Le «système de Dublin» vise à déterminer l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par un ressortissant de pays tiers sur le territoire de l'un des États membres de l'UE (tous sauf le Danemark), de la Norvège, de l'Islande et de la Suisse (depuis peu). Il comprend le règlement (CE) n° 343/2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et le règlement (CE) n° 2725/2000 concernant la création du système «EURODAC» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin.
Conformément aux obligations de ces 2 règlements, il est prévu d’en évaluer l’application concrète au terme d’une période comprise entre leur entrée en vigueur respective et la fin 2005.
Au regard du présent rapport d’évaluation globale, il ressort que, d'une manière générale, les objectifs du système de Dublin, notamment la mise en place d'un mécanisme clair et viable pour déterminer l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, ont été dans une large mesure réalisés. Faute de données précises toutefois, il n'a pas été possible d'évaluer un élément important du système de Dublin, à savoir son coût. Cependant, les États membres considèrent la réalisation des objectifs politiques du système comme très importante, indépendamment de ses implications financières.
Néanmoins, des problèmes persistent, tant au niveau de l'application pratique que de l'efficacité du système. La Commission proposera donc les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes et améliorer encore l'efficacité du système.
Chiffres et conclusions générales :
En ce qui concerne l'application du règlement de Dublin, l'analyse des statistiques fournies par les États membres s'est avérée extrêmement difficile. D'après les données transmises, plus de 55.300 requêtes ont été envoyées (soit 11,5% du nombre total de demandes d'asile – 589.499 – dans l'ensemble des États membres pour la même période) dont 72% ont été acceptées, ce qui signifie que dans 40.180 cas, un autre État membre a accepté d'assumer la responsabilité d'un demandeur d'asile. Toutefois, les États membres n'ont en réalité effectué que 16.842 transferts de demandeurs d'asile. Ce problème des transferts peut être considéré comme l'une des principales entraves à l'application efficace du système de Dublin.
Pour ce qui est d'EURODAC, les statistiques montrent qu’au cours de la période de référence, les données relatives à 657.753 demandeurs d'asile («transactions de catégorie 1») ont été transmises avec succès. Le nombre de ces transactions n'a cessé de diminuer (2003: 238.325; 2004: 232.205; 2005: 187.223). Cette diminution est d'autant plus importante que depuis le 1er mai 2004, 10 nouveaux États membres appliquent le règlement EURODAC. Cela reflète la baisse générale du nombre des demandes d'asile observée dans l'Union. En 2005, la comparaison des données relatives aux nouveaux demandeurs d'asile avec les données déjà enregistrées a fait apparaître qu'il s'agissait de «demandes multiples» dans 16% des cas (c'est-à-dire que le demandeur d'asile avait déjà présenté une demande dans le même État membre ou dans un autre). Au cours de la même période, les données relatives à 48.657 ressortissants de pays tiers appréhendés à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure («transactions de catégorie 2») ont été enregistrées dans EURODAC. Si le nombre de ces transactions s'est considérablement accru chaque année, il demeure étonnamment bas si l'on tient compte des fortes pressions exercées par l'immigration clandestine aux frontières extérieures de l'UE. Durant la même période, les données relatives à 101.884 ressortissants de pays tiers se trouvant illégalement sur le territoire d'un État membre («transactions de catégorie 3») ont été enregistrées. Ce chiffre a augmenté chaque année, ce qui démontre l'intérêt croissant des États membres pour ce type de contrôle.
Mise en œuvre du règlement de Dublin : il ressort du rapport que le règlement de Dublin est généralement appliqué d'une manière satisfaisante. Toutefois, un certain nombre de problèmes subsistent :
- accès effectif aux procédures : si la plupart des États membres procèdent à l'examen complet des besoins de protection du demandeur d'asile, cela ne semble pas être toujours le cas. Or, pour la Commission, la notion d'«examen d'une demande d'asile» au sens du règlement de Dublin implique toujours, sans exception, la vérification du respect par tout demandeur prétendant au statut de réfugié, des normes minimales de la directive 2004/83/CE ;
- conformité avec l'acquis de l'UE en matière d'asile : le règlement ne s'applique pas aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire, ce qui a des conséquences particulièrement négatives pour les demandeurs d'asile qui ne peuvent rejoindre les membres de leur famille bénéficiant d'une protection subsidiaire dans un autre État membre. La Commission entend dès lors proposer que le champ d'application du règlement de Dublin soit étendu à la protection subsidiaire ;
- application uniforme : une application uniforme des règles établies par le règlement de Dublin est indispensable à son bon fonctionnement. Cependant, les États membres ne s'accordent pas toujours sur les circonstances dans lesquelles certaines dispositions doivent s'appliquer. Ces divergences d'interprétation ont notamment été constatées au sujet de l'application de la clause de souveraineté qui permet à chaque État membre d'examiner une demande d'asile, même si cet examen incombe à un autre État membre et de la clause humanitaire qui permet à tout État membre de rapprocher les membres d'une même famille, alors que l'application stricte de ces critères les séparerait. Pour la Commission, la clause de souveraineté pour des raisons humanitaires doit être encouragée. La Commission précisera dès lors les modalités et procédures d'application des clauses humanitaire et de souveraineté, notamment en fixant les délais applicables aux requêtes et en subordonnant l'application de la clause de souveraineté au consentement du demandeur d'asile concerné. Enfin, des divergences d'interprétation existent au sujet de la responsabilité des requêtes pour la reprise en charge des mineurs non accompagnés ayant déjà introduit une demande d'asile dans un autre État membre. La Commission proposera d'éclaircir les cas dans lesquels la responsabilité d'un État membre cesse pour ces personnes et réaffirmera que dans le cas des mineurs non accompagnés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours primer ;
- éléments de preuve : les éléments de preuve exigés pour accepter la prise en charge d'un demandeur d'asile sont souvent difficiles à produire. Les États membres sont néanmoins convenus d'une liste de moyens de preuve et d'une liste d'indices qui ont été annexées au règlement d'application de Dublin La Commission estime pour sa part que les États membres devraient appliquer le règlement de Dublin en utilisant tous les moyens de preuve prévus, y compris les déclarations crédibles et vérifiables des demandeurs d'asile ;
- délais : plusieurs États membres considèrent que l'absence de date limite pour demander la «reprise en charge» d'un demandeur d'asile nuit à l'efficacité du système. Les États membres ne sont pas satisfaits non plus du délai de 6 semaines imparti pour répondre aux demandes d'informations prévu au règlement. La Commission proposera dès lors des dates limites pour la présentation des requêtes aux fins de «reprise en charge» et proposera de ramener à 4 semaines le délai de réponse aux demandes d'informations ;
- transferts : la faiblesse du taux de transferts de demandeurs d'asile effectués par rapport à celui des transferts acceptés nuit considérablement au système. Les États membres expliquent ce phénomène par le fait que les demandeurs d'asile disparaissent souvent après la notification d'une décision de transfert. Selon la Commission, la possibilité pour les États membres de mettre en place des mécanismes visant à limiter le nombre de transferts pourrait réduire la charge de travail et les frais de fonctionnement des services chargés de leur exécution. Cette possibilité pourrait également permettre d'éviter les mouvements secondaires consécutifs aux transferts. La Commission examinera la possibilité de permettre aux États membres de conclure des accords bilatéraux concernant l'«annulation» de l'échange du même nombre de demandeurs d'asile dans certains cas précis ;
- augmentation des mesures privatives de liberté : les États membres prennent de plus en plus de mesures privatives de liberté à l'égard des personnes faisant l'objet d'une décision de transfert, pour les empêcher de prendre la fuite avant l'exécution du transfert. La Commission rappelle que, s'il est effectivement nécessaire de trouver les moyens d'améliorer l'efficacité des transferts, les mesures privatives de liberté ne doivent être prises qu'en dernier recours et lorsqu'il existe des raisons objectives de penser que le demandeur risque de fuir.En tout état de cause, la situation des familles, des personnes nécessitant des soins médicaux, des femmes et des mineurs non accompagnés doit toujours être prise en compte ;
- mauvaise application : une mauvaise application du règlement a principalement été observée à l'égard des délais de présentation d'une requête ou de réponse à une requête. Á cet égard, la Commission rappelle que les États membres doivent respecter rigoureusement les délais fixés par le règlement de Dublin.
Mise en œuvre du règlement EURODAC : si tous les États membres appliquent ce règlement d'une manière généralement satisfaisante, l'application pratique de certaines dispositions pose problème :
- délais : le règlement EURODAC fait obligation aux États membres de transmettre sans tarder leurs données à l'unité centrale d'EURODAC. Il apparaît que cette opération prend parfois plus de 30 jours. Étant donné qu'une transmission tardive peut entraîner une erreur dans la désignation de l'État membre responsable, il est extrêmement important que les États membres réduisent ce délai. La Commission proposera de fixer un délai de transmission des données à l'unité centrale d'EURODAC ;
- collecte des données : la Commission juge étonnamment bas le nombre des personnes entrées illégalement sur le territoire d’un État membre qui sont enregistrées dans la base de données EURODAC (48.657). Ce chiffre soulève la question de savoir si l'obligation de relever les empreintes digitales de toutes les personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure est effectivement observée. L'inobservation systématique de l'obligation de relever les empreintes digitales des personnes entrant illégalement dans l’UE pourrait être prise en compte par la Commission lors de l'examen de la mise en œuvre du programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires en 2010 ;
- qualité : seulement 6% des données sont rejetées faute d'une qualité suffisante. La qualité des données transmises à EURODAC pourrait encore être améliorée grâce à une formation spécifique. La Commission organisera dès lors des formations ad hoc pour les administrations;
- suppression des données : le respect de l'obligation de supprimer certaines données ne va pas non plus de soi. La Commission proposera l'adoption d'un code précis pour chaque type de suppression, afin de mieux contrôler le respect de cette obligation ;
- protection des données : les autres réserves portent sur l'application des règles relatives au respect des données à caractère personnel, notamment celles qui permettent aux personnes concernées de vérifier les données les concernant Á cet égard, la Commission rappelle que les recherches dans la base de données EURODAC sont strictement liées à l'application du règlement de Dublin et doivent obéir aux règles relatives à la protection des données.
Le rapport signale enfin que, bien que les États membres soient tenus de conserver les empreintes digitales des étrangers appréhendés à l'occasion du franchissement illégal de leur frontière extérieure, ils ne sont pas obligés de conserver ce type de données pour les personnes appréhendées en situation irrégulière. Or, les États membres se montrent de plus en plus intéressés par l'utilisation de ces données. Il sera donc proposé de conserver les données relatives aux personnes appréhendées alors qu'elles se trouvaient illégalement sur le territoire d'un État membre pendant une période initiale de 2 ans (prolongeable, si la personne est appréhendée une nouvelle fois). La Commission examinera la possibilité d'étendre la portée d'EURODAC de sorte que les données du système soient utilisées à des fins répressives et contribuent à la lutte contre l'immigration clandestine.