AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) et les actes juridiques connexes.
Le règlement proposé fait partie dun ensemble complet de propositions, émises en septembre 2017, de réforme du Système européen de surveillance financière (SESF), qui comprend les trois autorités européennes de surveillance (AES) et le Comité européen du risque systémique (CERS).
La BCE accueille favorablement lobjectif du règlement proposé et soutient une intégration plus poussée, au niveau de lUnion, du cadre de surveillance prudentielle applicable au secteur bancaire, ainsi que le renforcement de la dimension européenne de la surveillance prudentielle par le réexamen de la structure actuelle des AES.
Soulignant que les projets dunion bancaire et dunion des marchés des capitaux (UMC) se trouvent à différents stades davancement, la BCE estime que le réexamen des AES ne devrait pas nécessairement rechercher des résultats identiques pour ces trois autorités, mais plutôt porter sur les missions et fonctions de celles-ci.
En ce qui concerne les nouvelles fonctions de surveillance mentionnées dans le règlement proposé, la BCE estime que certaines modifications proposées nopèrent pas une distinction adéquate entre le périmètre des missions de surveillance microprudentielle de la BCE et la compétence de lABE pour fixer des normes réglementaires visant à promouvoir la convergence en matière de surveillance. Or, la BCE juge essentiel doptimiser les synergies découlant de ses missions et de celles de lABE en évitant une duplication ou une attribution inappropriée des missions.
Les principales recommandations de la BCE portent sur les points suivants :
Nouveau cadre de gouvernance de lABE: le règlement proposé vise à introduire un nouvel organe dans la structure de gouvernance de lABE, à savoir un conseil exécutif qui se verrait attribuer des pouvoirs décisionnels exclusifs dans un certain nombre de domaines.
Tout en étant favorable au réexamen de la structure de gouvernance des AES, la BCE recommande toutefois que le conseil des autorités de surveillance reste lorgane de décision pour les missions visant à promouvoir la convergence en matière de surveillance à léchelle de lUnion européenne, au lieu dattribuer dimportants pouvoirs de surveillance à un organe nouvellement constitué. La BCE nest pas favorable à lattribution au conseil exécutif dun droit général dinitiative pour les actes réglementaires. De plus, le Conseil et le Parlement devraient envisager de conférer à la BCE le statut dobservateur au sein du conseil exécutif proposé.
Plans stratégiques en matière de surveillance: la BCE ne juge pas opportun de confier à lABE des compétences de planification stratégique. Lidentification des tendances microprudentielles, des risques et vulnérabilités potentiels des établissements financiers, ainsi que la définition des différentes priorités stratégiques de la surveillance sont des missions essentielles qui devraient être exercées par lautorité chargée de la surveillance microprudentielle, et non par lABE, qui est une autorité de réglementation chargée détablir des normes. LABE ne devrait prendre aucune décision liée à un plan stratégique en matière de surveillance pour lequel la responsabilité de la BCE pourrait finalement être engagée.
Du point de vue pratique, la BCE estime que le règlement proposé risque dentraver considérablement les processus de planification stratégique et opérationnelle du mécanisme de surveillance unique (MSU) ainsi que le processus didentification des risques que celui-ci doit suivre.
Tests de résistance: le règlement proposé transfère au conseil exécutif les pouvoirs décisionnels du conseil des autorités de surveillance relatifs au lancement et à la coordination des tests de résistance à léchelle de lUnion. La BCE estime que les tests de résistance constituent un outil majeur de la surveillance prudentielle, qui doit être utilisé par les autorités assumant des responsabilités en ce domaine. Cest pourquoi elle estime que les modifications envisagées pourraient nuire à lefficacité de la surveillance prudentielle et ainsi aller à lencontre de lobjectif de la Commission, qui est de renforcer la stabilité du marché intérieur. La BCE craint que le règlement proposé ne garantisse pas suffisamment la qualité et lexhaustivité des tests de résistance.
Coordination en matière de délégation et dexternalisation dactivités ainsi que de transferts de risques vers des pays tiers: du point de vue de la surveillance prudentielle, la BCE estime que lobligation de notifier les accords de transferts de risques à lABE ne satisfait pas nécessairement à lobjectif du règlement proposé visant à prévenir larbitrage réglementaire dans les États membres. Au contraire, cette obligation pourrait empiéter sur les missions de surveillance microprudentielle exercées par la BCE dans le cadre du MSU et accroître la charge administrative lors du processus de surveillance prudentielle.
Coopération internationale: la BCE se félicite que soit attribué à lABE un rôle daide à la Commission lors de lélaboration et du suivi des décisions déquivalence des régimes de pays tiers en matière de réglementation et de surveillance. Elle formule toutefois certaines observations sur la procédure envisagée pour la négociation et la conclusion des accords administratifs entre les autorités compétentes et lautorité de surveillance concernée du pays tiers. La BCE estime notamment quen cas de participation active de lABE au processus de négociation, celui-ci serait inutilement rendu plus complexe, ce qui pourrait retarder la conclusion de protocoles daccord destinés à la coopération en matière de surveillance.
Pouvoirs dinfliger des amendes et aux demandes dinformations: la BCE souscrit à lobjectif de la proposition qui est de veiller à ce que lABE ait le droit de recueillir les informations nécessaires pour exercer ses fonctions et ses missions. La BCE estime toutefois que le renforcement proposé de ce droit qui lui donne le pouvoir dinfliger des amendes et des astreintes, ne devrait pas porter atteinte à la possibilité donnée aux autorités compétentes dexercer leurs pouvoirs lorsque les établissements financiers concernés ne fournissent pas des informations exactes ou complètes ou quils ne transmettent pas celles-ci dans le délai prescrit.
Exigences de déclaration dinformations prudentielles et de communication financière au titre du troisième pilier: la BCE estime que pour lavenir, les colégislateurs pourraient envisager de formaliser et délargir le rôle de lABE en matière de transparence des établissements financiers, tout en évitant une démultiplication de leurs obligations de déclaration. LABE pourrait, en particulier, être chargée dintégrer les exigences de déclaration dinformations prudentielles et dinformations quantitatives au titre du troisième pilier, telles que définies par le droit de lUnion, dans un seul dispositif de collecte. De plus, la création dun cadre pour un registre central de données à lABE pourrait améliorer la qualité des données prudentielles.