Défis démographiques et solidarité entre générations

2005/2147(INI)

OBJECTIF : dresser un tableau de l’avenir démographique de l’Europe et tirer parti du vieillissement de la population pour transformer l’évolution démographique en opportunité.

CONTENU : la présente communication examine comment les Européens peuvent faire face au défi démographique en s'appuyant sur la stratégie de Lisbonne renouvelée pour la croissance et l'emploi et la stratégie de développement soutenable. Plus précisément, elle souligne comment l'Union peut appuyer ses États membres dans une stratégie à long terme dont la mise en œuvre relève pour l'essentiel de leur volonté et de leurs compétences. Pour ce faire, elle éclaire les facteurs principaux, évalue les impacts complexes, et identifie les principales voies pour l'action tant nationale, régionale et locale qu'européenne.

Causes du vieillissement : le vieillissement de la population de l'UE est le résultat de 4 tendances démographiques agissant de façon interactive :

  1. un taux de fécondité faible : le nombre moyen d'enfants par femme (taux de fécondité conjoncturel) est faible avec un niveau de 1,5 enfants pour l'EU-25 (alors que le taux de remplacement de 2,1) ;  une augmentation limitée à 1,6 est projetée pour l'EU-25 d'ici 2030 ;
  2. l’arrivée des « baby-boomers » à l'âge de la retraite : soit une augmentation substantielle de la part des personnes âgées qui doivent être soutenues financièrement par une population réduite en âge de travailler ;
  3. l'augmentation de l’espérance de vie : les Européens atteignant 65 ans en 2050 peuvent compter vivre en moyenne entre 4 à 5 ans de plus que les personnes atteignant 65 ans aujourd'hui. Ceci conduira à une augmentation spectaculaire du nombre de personnes survivant aux âges de 80 et 90 ans ;
  4. l’immigration : l'UE restera une destination significative pour les migrants dans les prochaines décennies (40 millions de personnes émigreront vers l'UE d'ici 2050). Comme beaucoup sont en âge de travailler, les migrants tendent à rajeunir la population. Toutefois, l'immigration peut seulement compenser en partie les effets de la faible fécondité et de l'allongement de l'espérance de vie.

En raison de ces tendances, la population totale dans l'EU-25 deviendra beaucoup plus âgée. Sur le plan économique, le changement principal concerne la population en âge de travailler (âgée de 15 à 64 ans) qui diminuera de 48 millions d'ici 2050. Le taux de dépendance devrait doubler pour atteindre 51% d'ici 2050, ce qui signifie que l'UE passera de 4 à seulement 2 personnes en âge de travailler pour chaque citoyen âgé de 65 et plus.

Impact du vieillissement de la population et propositions de réponse : l'impact sur le marché du travail, la productivité et la croissance économique sera considérable dans les années à venir. Les taux de croissance économique sont censés diminuer avec le vieillissement de la population, en raison principalement de la réduction de la population en âge de travailler. Les projections montrent que, si les tendances et politiques actuelles restent inchangées, le taux de croissance moyen annuel de PIB de l'EU-25 passera mécaniquement de 2,4% sur la période 2004-2010 à seulement 1,2% entre 2030 et 2050. En outre, le vieillissement conduira à des pressions significatives à la hausse sur les dépenses publiques. Pour l'EU-25, on projette une hausse des dépenses publiques liées à l'âge de 3 à 4 points du PIB entre 2004 et 2050, ce qui représenterait une augmentation de 10% des dépenses publiques. Ces pressions à la hausse se feront sentir à partir de 2010 et deviendront particulièrement fortes entre 2020 et 2040. Elles concerneront les retraites, la santé et les services aux personnes âgées.

En conséquence, une stratégie globale apparaît nécessaire. Tant au niveau de l'UE qu'au niveau national. Dans ce contexte, la Commission propose une stratégie en 5 axes :

1) Une Europe qui favorise le renouveau démographique : les politiques envisagées auraient 3 dimensions visant à i) réduire les inégalités d'opportunités offertes aux citoyens avec et sans enfants, ii) offrir un accès universel aux services d'aide aux parents, notamment pour l'éducation et la garde des jeunes enfants, iii) aménager les temps de travail pour offrir aux hommes et aux femmes de meilleures possibilités de formation tout au long de la vie et de conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

La Commission entend très prochainement consulter les partenaires sociaux sur les mesures à prendre (par exemple, le congé parental ou l’organisation du travail plus flexible) pour améliorer la conciliation entre la vie professionnelle, la vie privée et la vie familiale des hommes et des femmes afin de mieux prendre en compte les besoins des familles.

2) Une Europe qui valorise le travail des personnes âgées : un effort accru sera nécessaire pour réduire la segmentation des marchés du travail, poursuivre l'augmentation du taux d'activité féminine, améliorer l'efficacité et l'équité des systèmes d'éducation, afin d'élargir les compétences et de promouvoir l'intégration des nouveaux entrants qui souffrent de ce cloisonnement. Ce sera en particulier l'objet de la mise en œuvre des lignes directrices sur la « flexicurité » qui doivent faciliter les transitions entre différentes phases du cycle de vie par une flexibilité accrue des marchés du travail, des mesures de formation tout au long de la vie, des politiques actives du marché du travail et de la protection sociale. Le vieillissement démographique invite cependant à accorder une importance stratégique à l'augmentation du taux de participation des femmes et hommes de plus de 55 ans. Le « vieillissement actif » constitue à lui seul une orientation globale et durable, devant mobiliser tout un accompagnement au-delà des seules réformes des retraites. La participation des personnes de plus de 65 ans, y compris celles formellement à la retraite, au tissu économique et social devra aussi être favorisée, comme une opportunité offerte et non une contrainte. Cette participation accrue à l'activité sociale sur une base volontaire se fera selon des modalités qui restent largement à inventer.

Par ailleurs, des actions devront être mises en œuvre pour renforcer l’offre de services de soins de santé aptes à répondre à une demande grandissante en Europe : la Commission consultera les acteurs concernés sur les initiatives à prendre pour établir un cadre communautaire permettant d'améliorer l'offre transfrontalière de services de santé et la mobilité des patients.

Les États Membres sont également invités à pleinement appliquer la directive concernant l'égalité de traitement dans l'emploi et le travail. En 2007, la Commission évaluera la mise en œuvre de cette directive en ce qui concerne la discrimination sur l'âge.

3) Une Europe plus productive et performante : le vieillissement de la population peut constituer une grande opportunité pour augmenter la compétitivité de l'économie européenne. Il convient d'offrir aux acteurs économiques européens les meilleures conditions pour saisir ces opportunités présentées par les changements démographiques en termes de création de nouveaux marchés pour des biens et des services adaptés aux besoins d'une clientèle plus âgée. Un premier pas dans cette direction serait d'encourager les acteurs économiques à inclure le phénomène du vieillissement dans leurs stratégies d'innovation. Ceci concerne nombre de domaines tels que les technologies d'information et de communication, les services financiers, les infrastructures de transport, d'énergie et touristiques et les services de proximité, en particulier les services de soins de longue durée.

4) Une Europe organisée pour recevoir et intégrer les migrants : au cours des 15 à 20 prochaines années, l'Europe continuera à recevoir une immigration nette importante. Celle-ci viendra d'abord combler les besoins du marché du travail européen qui devra attirer une main-d'œuvre extérieure qualifiée. Les besoins extérieurs en main-d'œuvre non qualifiée resteront également très importants. Il importe donc de mieux organiser l'immigration légale et corrélativement l'intégration des personnes issues de l'immigration, tout en respectant les besoins des pays d'origine. L’UE doit donc s’engager avec les États membres dans le développement des éléments d'une politique commune d'immigration légale, destinée surtout à l'immigration aux fins d'emploi pour répondre aux besoins dans certains secteurs du marché du travail. Cette politique doit être complétée par un renforcement des politiques d'intégration des ressortissants des pays tiers, avec des moyens financiers accrus, et l'amorce de partenariats avec les pays d'émigration.

5) Une Europe aux finances publiques viables : les finances publiques ne sont pas soutenables avec les politiques actuelles. Un effort durable de consolidation budgétaire s'impose. Les réformes récentes des retraites dans plusieurs pays permettront de réduire sensiblement le déséquilibre financier des régimes de retraites. Néanmoins, des réformes supplémentaires peuvent être nécessaires dans de nombreux pays. De nouveaux défis apparaissent liés au développement de l'épargne privée et des systèmes par capitalisation. Dans ce contexte, il est d'importance cruciale de promouvoir des marchés financiers efficaces ainsi que les conditions de stabilité et de sécurité pour permettre aux individus d'épargner et d'investir sereinement.

Conclusion: les politiques actuelles ne sont pas viables à long terme, dans la mesure où elles ne permettent pas de faire face à la réduction attendue du nombre de personnes actives et à la perspective de dérapage des finances publiques. La source du problème n'est pas l'allongement de la durée de la vie en tant que telle. Elle réside plutôt dans l'incapacité des politiques actuelles à s'adapter à la nouvelle donne démographique et dans la réticence des entreprises et des citoyens à modifier leurs anticipations et comportements, en particulier face à la modernisation du marché du travail. Les réponses concrètes au défi démographique relèvent avant tout de la responsabilité des États membres. Les réformes à envisager doivent s’inscrire toutefois dans un cadre européen et notamment dans le contexte de la stratégie de Lisbonne renouvelée pour la croissance et l'emploi.