Protection des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme contre les procédures judiciaires  manifestement infondées ou abusives

2022/0117(COD)

Le Parlement européen a adopté par 498 voix pour, 33 contre et 105 abstentions, des amendements à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public»).

La question a été renvoyée à la commission compétente pour négociations interinstitutionnelles.

Objectif et champ d’application

Les députés ont précisé que la directive prévoit un ensemble de normes minimales de protection et de garanties contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives dans les matières civiles, ainsi que contre les menaces de telles procédures, ayant une incidence transfrontière et engagées contre des personnes physiques et morales participant au débat public.

Définitions

Les députés ont clarifié la définition de «débat public», à savoir toute déclaration ou activité d'une personne physique ou morale exprimée ou menée dans l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, à la liberté académique ou à la liberté de réunion et d'association sur une question d'intérêt public. Cela comprend les plaintes, les pétitions, les demandes administratives ou judiciaires, la participation à des audiences publiques, la création, l'exposition, la publicité ou toute autre promotion de communications, publications ou travaux journalistiques, politiques, scientifiques, universitaires, artistiques ou satiriques.

Les «questions d’intérêt public» sont celles qui touchent le public dans des domaines tels que:

- les droits fondamentaux, y compris l’égalité de genre, la liberté des médias et les droits des consommateurs et des travailleurs, ainsi que la santé publique, la sécurité, l’environnement ou le climat;

- les activités d’une personne ou d’une entité en vue ou d’intérêt public, y compris de représentants gouvernementaux ou d’entités privées;

- les allégations de corruption, de fraude, de détournement de fonds, de blanchiment de capitaux, d’extorsion, de coercition, de harcèlement sexuel et de violence liée au genre, ou de toute autre forme d’intimidation, ou de toute autre infraction pénale ou administrative, y compris en matière de criminalité environnementale;

- les activités visant à protéger les valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE ainsi que le principe de non-ingérence dans les processus démocratiques, et à fournir ou à faciliter l’accès du public à l’information en vue de lutter contre la désinformation;

- les activités universitaires, scientifiques, de recherche et artistiques.

Assistance aux personnes physiques ou morales participant au débat public

Les États membres devraient veiller à ce que les personnes physiques ou morales participant au débat public aient accès, le cas échéant, à des mesures de soutien, en particulier : a) des informations et des conseils complets et indépendants, facilement accessibles au public et gratuits sur les procédures et les voies de recours disponibles, sur la protection contre l'intimidation, le harcèlement ou les menaces d'action en justice, et sur leurs droits; b) une assistance juridique, des conseils juridiques ou d'autres formes d'assistance juridique; c) une assistance financière et des mesures de soutien, y compris un soutien psychologique, en faveur des personnes visées par des procédures judiciaires abusives altérant le débat public.

Garanties

Dans le cadre d’une procédure judiciaire altérant le débat public, la juridiction saisie devrait pouvoir obliger le requérant à fournir une garantie pour les frais de la procédure, y compris l’intégralité des frais de représentation en justice engagés par le défendeur et les dommages-intérêts, si elle estime qu’une telle garantie est appropriée.

Les personnes physiques ou morales ayant subi un préjudice du fait d’une procédure judiciaire abusive altérant le débat public devraient être en mesure de demander et d’obtenir réparation intégrale de ce préjudice, qu’il s’agisse d’un préjudice matériel ou moral, y compris d’atteintes à la réputation, sans avoir besoin d’engager une procédure judiciaire séparée à cette fin.

Les États membres devraient veiller à ce que les juridictions imposant des sanctions prennent dûment en compte i) la situation économique du demandeur, ii) la nature et le nombre des éléments indiquant un abus identifié.

Compétence pour les actions en diffamation

Un nouvel article a été ajouté, qui stipule que dans les cas d'actions en diffamation ou d'autres actions fondées sur le droit civil ou commercial qui peuvent constituer une demande au titre de la directive, le domicile du défendeur doit être considéré comme le seul for, en tenant dûment compte des cas où les victimes de la diffamation sont des personnes physiques. Dans les actions en justice relatives à une publication qui constitue un acte de participation au débat public, le droit applicable devrait être celui du lieu auquel cette publication est destinée.

Guichet unique

Les députés ont introduit un nouvel article établissant un «guichet unique» composé de réseaux nationaux spécialisés d'avocats, de praticiens du droit et de psychologues, que les victimes de poursuites-bâillons pourront contacter et par l'intermédiaire desquels elles pourront recevoir des conseils et un accès facile à l'information et à la protection contre les poursuites-bâillons, y compris en ce qui concerne l'aide juridique, le soutien financier et le soutien psychologique.

Formation des praticiens

Les députés ont proposé que les États membres recommandent aux responsables de la formation des avocats de proposer des formations générales et spécialisées pour les sensibiliser aux poursuites stratégiques altérant le débat public et aux garanties procédurales contre ces poursuites prévues par la directive.

Coopération et coordination des services

Les États membres devraient prendre les mesures appropriées pour faciliter la coopération entre les États membres afin d'améliorer l'accès des personnes visées par des procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives altérant le débat public aux informations sur les garanties procédurales prévues par la directive et par le droit national.

Registre national accessible au public

Pour que le public puisse prendre connaissance des décisions de justice, les États membres devraient établir un registre national accessible au public des décisions de justice pertinentes relevant du champ d’application de la directive, conformément aux règles de l’Union et aux règles nationales en matière de protection des données à caractère personnel. La Commission devrait établir un registre de l’Union accessible au public sur la base des informations contenues dans les registres des États membres concernant les décisions de justice pertinentes relevant du champ d’application de la directive.