Mandat d'arrêt européen et procédures de remise entre États membres. Décision-cadre

2001/0215(CNS)

OBJECTIF : présentation d’un rapport sur la mise en œuvre de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 établissant un mandat d'arrêt européen.

CONTENU : Conformément à l’article 34 de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, la Commission soumet un rapport révisé évaluant l’application de la décision-cadre. La présente révision ne porte que sur la législation italienne, adoptée depuis la présentation du rapport initial. Un second rapport, prévu pour juin 2006, permettra de mettre à jour l’évaluation pour l’ensemble des États membres, conformément aux conclusions du Conseil JAI du 2 juin 2005.

Pour établir ce rapport, la Commission se fonde, à titre principal, sur les dispositions nationales mettant en œuvre le mandat d’arrêt ainsi que sur les informations complémentaires transmises par le Conseil, notamment les réponses aux questionnaires adressés aux États membres par la Présidence du Conseil. La Commission a de surcroît cherché à compléter son information en utilisant les réponses données aux questionnaires par les membres du réseau judiciaire européen.

Évaluation : il ressort de l’évaluation de la Commission que le mandat d'arrêt est désormais mis en œuvre par tous les États membres. Cependant la moitié seulement a respecté l’échéance fixée (BE, DK, ES, IE, CY, LT, HU, PL, PT, SI, FI, SE, UK). Ce retard, allant jusqu’à 16 mois (IT), a été la source de difficultés transitoires. Néanmoins au 22 avril 2005, date d’adoption de la loi italienne, tous les États membres avaient transposé la décision-cadre. Plusieurs États membres ont dû à cette fin réviser leurs constitutions. Tous ont adopté une législation spécifique. Toutefois certains (notamment DK et EE) ont fait l’économie, pour certaines dispositions, de règles contraignantes, ce qui ne satisfait pas à l’exigence de sécurité juridique.

En pratique, dès le 1er janvier 2004, 8 États membres appliquaient entre eux le dispositif du mandat d'arrêt ; ils étaient 16 à la date de l’élargissement; ils sont 25 depuis le 14.05.2005, date d’entrée en application en IT.

En 2004, le mandat d'arrêt a ainsi progressivement remplacé l’extradition entre les États membres et semble même l’avoir dépassée en volume. Rares sont les États membres qui ont pris la liberté de limiter son champ temporel ou matériel. S’agissant du premier, certains l’ont fait en conformité avec la décision-cadre, dès l’adoption de cette dernière, notamment en excluant son application à des faits antérieurs à une date déterminée (FR, IT, AT). D’autres, toutefois, ont entendu procéder à cette limitation sans respecter la décision-cadre, que ce soit au regard de la procédure (CZ, LU, SI), du contenu de la limitation (CZ, LU) ou même de la date de prise d’effet (CZ). Dès lors les demandes d’extraditions que ces derniers continuent de présenter risquent d’être rejetées par les autres États membres.

Ont de même enfreint leurs obligations les États membres qui ont réduit le champ matériel d’application, en raison soit des seuils minimaux de peine exigés (NL, AT, PL, UK), soit de certaines catégories d’infractions pour lesquelles ils ont rétabli (BE, PL, SI) ou pris le risque de rétablir (EE, EL, FR) un contrôle de la double incrimination. Cependant, la transposition de la liste des 32 catégories d’infractions pour lesquelles la double incrimination est abolie ne suscite pas à ce stade de difficultés majeures, à l’exception notable d’une législation qui semble en méconnaître le principe (IT).

La remise de personnes requises entre les États membres, en application de la décision-cadre, est devenue entièrement judiciaire. La très grande majorité des États membres autorise le contact direct entre autorités judiciaires, aux différentes étapes de la procédure. Toutefois, certains d’entre eux désigné un organe exécutif en guise d’autorités judiciaires compétentes en tout (DK) ou en partie (EE, LV, LT, FI, SE). Autorisée par la décision-cadre, l’interposition d’une autorité centrale détenant le monopole des transmissions ne reste le choix que d’une minorité (EE, IE, HU, MT, UK).

Gage d’une plus grande efficacité, la décision-cadre limite les motifs de refus de remise entre États membres, écartant toute décision en opportunité politique. De manière générale, le cadre qu’elle fixe a été respecté. De fait, l’efficacité du mandat d'arrêt peut s’apprécier, de façon provisoire, à l’aune des 2.603 mandats émis, des 653 personnes arrêtées et des 104 personnes remises jusqu’en septembre 2004. En outre, il est à noter que la part des cas de refus d’exécution dans le total des mandats émis apparaît à ce jour modeste. La réalité ne peut que s’avérer supérieure à ces indications provisoires, fondées sur des déclarations d’une vingtaine d’États membres seulement. Á défaut de statistiques, il est possible de mentionner que IT a effectivement remis, depuis mai 2005, plusieurs personnes faisant l’objet d’un mandat d'arrêt européen, y compris dans une affaire importante en matière de terrorisme.

Des difficultés persistent néanmoins. Il semble qu’il faille déplorer la pratique de certaines autorités judiciaires qui refusent l’exécution de mandats d’arrêt à l’égard des nationaux, en invoquant leur compétence, sans pour autant mener elles-mêmes à terme les poursuites. Par ailleurs, un État membre a introduit une clause de réciprocité et une conversion de la peine infligée à ses ressortissants (CZ). Un autre a également considéré qu’il devait rétablir à l’égard de ses ressortissants le contrôle systématique de la double incrimination et conditionner leur remise à l’assurance qu’il pourrait convertir leur peine (NL). Enfin l’introduction de motifs non prévus par la décision-cadre apparaît inquiétante. Le motif additionnel de refus pour cause de « ne bis in idem » vis-à-vis de la Cour pénale internationale, permettant à certains États membres de combler une lacune de la décision-cadre, est hors de cause. Il en va de même de la question des motifs explicites de refus pour violation des droits fondamentaux ou de discrimination que les deux tiers des États membres ont choisi d’introduire expressément, sous des formes diverses. Pour légitimes qu’ils soient, sauf à outrepasser la décision cadre (EL, IE, IT, CY), ces motifs ne doivent être invoqués qu’exceptionnellement au sein de l’Union.

Grâce à l’entrée en application de la décision-cadre, la durée moyenne d’exécution d’une demande est passée de plus de 9 mois à 43 jours, selon une estimation provisoire. C’est sans compter les cas fréquents où la personne consent à sa remise, la durée moyenne tombant alors à 13 jours. Par ailleurs, les exigences des États membres varient beaucoup dans le détail, quant aux délais de réception des mandats à compter de l’arrestation (de 2 à 40 jours), aux traductions (d’une 1 langue acceptée à plus de 4) et aux modes d’authentification (de l’exigence du seul original à un simple fax). Ces différences sont la cause, en pratique, de retards voire d’échecs de remises.

Contrairement à la procédure d’extradition, l’exécution du mandat d'arrêt est enfermée dans des délais précis. Les États membres se sont dans l’ensemble très largement acquittés de leurs obligations dans ce domaine. En réalité, l’essentiel des remises semblent avoir lieu en deçà des délais maximum prévus.

Tous les États membres ont transposé dans l’ensemble les dispositions de la décision-cadre relatives aux droits de la personne recherchée, le degré de détails pouvant varier d’un État membre à l’autre. Il convient enfin de souligner que la facilitation née du mandat d'arrêt bénéficie également aux personnes concernées, qui en pratique consentent à leur remise désormais dans plus de la moitié des cas rapportés.

Conclusion : Nonobstant un retard initial indéniable, le mandat d'arrêt européen est désormais opérationnel dans la plupart des cas prévus. Son impact apparaît positif, les indicateurs disponibles étant orientés favorablement, tant en termes de judiciarisation, d’efficacité, que de célérité, le tout dans le respect des droits fondamentaux. Ce succès global ne doit toutefois pas faire perdre de vue les efforts restant à consentir de la part de certains États membres pour se conformer pleinement à la décision-cadre (notamment CZ, DK, EE, IE, IT, LU, MT, NL, SI, UK), que de la part de l’Union pour combler certaines lacunes du dispositif.

Compte tenu de sa précocité, la présente évaluation demeure provisoire ; elle devrait être renouvelée, notamment sur la base d’une remontée d’information plus systématique. La Commission se réserve à ce titre de présenter des propositions visant à modifier la décision-cadre, à la lumière d’une plus longue expérience.