Autorités européennes de surveillance: pouvoirs, gouvernance et financement

2017/0230(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) et les actes juridiques connexes.

Le règlement proposé fait partie d’un ensemble complet de propositions, émises en septembre 2017, de réforme du Système européen de surveillance financière (SESF), qui comprend les trois autorités européennes de surveillance (AES) et le Comité européen du risque systémique (CERS).

La BCE accueille favorablement l’objectif du règlement proposé et soutient une intégration plus poussée, au niveau de l’Union, du cadre de surveillance prudentielle applicable au secteur bancaire, ainsi que le renforcement de la dimension européenne de la surveillance prudentielle par le réexamen de la structure actuelle des AES.

Soulignant que les projets d’union bancaire et d’union des marchés des capitaux (UMC) se trouvent à différents stades d’avancement, la BCE estime que le réexamen des AES ne devrait pas nécessairement rechercher des résultats identiques pour ces trois autorités, mais plutôt porter sur les missions et fonctions de celles-ci.

En ce qui concerne les nouvelles fonctions de surveillance mentionnées dans le règlement proposé, la BCE estime que certaines modifications proposées n’opèrent pas une distinction adéquate entre le périmètre des missions de surveillance microprudentielle de la BCE et la compétence de l’ABE pour fixer des normes réglementaires visant à promouvoir la convergence en matière de surveillance. Or, la BCE juge essentiel d’optimiser les synergies découlant de ses missions et de celles de l’ABE en évitant une duplication ou une attribution inappropriée des missions.

Les principales recommandations de la BCE portent sur les points suivants :

Nouveau cadre de gouvernance de l’ABE: le règlement proposé vise à introduire un nouvel organe dans la structure de gouvernance de l’ABE, à savoir un conseil exécutif qui se verrait attribuer des pouvoirs décisionnels exclusifs dans un certain nombre de domaines.

Tout en étant favorable au réexamen de la structure de gouvernance des AES, la BCE recommande toutefois que le conseil des autorités de surveillance reste l’organe de décision pour les missions visant à promouvoir la convergence en matière de surveillance à l’échelle de l’Union européenne, au lieu d’attribuer d’importants pouvoirs de surveillance à un organe nouvellement constitué. La BCE n’est pas favorable à l’attribution au conseil exécutif d’un droit général d’initiative pour les actes réglementaires. De plus, le Conseil et le Parlement devraient envisager de conférer à la BCE le statut d’observateur au sein du conseil exécutif proposé.

Plans stratégiques en matière de surveillance: la BCE ne juge pas opportun de confier à l’ABE des compétences de planification stratégique. L’identification des tendances microprudentielles, des risques et vulnérabilités potentiels des établissements financiers, ainsi que la définition des différentes priorités stratégiques de la surveillance sont des missions essentielles qui devraient être exercées par l’autorité chargée de la surveillance microprudentielle, et non par l’ABE, qui est une autorité de réglementation chargée d’établir des normes. L’ABE ne devrait prendre aucune décision liée à un plan stratégique en matière de surveillance pour lequel la responsabilité de la BCE pourrait finalement être engagée.

Du point de vue pratique, la BCE estime que le règlement proposé risque d’entraver considérablement les processus de planification stratégique et opérationnelle du mécanisme de surveillance unique (MSU) ainsi que le processus d’identification des risques que celui-ci doit suivre.

Tests de résistance: le règlement proposé transfère au conseil exécutif les pouvoirs décisionnels du conseil des autorités de surveillance relatifs au lancement et à la coordination des tests de résistance à l’échelle de l’Union. La BCE estime que les tests de résistance constituent un outil majeur de la surveillance prudentielle, qui doit être utilisé par les autorités assumant des responsabilités en ce domaine. C’est pourquoi elle estime que les modifications envisagées pourraient nuire à l’efficacité de la surveillance prudentielle et ainsi aller à l’encontre de l’objectif de la Commission, qui est de renforcer la stabilité du marché intérieur. La BCE craint que le règlement proposé ne garantisse pas suffisamment la qualité et l’exhaustivité des tests de résistance.

Coordination en matière de délégation et d’externalisation d’activités ainsi que de transferts de risques vers des pays tiers: du point de vue de la surveillance prudentielle, la BCE estime que l’obligation de notifier les accords de transferts de risques à l’ABE ne satisfait pas nécessairement à l’objectif du règlement proposé visant à prévenir l’arbitrage réglementaire dans les États membres. Au contraire, cette obligation pourrait empiéter sur les missions de surveillance microprudentielle exercées par la BCE dans le cadre du MSU et accroître la charge administrative lors du processus de surveillance prudentielle.

Coopération internationale: la BCE se félicite que soit attribué à l’ABE un rôle d’aide à la Commission lors de l’élaboration  et du suivi des décisions d’équivalence des régimes de pays tiers en matière de réglementation et de surveillance. Elle formule toutefois certaines observations sur la procédure envisagée pour la négociation et la conclusion des accords administratifs entre les autorités compétentes et l’autorité de surveillance concernée du pays tiers. La BCE estime notamment qu’en cas de participation active de l’ABE au processus de négociation, celui-ci serait inutilement rendu plus complexe, ce qui pourrait retarder la conclusion de protocoles d’accord destinés à la coopération en matière de surveillance.

Pouvoirs d’infliger des amendes et aux demandes d’informations: la BCE souscrit à l’objectif de la proposition qui est de veiller à ce que l’ABE ait le droit de recueillir les informations nécessaires pour exercer ses fonctions et ses missions. La BCE estime toutefois que le renforcement proposé de ce droit qui lui donne le pouvoir d’infliger des amendes et des astreintes, ne devrait pas porter atteinte à la possibilité donnée aux autorités compétentes d’exercer leurs pouvoirs lorsque les établissements financiers concernés ne fournissent pas des informations exactes ou complètes ou qu’ils ne transmettent pas celles-ci dans le délai prescrit.

Exigences de déclaration d’informations prudentielles et de communication financière au titre du troisième pilier: la BCE estime que pour l’avenir, les colégislateurs pourraient envisager de formaliser et d’élargir le rôle de l’ABE en matière de transparence des établissements financiers, tout en évitant une démultiplication de leurs obligations de déclaration. L’ABE pourrait, en particulier, être chargée d’intégrer les exigences de déclaration d’informations prudentielles et d’informations quantitatives au titre du troisième pilier, telles que définies par le droit de l’Union, dans un seul dispositif de collecte. De plus, la création d’un cadre pour un registre central de données à l’ABE pourrait améliorer la qualité des données prudentielles.