Avenir du Kosovo et le rôle de l'Union européenne

2006/2267(INI)

En adoptant à une large majorité (490 voix pour, 80 contre et 87 abstentions), le rapport d'initiative de Joost LAGENDIJK (Verts/ALE, NL), le Parlement européen soutient le processus initié par les Nations unies visant à déterminer le statut final du Kosovo et les efforts visant à établir un cadre viable qui garantisse la stabilité et la protection pour toutes les communautés au Kosovo ainsi qu'un développement économique et social à long terme. Il endosse ainsi la proposition globale de règlement pour un statut du Kosovo de M. Ahtisaari (l'envoyé spécial des Nations unies) et estime que la souveraineté supervisée par la communauté internationale est la meilleure option pour garantir ces objectifs; il espère que, sur la base de cette proposition, le Conseil de sécurité des Nations unies adoptera rapidement une résolution remplaçant la résolution 1244 (1999).

Le Parlement considère que le seul règlement viable pour le Kosovo est celui qui:

- octroie au Kosovo l'accès aux organisations financières internationales et lui permet ainsi d'engager sa reprise économique et de créer les conditions favorables à la création d'emplois;

- envisage une présence internationale afin de maintenir le caractère multiethnique du Kosovo et de sauvegarder les intérêts et la sécurité des populations serbe et rom et d'autres communautés ethniques;

- fournit un soutien international afin de sécuriser le développement d'institutions efficaces et se soutenant elles-mêmes pour l'ensemble de la population du Kosovo, et qui fonctionnent conformément à l'État de droit et aux règles fondamentales de la démocratie;

- permet au Kosovo de réaliser son désir d'être intégré au sein de l'Europe, ce qui, à terme, conduira à des relations d'interdépendance mutuelle avec ses voisins;

Il estime par ailleurs que le règlement final devrait couvrir entre autres les aspects suivants:

- une définition claire du rôle et du mandat de la présence civile et sécuritaire internationale;

- des dispositions claires concernant la décentralisation, qui accordent une autonomie substantielle dans des domaines clés tels que l'éducation, la santé et la sécurité locale et, dans le cas des municipalités serbes, qui autorisent des liens directs mais transparents avec Belgrade; de telles dispositions doivent être financièrement viables et ne doivent pas porter atteinte aux prérogatives budgétaires, exécutives et législatives d'un Kosovo unitaire;

- le plein respect des droits de l'homme, y compris l'obligation de fournir des garanties constitutionnelles concernant les intérêts vitaux des minorités et des mécanismes appropriés en vue de la sauvegarde de ces intérêts;

- la protection de tous les sites culturels et religieux;

- des dispositions concernant l'établissement d'une force de sécurité kosovare interne multiethnique, disposant d'un équipement léger et dotée d'une portée, de capacités et de fonctions limitées, sous la supervision rigoureuse de la Force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN au Kosovo (KFOR);

- des garanties internationales pour l'intégrité territoriale de tous les États de la région.

Evoquant les craintes, spécialement en Russie, que toute forme d'indépendance octroyée au Kosovo n'exacerbe d'autres tensions séparatistes dans le monde, les députés soulignent que la solution apportée au Kosovo ne créera pas de précédent dans le droit international étant donné que le Kosovo est sous mandat des Nations unies depuis 1999, et n'est en aucun cas comparable à la situation dans d'autres régions en conflit qui ne sont pas couvertes par l'administration des Nations Unies.

De l’avis des députés, la communauté internationale devrait, dans la mesure du possible, adapter sa présence de manière à aider les autorités locales dans: i) la mise en œuvre des conditions du règlement; ii) le développement de compétences institutionnelles, administratives, judiciaires et policières autonomes et ethniquement équilibrées; iii) la réalisation de progrès concernant le respect des normes des Nations unies et des indicateurs de mesure de l'UE concernant la stabilisation et l'association. Ils soulignent en outre que la communauté internationale doit être dotée de pouvoirs correcteurs directs et, dans des cas limités, de pouvoirs de substitution dans des domaines essentiels tels que: i) la sauvegarde des intérêts vitaux des minorités; ii) la protection des sites sensibles; iii) la sécurité; iv) le système judiciaire et plus largement l'État de droit, en particulier dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée.

Les députés insistent sur le fait que les États membres de l'UE doivent parler d'une seule voix lorsqu'ils s'expriment sur le Kosovo, par le biais de l'adoption d'une position commune au Conseil, à défendre sur la scène internationale, particulièrement au Conseil de Sécurité des Nations Unies.  Ils estiment également que l'Union européenne devrait avoir son mot à dire sur les conditions finales du règlement. Enfin, le Parlement soutient l'établissement d'une mission de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) au Kosovo qui contribuera à la mise en œuvre du règlement du statut dans le domaine de l'État de droit, et estime que cette mission devra être dotée de toutes les ressources nécessaires, afin d'assumer la lourde responsabilité qui lui est confiée. Le Parlement se dit prêt à dégager les ressources supplémentaires nécessaires au financement du futur engagement de l'UE au Kosovo, en vue de l'application du règlement sur le statut et du soutien aux perspectives européennes du Kosovo, pour autant que certaines conditions soient respectées.

La résolution rappelle aux autorités kosovares que la communauté internationale attend d'elles:

- qu'elles concentrent leurs efforts sur le développement des compétences institutionnelles et administratives nécessaires, afin d'assumer à terme les responsabilités jusqu'alors exercées par la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) ;

- qu'elles élaborent un concept kosovar de la citoyenneté, qui développe explicitement le caractère multilingue et multiethnique de la région tout en faisant pleinement place aux différentes communautés ethniques qui constituent la population du Kosovo;

- qu'elles œuvrent de façon sérieuse et constructive à l'établissement d'un pays et d'une société multiethniques, multiculturels, multiconfessionnels et tolérants, société qui respecte les droits de tous les groupes ethniques.

Les dirigeants de la communauté serbe au Kosovo sont invités à reconnaître que leurs intérêts sont mieux servis dans un Kosovo démocratique, décentralisé et économiquement viable, et à s'engager dans le processus de l'après-règlement afin de veiller à ce que les dispositions de l'accord présentant un intérêt direct pour la communauté serbe soient pleinement mises en œuvre. Le gouvernement serbe est de son côté invité à reconnaître que l'avenir réside dans le développement de liens étroits, transparents avec le Kosovo dans le contexte d'une intégration régionale approfondie et de la perspective commune de l'adhésion à l'Union européenne. Enfin, il est demandé aux autorités kosovares et serbes de coopérer pleinement entre elles et avec le TPIY afin d'extrader les personnes suspectées d'être des criminels de guerre.