OBJECTIF : renforcer le droit à la liberté et la présomption d’innocence dans l’Union européenne en tant qu’espace commun de liberté, de sécurité et de justice.
ACTE PROPOSÉ : Décision-cadre du Conseil.
CONTEXTE : la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que les principes généraux du droit commandent de considérer comme une mesure exceptionnelle le placement en détention provisoire (c’est-à-dire dans l'attente du jugement) et de lui préférer, dans toute la mesure du possible, les mesures de contrôle non privatives de liberté. Or, les données statistiques collectées auprès des États membres montrent que les suspects non résidents sont plus fréquemment placés en détention provisoire que les suspects résidents. D'une façon générale, il existe un danger certain d’inégalité de traitement entre ces deux catégories de suspects, que l’on peut aussi considérer comme une entrave à la libre circulation des personnes dans l'Union.
En vue d'atténuer la discrimination exercée à l’encontre des suspects non résidents, tout en contribuant à la diminution de la population carcérale, la présente proposition de décision-cadre vise à autoriser les suspects non résidents ayant la citoyenneté européenne à retourner sous contrôle dans leur État membre d’origine, au lieu d’être inutilement gardés en détention provisoire dans l’État membre où l’infraction présumée a été commise. On estime que la nouvelle décision-cadre devrait avoir un impact concret, puisqu’elle pourrait concerner jusqu’à 8000 personnes.
CONTENU : la proposition de la Commission vise à permettre à une autorité judiciaire de l’État membre où l’infraction présumée a été commise de transférer à l’État membre où le suspect a sa résidence habituelle une mesure de contrôle présentencielle non privative de liberté. L’État membre de résidence serait en principe tenu de reconnaître et de faire appliquer cette mesure de contrôle sur son territoire via une autorité judiciaire, dans l’attente du jugement dans l’État membre d’émission.
A noter que la décision européenne de contrôle judiciaire peut aussi être rendue en cas d'infraction pour laquelle seules des mesures coercitives moins sévères que la détention provisoire (limitation de la liberté de circulation, par exemple) sont autorisées, c'est-à-dire lorsque le seuil applicable est inférieur à celui prévu pour le placement en détention provisoire.
La présente proposition de décision-cadre n'impose pas à l'autorité judiciaire l’obligation de rendre une décision européenne de contrôle judiciaire. Elle prévoit simplement la possibilité de le faire (il appartient donc à l'autorité d’émission de décider de recourir ou non à cette possibilité). Bien que le suspect puisse demander qu'une décision européenne de contrôle judiciaire soit prise, ce n’est pas à proprement parler un «droit». Toutefois, l'autorité d’émission doit toujours, et il s’agit d’un principe général, apprécier les éléments de l’affaire à la lumière du droit à la liberté, de la présomption d’innocence et du principe de proportionnalité.
La décision européenne de contrôle judiciaire imposerait une ou plusieurs obligations au suspect afin de réduire les trois dangers «classiques» autorisant le placement en détention provisoire selon le droit interne, à savoir les risques de destruction d’éléments de preuve, de récidive et, notamment, de fuite. L'autorité d’émission peut choisir les obligations «facultatives» qu’elle impose, sauf pour deux d’entre elles, qui sont impératives: i) l'obligation pour le suspect de prendre les mesures nécessaires pour pouvoir être effectivement cité à comparaître et ii) l'obligation de ne pas entraver l’exercice de la justice ou de ne pas se livrer à une activité criminelle.
Pour garantir la bonne marche de la justice, la proposition prévoit - en dernier ressort - un moyen coercitif de renvoyer vers l’État où le procès doit se tenir tout suspect qui refuserait de coopérer. Des délais stricts s'appliquent. Avant qu'une telle décision ne soit prise, le suspect a le droit d'être entendu par l'autorité d’émission, le recours à des transmissions par vidéoconférence entre l’État d’émission et l'État d’exécution étant autorisé à cet effet.
La proposition est en principe fondée sur une obligation pour l'État de résidence habituelle du suspect d’exécuter une décision européenne de contrôle judiciaire rendue par l’État où le procès doit se tenir. Il existe toutefois certains motifs de refus, bien que limités, pouvant être invoqués par l'État d'exécution. La proposition se fonde encore sur des contacts directs entre l’autorité d’émission et l'autorité d'exécution.