En adoptant à une très courte
majorité (305 voix pour, 302 contre et 33 abstentions) le rapport de M.
Wolfgang KREISSL-DÖRFLER (PSE, DE), le Parlement européen a approuvé
en reconsultation le proposition revue par le Conseil portant sur des règles
minimales pour l'octroi d'un statut de réfugié dans l’Union européenne. Avec
ce texte, le Parlement européen, qui a adopté plus de 150 amendements à la
proposition de directive, a cherché à mieux protéger les demandeurs d'asile
en vue de poser les jalons d’une véritable politique commune en matière
d'asile et de migration :
- liste de pays sûrs :
le texte proposé aura clairement divisé le Parlement et le Conseil
sur la question de la liste de pays dits "super sûrs"
permettrant aux États membres de refuser l'asile aux demandeurs issus de
ces pays et considérés par les États membres comme totalement sûrs
pour eux (article 30 bis de la proposition). Pour le
Parlement, qui a rejeté cette disposition la jugeant injuste pour les
citoyens de ces pays, il importe de prévoir une évaluation individuelle
au cas par cas de chaque réfugié, fondement même du principe de non
refoulement établi par la Convention de Genève (principe par lequel les
gouvernements ne peuvent pas refouler un demandeur si ce dernier n'a pas
pu défendre son cas). Pour la Plénière, il ne peut y avoir qu'une seule liste commune répertoriant les pays tiers considérés comme sûrs telle que définie
à l’annexe B de la proposition de directive et en vertu de laquelle les
personnes ne pourraient en aucun cas être poursuivis au motif de leur
origine, de leur croyance religieuse, etc. Par ailleurs, cette liste ne
pourrait être révisée qu’en codécision avec le Parlement européen;
- un examen personnalisé :
le Parlement ne veut pas autoriser les États membres à établir leur
propre liste craignant des renvois de réfugiés dans leur pays d’origine
au mépris des droits des requérants. Il a donc modifié le texte afin de
donner aux demandeurs d'asile le droit de "réfuter la présomption
de sécurité" et a réinséré le principe d’une évaluation du risque
encouru dans le pays au cas par cas et après un entretien
personnalisé avec l’appui de personnes compétentes, capables de
défendre les droits des réfugiés et de tenir compte également de la
vulnérabilité de certains d’entre eux (enfants, victimes de torture,
personnes handicapées, femmes enceintes ou victimes de viols). Le
principe d’une présomption générale de sécurité est donc rejeté par le
Parlement et l’absence d’entretien personnalisé ne pourrait en aucun cas
motiver un refus automatique du statut de réfugié;
- placement en
détention : concernant la détention d'immigrants et de
demandeurs d'asile dans des centres de réception comme celui de
Lampedusa, en Italie, le Parlement a estimé qu'en principe, les États
membres ne doivent pas garder les demandeurs d'asile dans un centre de
réception clos. Des alternatives à la détention ou des mesures non
privatives de liberté devraient toujours être envisagées avant de
recourir à la détention. Pour le Parlement, un demandeur d'asile ne
pourrait donc être placé en détention "que s'il a été établi que
cette mesure est nécessaire, légale et justifiée", dans des lieux
"clairement séparés des prisons". L'amendement qui limitait
ces détentions à une durée maximum de 6 mois a été rejeté par 333 voix
pour, 337 contre et 3 abstentions. En outre, en aucun cas, un enfant non
accompagné ne pourrait être mis en détention (de même que d’autres
personnes vulnérables) ;
- droit de recours: le
Parlement a par ailleurs estimé que les réfugiés devraient pouvoir faire
appel d'une décision de refus et rester dans le pays jusqu'à
l'épuisement des procédures de recours. Lors de l’entretien
personnalisé, les requérants devraient pouvoir être légalement représentés
(y compris gratuitement) et recevoir toutes les informations concernant
les procédures d'asile dans une langue qu'ils comprennent. Les demandes
dites « irrecevables" devraient être examinées par les États
membres en vertu de la Convention de Genève. Lors de l'examen des
demandes de mineurs, les droits des enfants devraient en outre être
pleinement respectés (le Parlement renforce notamment les droits des
enfants qu’ils séparent en deux catégories : ceux qui sont
accompagnés et ceux qui arrivent en Europe seuls). Dans la foulée, le
Parlement a réaffirmé les droits des demandeurs d’asile et notamment,
celui fondamental, de vivre dans un pays où sa liberté ne sera pas
menacée en raison de sa race, son sexe, sa religion, sa nationalité ou
ses opinions politiques et de ne pas être refoulé ou expulsé vers un
pays où sa vie pourrait être mise en danger. Il réinsère en outre
l’ensemble du dispositif dans le cadre plus large du respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union et des principes de la Convention de Genève ;
- autres dispositions
proposées : le Parlement demande, par ailleurs, l’introduction
d’une clause de sanctions généralisée à l’encontre des États membres qui
ne respecteraient pas la directive ; il prévoit également le
principe d’un examen prioritaire pour les demandes des enfants réfugiés
non accompagnés ; il prévoit un délai de 6 mois pour avertir un
demandeur d’asile de l’issue de sa demande ; à la faveur d’un
amendement GUE/NGL adopté en Plénière, il refuse l’utilisation des missions
consulaires ou diplomatiques pour vérifier la nationalité des demandeurs
d’asile ; enfin, le Parlement supprime totalement la partie
consacrée aux procédures spéciales de demandes d’asile, l’article
renvoyant éventuellement à la législation nationale l’analyse des
demandes « manifestement infondées » ainsi que le chapitre
consacré au maintien des demandeurs d’asile dans des zones de transit en
attendant l’examen de leur demande.