Asile: octroi et retrait du statut de réfugié, normes minimales concernant la procédure, régime d'asile européen commun

2000/0238(CNS)

En adoptant à une très courte majorité (305 voix pour, 302 contre et 33 abstentions) le rapport de M. Wolfgang KREISSL-DÖRFLER (PSE, DE), le Parlement européen a approuvé en reconsultation  le proposition revue par le Conseil portant sur des règles minimales pour l'octroi d'un statut de réfugié dans l’Union européenne. Avec ce texte, le Parlement européen, qui a adopté plus de 150 amendements à la proposition de directive, a cherché à mieux protéger les demandeurs d'asile en vue de poser les jalons d’une véritable politique commune en matière d'asile et de migration :

  • liste de pays sûrs : le texte proposé aura clairement divisé le Parlement et le Conseil sur la question de la liste de pays dits "super sûrs" permettrant aux États membres de refuser l'asile aux demandeurs issus de ces pays et considérés par les États membres comme totalement sûrs pour eux (article 30 bis de la proposition). Pour le Parlement, qui a rejeté cette disposition la jugeant injuste pour les citoyens de ces pays, il importe de prévoir une évaluation individuelle au cas par cas de chaque réfugié, fondement même du principe de non refoulement établi par la Convention de Genève (principe par lequel les gouvernements ne peuvent pas refouler un demandeur si ce dernier n'a pas pu défendre son cas). Pour la Plénière, il ne peut y avoir qu'une seule liste commune répertoriant les pays tiers considérés comme sûrs telle que définie à l’annexe B de la proposition de directive et en vertu de laquelle les personnes ne pourraient en aucun cas être poursuivis au motif de leur origine, de leur croyance religieuse, etc. Par ailleurs, cette liste ne pourrait être révisée qu’en codécision avec le Parlement européen;
  • un examen personnalisé : le Parlement ne veut pas autoriser les États membres à établir leur propre liste craignant des renvois de réfugiés dans leur pays d’origine au mépris des droits des requérants. Il a donc modifié le texte afin de donner aux demandeurs d'asile le droit de "réfuter la présomption de sécurité" et a réinséré le principe d’une évaluation du risque encouru dans le pays au cas par cas et après un entretien personnalisé avec l’appui de personnes compétentes, capables de défendre les droits des réfugiés et de tenir compte également de la vulnérabilité de certains d’entre eux (enfants, victimes de torture, personnes handicapées, femmes enceintes ou victimes de viols). Le principe d’une présomption générale de sécurité est donc rejeté par le Parlement et l’absence d’entretien personnalisé ne pourrait en aucun cas motiver un refus automatique du statut de réfugié;
  • placement en détention : concernant la détention d'immigrants et de demandeurs d'asile dans des centres de réception comme celui de Lampedusa, en Italie, le Parlement a estimé qu'en principe, les États membres ne doivent pas garder les demandeurs d'asile dans un centre de réception clos. Des alternatives à la détention ou des mesures non privatives de liberté devraient toujours être envisagées avant de recourir à la détention. Pour le Parlement, un demandeur d'asile ne pourrait donc être placé en détention "que s'il a été établi que cette mesure est nécessaire, légale et justifiée", dans des lieux "clairement séparés des prisons". L'amendement qui limitait ces détentions à une durée maximum de 6 mois a été rejeté par 333 voix pour, 337 contre et 3 abstentions. En outre, en aucun cas, un enfant non accompagné ne pourrait être mis en détention (de même que d’autres personnes vulnérables) ;
  • droit de recours: le Parlement a par ailleurs estimé que les réfugiés devraient pouvoir faire appel d'une décision de refus et rester dans le pays jusqu'à l'épuisement des procédures de recours. Lors de l’entretien personnalisé, les requérants devraient pouvoir être légalement représentés (y compris gratuitement) et recevoir toutes les informations concernant les procédures d'asile dans une langue qu'ils comprennent. Les demandes dites « irrecevables" devraient être examinées par les États membres en vertu de la Convention de Genève. Lors de l'examen des demandes de mineurs, les droits des enfants devraient en outre être pleinement respectés (le Parlement renforce notamment les droits des enfants qu’ils séparent en deux catégories : ceux qui sont accompagnés et ceux qui arrivent en Europe seuls). Dans la foulée, le Parlement a réaffirmé les droits des demandeurs d’asile et notamment, celui fondamental, de vivre dans un pays où sa liberté ne sera pas menacée en raison de sa race, son sexe, sa religion, sa nationalité ou ses opinions politiques et de ne pas être refoulé ou expulsé vers un pays où sa vie pourrait être mise en danger. Il réinsère en outre l’ensemble du dispositif dans le cadre plus large du respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union et des principes de la Convention de Genève ;
  • autres dispositions proposées : le Parlement demande, par ailleurs, l’introduction d’une clause de sanctions généralisée à l’encontre des États membres qui ne respecteraient pas la directive ; il prévoit également le principe d’un examen prioritaire pour les demandes des enfants réfugiés non accompagnés ; il prévoit un délai de 6 mois pour avertir un demandeur d’asile de l’issue de sa demande ; à la faveur d’un amendement GUE/NGL adopté en Plénière, il refuse l’utilisation des missions consulaires ou diplomatiques pour vérifier la nationalité des demandeurs d’asile ; enfin, le Parlement supprime totalement la partie consacrée aux procédures spéciales de demandes d’asile, l’article renvoyant éventuellement à la législation nationale l’analyse des demandes « manifestement infondées » ainsi que le chapitre consacré au maintien des demandeurs d’asile dans des zones de transit en attendant l’examen de leur demande.