Rapport sur le rapport 2021 de la Commission concernant la Turquie

2021/2250(INI)

Le Parlement européen a adopté par 448 voix pour, 67 contre et 107 abstentions, une résolution sur le rapport 2021 de la Commission concernant la Turquie.

Le Parlement a exprimé une nouvelle fois son inquiétude face à l’écart persistant qui sépare la Turquie et l’Union du point de vue des valeurs et des normes, et au manque persistant de volonté politique de mener à bien les réformes nécessaires pour répondre aux graves préoccupations concernant l’état de droit et les droits fondamentaux qui continuent à miner le processus d’adhésion, en dépit des déclarations répétées de la Turquie concernant l’objectif d’adhésion à l’Union.

Les députés ont souligné que les engagements pris par la Turquie dans le cadre du processus d’adhésion ne cessent de régresser depuis deux ans et qu’en l’absence de progrès manifestes et significatifs dans ce domaine, le Parlement ne peut envisager une reprise des négociations d’adhésion avec la Turquie, qui sont bloquées depuis 2018.

Le Parlement a réaffirmé sa conviction que la Turquie est un pays d’importance stratégique sur le plan politique, économique et de politique étrangère, un partenaire essentiel pour la stabilité de la région dans son ensemble, et un allié vital, notamment au sein de l’OTAN, avec lequel l’Union souhaite poursuivre le rétablissement de relations fondées sur le dialogue, le respect et la confiance mutuelle. Il s’est félicité des récentes déclarations exprimées au plus haut niveau par les autorités turques au sujet du nouvel engagement du gouvernement turc en faveur de l’adhésion à l’Union, mais a invité les autorités turques à traduire leurs paroles en actes.

L’état de droit et les droits fondamentaux 

Le Parlement a déploré la détérioration continue de la situation des droits de l’homme en Turquie et a invité la Turquie à mettre pleinement en œuvre tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il a condamné le retrait de la Turquie de la convention du Conseil d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et s’est dit préoccupé par le recul important de la liberté de réunion et de manifestation et par les mesures disproportionnées et arbitraires qui restreignent la liberté d’expression des journalistes, écrivains, professionnels des médias et utilisateurs des réseaux sociaux. Il a également invité le gouvernement turc à garantir le travail indépendant des avocats.

La Commission est invitée à fournir des financements suffisants à la société civile et aux acteurs non étatiques en vue de rendre prioritaires les efforts prodémocratiques qui pourraient contribuer à générer la volonté politique nécessaire pour renforcer les relations entre l’Union et la Turquie.

Cadre plus général des relations UE-Turquie et politique étrangère de la Turquie

Les députés ont exprimé leur gratitude aux autorités turques pour leur condamnation de l'invasion russe contre l'Ukraine. Ils ont salué l’alignement de la Turquie avec l’OTAN et l’Union, l'aide financière et humanitaire que la Turquie continue d'apporter à l'Ukraine, ainsi que la volonté du gouvernement turc d'agir en tant que médiateur entre les parties au conflit.

Saluant également les efforts déployés par la Turquie pour continuer à accueillir la plus grande population de réfugiés au monde, le Parlement s’est dit favorable au maintien du financement de l’Union en faveur des réfugiés et des communautés d’accueil en Turquie. Il a insisté pour que le respect des libertés fondamentales soit au centre du processus de mise en œuvre de la déclaration UE‑Turquie.

Les députés soutiennent aussi la proposition de la Commission visant à entamer les négociations pour moderniser une union douanière mutuellement avantageuse, mais préviennent que le Parlement ne soutiendra l’accord final sur cette modernisation que lorsque les conditions démocratiques relatives aux droits humains, aux droits fondamentaux et au respect du droit international et des relations de bon voisinage seront remplies. Le Parlement a réaffirmé son soutien en faveur du processus de libéralisation du régime des visas une fois que les conditions fixées auront été remplies.

Saluant la décision du gouvernement turc de ratifier l’accord de Paris sur le climat et son engagement à devenir neutre en carbone d’ici 2053, le Parlement estime que la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe constitue une occasion importante pour que l’Union et la Turquie alignent leurs politiques en matière de commerce et de changement climatique.

Les députés s’attendent à ce que la politique étrangère de la Turquie politique soit défendue au moyen d’une diplomatie et d’un dialogue fondés sur le droit international et, au vu de son statut de pays candidat, soit de plus en plus alignée sur celle de l’Union. Ils estiment qu’une coopération accrue entre l’Union et la Turquie peut être atteinte dans plusieurs domaines de politique étrangère, notamment sur les questions de l’Ukraine et l’Afghanistan. Le Parlement a invité le gouvernement turc à traiter de bonne foi les demandes d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, à jouer un rôle constructif en vue de résoudre les éventuelles questions en suspens et à s’abstenir d’exercer une quelconque pression au cours de ce processus.

Le Parlement regrette que le problème chypriote reste non résolu et souligne qu'une solution conforme aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies aura un impact positif sur les relations de la Turquie avec l'Union. Il a réaffirmé que la seule solution durable à la question chypriote était celle d’un règlement équitable, global et viable dans le cadre des Nations unies, sur la base d’une fédération bicommunautaire et bizonale dotée d’une personnalité juridique internationale unique, d'une souveraineté unique, d'une citoyenneté unique et d’une égalité politique.

Le Parlement a condamné de nouveau les interventions militaires turques en Syrie, qui violent le droit international et portent atteinte à la stabilité et à la sécurité de l’ensemble de la région. Il a également invité la Turquie à s’engager pleinement en faveur du règlement pacifique du conflit en Libye sous l’égide des Nations unies.

Perspectives pour les relations UE-Turquie

Le Parlement estime qu’aucun argument ne lui permet, à ce stade, de modifier sa position conditionnelle en ce qui concerne la suspension formelle des négociations d’adhésion avec la Turquie. Il note qu’en décidant de défier ouvertement les arrêts contraignants de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Osman Kavala et autres, le gouvernement turc actuel a délibérément anéanti toute aspiration à rouvrir le processus d’adhésion à l’Union européenne dans les circonstances actuelles.

L’Union devrait poursuivre toutes les formes possibles de dialogue, la compréhension commune et la convergence des positions avec la Turquie. La Turquie est invitée à nouer un dialogue constructif et de bonne foi, y compris concernant les questions de politique étrangère sur lesquelles la Turquie et l’Union s’opposent, en vue de trouver un terrain d’entente et une compréhension commune avec l’Union, en reprenant le dialogue et la coopération en matière de bonnes relations de voisinage et en relançant le processus des réformes en Turquie.

Le Parlement a invité les présidents de la Commission et du Conseil européen ainsi que la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité à faire preuve d’un leadership plus fort, stratégique et fondé sur des valeurs, et à rendre compte au Parlement.