenter, d’ici la fin de l’année 2018, un rapport évaluant les régimes fiscaux des États membres et des entités, régions ou autres structures administratives en dépendant, qui facilitent l’évasion et la fraude fiscales et ont un impact potentiellement dommageable sur le marché unique ;
  • présenter une proposition législative afin de garantir que les structures offshore dont le ou les bénéficiaires effectifs se trouvent dans un État membre sont soumises à des audits et à des exigences de divulgation comptable identiques à ceux requis par l’entité européenne où se trouvent le ou les bénéficiaires effectifs ;
  • présenter une proposition législative visant à réviser la directive relative à la coopération administrative (DAC) afin de renforcer encore la coopération fiscale entre les États membres ;
  • présenter une proposition législative afin de traiter la question des conversions transfrontalières et des transferts de sièges et de prévoir des règles claires concernant le transfert du siège social d’une entreprise au sein de l’Union, notamment des règles visant à lutter contre les sociétés boîtes aux lettres ;
  • modifier la législation européenne afin d’interdire le versement de crédits européens à des bénéficiaires finaux ou à des intermédiaires financiers dont l’implication dans l’évasion fiscale ou la planification fiscale agressive a été prouvée ;
  • créer un registre européen des entreprises normalisé, public et obligatoire qui permette d’obtenir des informations actualisées et fiables sur les entreprises et d’assurer la transparence grâce à l’accès transfrontalier à des informations comparables et fiables sur les sociétés établies dans l’Union ;
  • ne pas conclure d’accords commerciaux avec des juridictions définies par l’Union comme des paradis fiscaux ;
  • veiller à la bonne la mise en œuvre de la directive antiblanchiment ;
  • finaliser une évaluation de la base juridique sur laquelle pourraient se fonder d’éventuelles mesures futures adoptées au niveau de l’Union et, le cas échéant, à présenter une législation complète couvrant à la fois le secteur public et le secteur privé, et prévoyant notamment des instruments visant à soutenir les lanceurs d’alerte afin de leur garantir une protection efficace et une aide financière suffisante ;
  • créer un fonds général pour soutenir financièrement les lanceurs d’alerte dont les moyens de subsistance sont menacés à la suite de la révélation de faits importants, qui serait en partie financé par les recettes issues des recouvrements et amendes.

En dernier lieu, le Parlement a  insisté sur le fait que le cadre juridique actuel régissant le fonctionnement des commissions d’enquête du Parlement européen est obsolète et n’est pas en mesure de créer les conditions nécessaires pour que le Parlement puisse véritablement exercer son droit d’enquête. Le Parlement s’est dit déterminé à créer une commission d’enquête permanente, sur le modèle du Congrès américain.